» Ce sera l’ENFER « 

Le capitaine sur la touche évoque le match de samedi à Belgrade, sa saison à Feyenoord et un éventuel transfert.

Brasschaat, mercredi matin. Le soleil brille et les cafetiers nettoient les sièges des terrasses. Quelques clients sont déjà attablés. Tout est étonnamment calme. Bart Goor vient d’achever sa première saison à Feyenoord et est en vacances. Ruud Gullit, son entraîneur, vient de quitter le club et on cite Trond Sollied. Curieux, Goor interroge :  » Comment travaille-t-il ? » Le nom de Foeke Booy revient aussi dans les journaux hollandais.

En juin, Goor partira dans le sud de la France mais avant, il va faire un crochet par Belgrade pour le dernier match des Diables Rouges cette saison. Il sera en civil, puisqu’il est toujours suspendu. Il devra aussi faire l’impasse sur le match de Sarajevo dans quelques mois. Il le regrette d’autant plus qu’il reste sur une bonne saison à Feyenoord.

 » Nous avons malheureusement manqué de régularité et sous-estimé les équipes de moindre format mais personnellement, je suis satisfait. Le premier tour a été très bon, avec six buts, puis j’ai été nommé capitaine et j’ai reculé dans le jeu « .

L’équipe nationale vous manque-t-elle ?

Bart Goor : Evidemment. J’aime jouer et je me suis toujours amusé en équipe nationale. Je pouvais supporter deux matches de suspension mais cinq (quatre pour un crachat et un pour deux cartes jaunes), c’est beaucoup. C’est presque un an. Je n’ai jamais contesté ma suspension contre l’Espagne mais bien sa longueur. L’incident ne me paraissait pas si grave. Je n’ai pas craché sur le joueur, ce n’était pas l’expression d’une quelconque haine mais seulement de ma frustration.

Vous êtes-vous effrayé ?

J’ai trouvé ça bête après-coup. J’aurais mieux fait de crier shit et ça ne m’arrivera plus.

Vous a-t-on adressé des reproches personnels ?

Non. Si l’UB m’avait infligé une amende comme on le suggérait, je l’aurais payée. La suspension est une peine bien plus lourde. Je suis pénalisé financièrement car je perds des primes et des bonus mais ça me touche moins, car l’équipe nationale ne m’enrichit pas. Je porte son maillot pour l’honneur et mon pays.

Quelle a été le pire moment jusqu’à présent ?

Maintenant. J’ai surmonté la frustration qui m’a assailli quand on n’a pas fait appel de ma suspension. L’argument était : un match ne fait pas de différence. Mais si nous gagnons à Belgrade, nous nous déplaçons à Sarajevo avec de tout autres sentiments et sans moi… Mais à l’époque, on n’était pas convaincu que ma suspension serait raccourcie et j’étais impuissant.

Vous êtes passé à l’entraînement avant le match contre la Bosnie. Etait-ce par sentiment de devoir ?

Devoir ? J’étais content de revoir tout le monde, sans pour autant assister à toutes les séances. Compte tenu des qualités de la Bosnie-Herzégovine et de St-Marin, le six sur six était chouette mais prévisible. Les prochains matches sont plus ardus. J’espère que les Serbes se sentiront en vacances, après une longue et dure saison. La Belgique est motivée : c’est tout ou rien, pour elle. Autre avantage : la Serbie est en tête.

2004 catastrophique pour les Diables

2004 a été catastrophique. L’équipe nationale a peu marqué, beaucoup encaissé, elle n’a gagné qu’un match. Privée d’EURO, elle n’a pris qu’un point sur neuf en qualifications pour le Mondial alors qu’elle avait joué deux fois à domicile…

Trop peu de joueurs étaient en forme. Ils n’ont pu réaliser ce dont ils sont habituellement capables, ce qui a porté préjudice au fonctionnement du groupe sur le terrain. C’est pour ça que nous avons pris trop de buts. L’équipe a failli, ce qui est atypique de la Belgique.

2005 n’a pas mieux commencé : 4-0 en Egypte et 0-1 contre la Bosnie-Herzégovine, après une minute de jeu.

J’ai eu le sentiment que personne ne baissait la tête contre la Bosnie-Herzégovine tandis qu’en Egypte, chacun se posait des questions.

La préparation a été ponctuée de diverses déclarations, en mars : Daniel Van Buyten voulait jouer et Sven Vermant trouvait que les Diables n’étaient qu’un ramassis d’individualistes sans hiérarchie.

La hiérarchie existe, moins nette que du temps de Wilmots mais des joueurs comme Simons ou Vanderhaeghe forcent le respect. Il semble que Daniel n’ait pas tout à fait tenu les propos retranscrits. Il n’exigeait pas de place, il voulait jouer. C’est un souhait justifié que tout le monde peut émettre, mais même quand on est Maradona, on n’exige jamais une position en équipe nationale. Anthuenis a parfaitement réglé ça. Il n’est pas susceptible. Et Van Buyten a été bon, non ? C’est typique de Daniel. Il est ambitieux, il est le meilleur, il peut dire qu’il veut jouer. Tout le monde le veut.

Emile Mpenza a effectué son grand retour. Brillant contre la Bosnie-Herzégovine, il a retrouvé le chemin du but en équipe nationale, après deux ans, mais a été mauvais à St-Marin. A-t-on clamé trop vite qu’on pouvait se passer de lui ?

Non. Emile Mpenza est utile car il fait son boulot, il court beaucoup et est toujours dangereux mais quand un joueur déclare ne plus vouloir venir, il faut s’incliner et ne pas faire d’efforts pour le convaincre. Pareil comportement me pose problème mais je le respecte.

Les Belges qui jouent à l’étranger ont-ils le droit de ne pas comprendre qu’ils doivent céder leur place à un joueur de Belgique ?

