Cerami, une étoile éternelle

Il s’est réservé un ultime bouquet en s’échappant le dernier jour de l’été, une saison qui symbolise cette personnalité unique, belle comme le soleil de sa Sicile natale, chaleureuse comme cette Wallonie qu’il chérissait tant. Pino Cerami : 92 ans de gentillesse, 92 ans d’une vie qui s’est achevée sans éteindre la flamme de sa légende. Je l’ai rencontré la dernière fois en janvier 2013 chez lui, à Lausprelle, un hameau de Gerpinnes. La veille, il avait pétri de la pâte et cuit des galettes avec son épouse, Claire, qui insista : —J’en emballe quelques-unes pour vous.

Durant cet entretien pour notre  » guide cyclisme 2013 « , il fut question de sa carrière professionnelle (1948-1963), de ses succès : Tour de Belgique 57, Paris-Roubaix et la Flèche Wallonne 60, Paris-Bruxelles 61, l’étape Bordeaux-Pau du Tour de France 63 à 41 ans. Puis il retraça d’autres courses de sa vie. Le destin le guida vers la Belgique alors que son père, Giovanni, rêvait de fuir la misère qui régnait à Misterbianco, près de Catane, où Pino est né le 28 mars 1922, avec l’idée de rejoindre l’Amérique. En 1927, un souci de visa annula son rêve américain.  » Mon père est alors arrivé un soir à Charleroi et il a trouvé du travail dès le lendemain matin dans la sidérurgie « , me raconta Cerami. La famille se regroupa ensuite du côté de Charleroi. Pino ne resta pas seul : sa maman, Grazia, donna le jour à deux autres fils, Ernest et Jean, ainsi qu’à une fille, Stella.

La vie ne fut pas facile tous les jours mais la famille Cerami s’adapta vite à son nouvel univers. Pino étudia à l’Université du travail, mérita un diplôme de mécanicien, obtint un emploi à la verrerie de Beignée, à Ham-sur-Heure, utilisa le vélo que son papa lui avait offert pour prendre part à ses premières courses dès 1937 sur les parcours accidentés du Hainaut. La Deuxième Guerre mit la planète à feu et à sang. Comme tous les hommes, Pino fut emporté par ces malheurs.  » A 19 ans, j’ai été ob1igé de travailler en Allemagne « , me confia-t-il. Malade, son père rendit son dernier soupir en 1943, à 45 ans. Outre-Rhin, Pino arracha l’autorisation d’assister aux funérailles de son papa. Il ne rentra pas en Allemagne mais, trahi, il fut repris.

Après la victoire des Alliés, il décrocha de l’embauche aux ateliers de Hainaut-Sambre à Couillet, retrouva enfin son vélo et un avenir. A la fin de l’interview, Pino me dédicaça un livre : Cerami, la gloire sur le tard de ClaudeDegauquier/ Editions Coups de pédales en 2007. Son épousa s’inquiéta alors que je m’apprêtais à partir : N’oubliez pas les galettes. Elles étaient délicieuses, Pino.

PAR PIERRE BILIC

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