Ce que Jacobs a raté

Leitmotiv dans la capitale : pour un entraîneur d’Anderlecht, une année sans trophée s’apparente à une saison ratée.

Eliminés par les Biélorusses du BATE Borisov, les joueurs sont passés à côté de la qualification pour les lucratives poules de la Ligue des Champions. Etaient-ils prêts physiquement et surtout mentalement pour affronter si tôt dans la saison cet adversaire sans référence européenne ? Le scouting fut-il réalisé avec la même précision que si le tirage avait désigné un club anglais ou espagnol ? Toujours est-il que le premier objectif (le plus facile en somme) était manqué dès le mois d’août.

Le second, également par matches à élimination directe, s’est terminé à Malines en Coupe de Belgique. Quant au troisième, le championnat, il n’a pas été atteint non plus. Pourtant, Anderlecht avait 4 points d’avance à la trêve et ne souffrait pas des fatigues des matches de coupe d’Europe, qui ont certainement coûté quelques points aux Rouches. Tout le monde connaît le verdict : malgré la conquête de 77 points avec à la clé la meilleure attaque du championnat, le titre est resté en bord de Meuse.

Gestion du noyau

Avec un tel groupe composé d’une bonne vingtaine de titulaires potentiels, le coach a beaucoup trop peu utilisé des éléments susceptibles d’apporter un plus sur le plan offensif. Des joueurs tels que Hernan Losada, Mattias Suarez voire Dmitri Bulykin ont rongé leur frein et trop de membres du noyau étaient installés comme indéracinables dans le 11 de base, avec tout le confort et le manque de remise en question que cela peut engendrer.

Hormis le poste de flanc droit offensif, où Jonathan Legear, Thomas Chatelle et Stanislav Vlcek se sont relayés, l’entraîneur, a quasiment toujours aligné les mêmes joueurs au coup d’envoi sauf en cas de blessure ou de suspension. Daniel Zitka a juste cédé sa place sur blessure à Davy Schollen et Nicolas Frutos a fait de même avec Tom De Sutter, fraîchement débarqué au mercato. Jacobs a pu bénéficier également de l’arrivée de Victor Bernardez, là où le Standard n’a remplacé ni Marouane Fellaini, ni Dante Bonfim, le seul Sinan Bolat arrivant en janvier. Le staff anderlechtois a donc obtenu, de la direction, l’apport nécessaire au remplacement des joueurs indisponibles.

Approche tactique

Excepté en toute fin de championnat et lors du double test-match, le coach a toujours évolué en 4-3-3. Le noyau offrait suffisamment de possibilités et de talents pour varier les options tactiques et surprendre l’adversaire par des positions interchangeables de certains joueurs et par des lignes de courses capables de prendre à revers les défenses les mieux organisées.

Le choix de la défense à 3 dans les derniers matches démontre une certaine audace de la part de l’entraîneur. Autant cette option s’est révélée productive durant les derniers matches (excepté à Tubize), autant ce dispositif s’est avéré inconsistant lors des test-matches. Avec des joueurs-pivots tels que Frutos et De Sutter, on aurait aimé voir plus souvent cette saison un 4-4-2 classique avec un feu-follet tournant autour du target-man, système pouvant mettre en difficulté une défense à 4. La paire d’arrières centraux adverses n’aurait pas été constamment placée dans le confort d’un 2 contre 1 plus facile à gérer.

Niveau de jeu

La culture anderlechtoise exige de gagner en ajoutant la manière. Le public du Parc Astrid a toujours privilégié les envolées techniques par rapport aux batailles rangées et à l’engagement physique. De ce point de vue, le Sporting a failli car, de manière générale, le jeu fut trop peu spectaculaire. Sur les deux matches pour le titre, on note un nombre beaucoup trop limitée d’occasions de buts, un manque évident de fluidité dans la construction du jeu, un déficit au niveau de la variété des mouvements offensifs et un engagement physique au bord de la brutalité chez Marcin Wasilewski en particulier.

Bref, le Sporting nous a habitués à un autre visage et dès l’entame de la saison 2009-2010, les joueurs seront dans l’obligation de proposer un football digne du label anderlechtois.

Fausses excuses

Se retrancher derrière le règlement, avec la différence de buts qui ne compte pas, pour justifier le fait de ne pas être champion est un faux problème. Primo, le départagé au nombre de victoires en cas d’égalité est connu de tous au départ de la saison. Secundo, ce système est meilleur que le goal-average pour éviter des scénarios comme en Allemagne, il y a quelques années, où des équipes gagnaient 12-0 et 8-0 le dernier match pour être sacrées. Où est l’éthique à ce moment-là ? Qu’auraient dit les Anderlechtois si le Standard avait gagné 0-7 à Gand lors du dernier match et été champion avec un goal de plus ? Ensuite, sous-entendre que le penalty manqué de Bryan Ruiz serait volontaire est un jeu dangereux dans lequel il vaut mieux ne jamais rentrer. De plus, critiquer l’arbitrage lors des test-matches est facile car il y a eu du pour et du contre lors de ces 2 duels et on ne peut pas dire que l’arbitrage a avantagé l’une ou l’autre formation.

Anderlecht doit pouvoir admettre qu’il a perdu le titre de façon logique dans la double confrontation et quand on est incapable de battre Tubize le lendemain du faux pas du Standard à Zulte, on doit se poser la question de savoir si on mérite d’être champion.

Coaching en match

L’entraîneur d’Anderlecht a pris quelques décisions importantes qui ont changé le cours du match alors que les affaires étaient mal embarquées pour son équipe.

-Lors de la 10e journée, mené 1-0 à la mi-temps au Germinal Beerschot, Jacobs a remplacé à l’heure de jeu Vlcek par Chatelle avec, à la clé, une victoire 1-3 et les 3 buts inscrits en 12 minutes dès le changement effectué.

-Au 12e match, à Bruges, l’entrée à la mi-temps de Lucas Biglia pour Bakary Sare, alors que la marque était de 1-0 pour les Blauw en Zwart, a bonifié le jeu des Mauves et leur a permis d’égaliser en étant dominateurs après la pause.

-Début février, alors que Mons menait 0-2 au stade Constant Vanden Stock, Jacobs a fait sortir Vlcek à la 33e pour lancer Legear, ce qui eut pour effet un retournement de situation et une victoire 3-2 avec un penalty raté par Mons à la dernière minute.

Excepté ces trois situations, on peut dire que le coach a parfois tendance (exception faite des blessures) à faire ses changements tardivement.

Choix dans les tests matches

Dans les deux cas, Jacobs a évolué avec trois défenseurs mais la blessure de Guillaume Gillet au match aller et la bonne entrée de Legear l’avaient poussé à redistribuer les rôles pour le match décisif. Bernardez était placé en défense et le choix du Hondurien montrait clairement une option plus défensive… alors que les Mauves se devaient de marquer pour avoir une chance d’être champions. Le rôle de Mbark Boussoufa était complètement différent avec un repositionnement dans l’axe pour le match de Sclessin. Jelle Van Damme, devant meubler le flanc gauche tout seul, le système en 3-4-3 du match aller ressemblait au retour à un 3-5-2. Bref, une tactique un peu frileuse !

Né en 1963, Etienne Delangre joua comme défenseur au Standard de 1981 à 1992 (267m en D1 et 6b, champion en 82 et 83). Ex-chargé de cours à l’Ecole du Heysel, il coacha de la P1 à la D1 (Charleroi).

par étienne delangre – photo: belga

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