Oui et non. Tout dépend du club où ils jouent. Les éléments des grands clubs belges évoluent dans un championnat inférieur mais la Coupe d’Europe relève leur niveau. Les footballeurs qui se produisent pour une équipe moyenne ou faible de Bundesliga n’ont pas cette possibilité. Il faut se garder de porter des jugements hâtifs. Selon moi, le débat est ailleurs : il faut signer la prestation que les gens attendent de vous, chaque fois.

Les Diables Rouges ont-ils manqué de puissance et de profondeur ?

La puissance est très importante. Jan Vennegoor of Hesselink n’est pas un fin technicien mais il est précieux au PSV. Il sait conserver un long ballon ou un dégagement. Là, nous avons été trop courts mais ce n’est pas là que se situait le problème. Nous avions trop peu de joueurs à leur niveau.

Yves Vanderhaeghe a failli se retrouver à l’Antwerp en janvier 2004, à Mons en janvier 2005 et le revoilà titulaire à Anderlecht et international. Etes-vous surpris ?

C’est la récompense de son dur labeur. On l’avait classé mais Yves a du caractère et est resté parmi l’élite. Il est revenu trop tôt plusieurs fois parce qu’il adore jouer mais il a quand même atteint son objectif. Morale de l’histoire : le talent et la technique ne suffisent pas, il faut aussi du caractère. Un homme calme avec le ballon, qui relance sereinement, qui travaille, Feyenoord aurait eu besoin d’un tel joueur cette saison. A ce poste, nous avions un jeune qui pouvait passer tout le monde et essayait d’ailleurs de le faire. Mais quand ça ne marche pas et que l’adversaire marque sur cette phase… Certains veulent imiter Claude Makelele mais tout le monde n’a pas ses qualités.

Anthuenis doit décider seul

Anthuenis a longtemps hésité à avancer Vincent Kompany dans l’entrejeu. Il s’est limité à une demi-expérience en Egypte, sur le flanc.

Je trouve très délicat d’essayer quelqu’un à un poste crucial auquel il n’est pas habitué. D’un coup, il a des joueurs dans le dos. Il faut de l’expérience, de la discipline. Un joueur doit d’abord maîtriser ce poste au sein de son équipe car ça ne vient pas en un match. Vincent a énormément de qualités mais je trouve normal qu’il tâtonne à ses débuts dans l’entrejeu.

En parlez-vous à Anthuenis ?

Nous nous sommes vus quelques fois ces six derniers mois, sans vraiment discuter. Je peux avancer un avis mais c’est l’entraîneur qui prend les décisions. C’est normal. Il peut écouter mais à mes yeux, il doit faire ce qu’il estime bon. Ainsi, s’il est limogé parce que ça ne marche pas, il a au moins le sentiment d’avoir déterminé le cours des choses. S’il tient trop compte de l’avis des autres, il conserve un goût amer. Les joueurs seraient aussi interloqués si, un jour ou deux avant le match, l’entraîneur demandait : – Les gars, comment allons-nous jouer ?

Entre-temps, l’équipe a évolué vers un 4-3-3.

Je ne suis pas un fervent partisan de ce système car j’estime que nous n’avons pas les joueurs pour l’appliquer. Tout dépend de la reprise des positions, du recul des avants, de l’appui à donner à l’entrejeu. Cette saison, j’ai vraiment apprécié le PSV. Cocu peut courir où il le désire, un autre reprend sa position. En perte de balle, il n’y a pas de problème, l’équipe reste solide. Comparez-la à Feyenoord : si je m’avançais, on ne me couvrait pas et nous courions à la catastrophe. Beaucoup d’équipes souffrent de ce manquement. On ne fait pas un mètre pour un autre. Une équipe est fichue si elle recèle deux footballeurs de ce genre. C’est la différence entre une équipe et un assemblage d’individus. Ce n’est pas une particularité du football. La société dans son ensemble est devenue trop laxiste. On ne peut s’y opposer complètement mais on ne peut non plus l’accepter. Cela n’arrive pas délibérément : qui n’a jamais été en retard ? Mais si chacun s’accorde ses petites libertés à tout moment, que se passe-t-il ? L’entraîneur doit veiller à ce que les autres ne s’énervent pas et tracer des limites claires. A coup d’amendes ou, si ça ne marche pas, en faisant faire des tours de terrain aux joueurs. Personne n’aime ça.

Koen Daerden est-il votre successeur le plus naturel ?

Il ne faut pas trop nous comparer. Il faut un joueur qui fait son boulot. Koen s’est cherché, dans un premier temps, ce qui est logique dans une équipe qui ne tourne pas, mais il s’acquitte bien de sa mission, maintenant. Il a les qualités requises, il est rapide, il a de la présence, un abattage conséquent, il sait dribbler et marquer. On voit qu’il est habitué à cette position. En outre, il est intelligent, il sait où se mouvoir. C’est un fameux rival mais la concurrence ne m’effraie pas.

Il y a un an, Besnik Hasi avait prévu que les Belges ne prendraient pas de points dans les Balkans. Le 4-0 à Zagreb lors de la campagne précédente n’est pas de bon augure.

J’espère que tout le monde est conscient du fait qu’il devient de plus en plus difficile de se qualifier. Les petites nations progressent aussi. Ce sera certainement un enfer à Belgrade mais il faut s’y préparer. Un match nul ne suffit pas. Si nous échouons, je pense que ce sera surtout à cause du premier match, contre la Lituanie. Nous n’avons pas bien joué, nous n’avons pu conserver notre avantage, l’ambiance était négative et nous nous sommes placés sous pression pour la suite.

Peter T’Kint

 » J’espère que LES SERBES SE SENTENT EN VACANCES après une longue et dure saison « 

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