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 » Ce que dit VANHAEZEBROUCK EST TOUJOURS JUSTE « 

Aucun entraîneur belge ne compte autant de fans parmi les joueurs que Hein Vanhaezebrouck (53). Comment le Flandrien s’y prend-il pour les convaincre de travailler avec lui ?

Nous sommes à la mi-mai et Sven Kums entre dans les bureaux de Hudson, l’entreprise d’Ivan De Witte à Gand, afin d’y discuter d’un éventuel retour à la Ghelamco Arena. Son aventure à Udine touche à sa fin et il n’a pas envie de jouer à Watford, à qui il appartient. Le kick-and-rush, ce n’est pas pour lui. Il préfère le football académique. Chez les Buffalos, ça fait un bout de temps que Hein Vanhaezebrouck met au point un plan qui doit lui permettre de récupérer l’un des principaux animateurs de l’équipe championne en 2015.

Avec Vanhaezebrouck, tout est limpide dès la première poignée de mains.  » Kristof Van Hout

Mais le dernier jour des play-offs, Gand perd la Bataille des Flandres à Bruges et laisse filer la deuxième place : Vanhaezebrouck sait qu’il ne doit plus se faire d’illusions : Kums (29) va signer à Anderlecht.  » Ce fut le choix le plus difficile de ma carrière « , dira, plus tard, le médian. Il aurait voulu travailler pour la troisième fois avec Vanhaezebrouck mais l’appel d’Anderlecht, le club de sa jeunesse, et la perspective de disputer la Ligue des Champions, ont pesé plus lourd dans la balance.

Quelques mois plus tôt, déjà, HVH avait perdu la bataille pour obtenir les services d’Adrien Trebel. Là aussi, c’est Anderlecht qui avait pris le dessus. Trebel était pourtant charmé par le discours de Vanhaezebrouck. Comme beaucoup de joueurs du championnat de Belgique, il était fasciné par le jeu de Gand.  » La seule chose qui m’attirait à Gand, c’était la présence de Hein Vanhaezebrouck » , disait Trebel voici peu.  » Sa personnalité et sa conception du jeu me convenaient.  »

Le Français a aussi confié à quelques ex-équipiers du Standard que Vanhaezebrouck le harcelait au téléphone, qu’il lui expliquait dans les moindres détails ce qu’il attendait de lui. Il prétendait que Trebel convenait parfaitement à son système et était le successeur idéal de Kums. Trebel avait fini par opter pour Anderlecht mais il avait tellement de respect pour Vanhaezebrouck que c’est à lui qu’il avait téléphoné en premier pour l’avertir de sa décision. Avant qu’il raccroche, Vanhaezebrouck avait eu ces paroles prophétiques :  » J’espère que nous aurons tout de même l’occasion de travailler ensemble un jour.  »

 » Avec lui, on sait où on en est et où on va  »

Lorsqu’il s’agit de réaliser un transfert, Vanhaezebrouck ne laisse rien au hasard : il donne lui-même des noms qu’il a obtenus par son réseau ou ses informateurs et regarde des matches complets de joueurs que les scouts lui conseillent. Il part du principe qu’il est impossible de se forger une idée précise sur un joueur en ne voyant que des résumés de quelques minutes.

A Courtrai, il fallait d’abord répondre à des tas de questions : le joueur était-il accessible financièrement, avait-il une marge de progression, s’intégrait-il au système et y avait-il moyen de le revendre ? Ce n’était qu’à la fin de ce processus que Vanhaezebrouck entrait dans la danse pour tenter d’attirer le joueur au Stade des Eperons d’Or.

 » Les joueurs demandaient systématiquement à s’entretenir avec Hein et il y était toujours favorable « , dit PatrickTurcq qui, tant à Courtrai qu’à Gand, a rempli les fonctions de directeur sportif à l’époque de Vanhaezebrouck.  » Nous n’invitions un joueur à un entretien que si Hein était entièrement convaincu.  » Dans la tête de Vanhaezebrouck, cet  » entretien d’embauche « , constitue une étape importante pour mettre le joueur dans sa poche. Il compte beaucoup là-dessus pour cerner la personnalité de son interlocuteur.

Ses armes principales : il parle bien et maîtrise parfaitement le néerlandais, le français ou l’anglais. Ses arguments sont irréfutables. Dans sa tête, il établit une sorte de check-list : il parle des qualités du joueur, du rôle qu’il pense lui confier dans son système, du groupe qu’il a sous ses ordres et du genre de joueurs qu’il veut y ajouter. Pour bien montrer qu’il pense ce qu’il dit, il fait référence à des phases de jeu.

 » Des SMS jusqu’à ce que les joueurs cèdent  »

 » Ce qu’il dit est toujours juste, logique : avec lui, on sait où on en est et où on va « , dit Kristof Van Hout, qui a côtoyé Vanhaezebrouck pendant deux ans à Courtrai.  » Un joueur aime les choses claires et avec Vanhaezebrouck, tout est limpide dès la première poignée de mains. Il fait la différence en prenant du temps pour discuter et c’est une façon de travailler qui me plaît. Ça ne se passe pas toujours comme ça, vous savez. Dans ma carrière, avant de signer quelque part, je n’ai bien souvent discuté qu’avec des dirigeants ou des entraîneurs de gardiens.  »

A Gand, la stratégie du Flandrien est différente : il appelle ou envoie des SMS aux joueurs jusqu’à ce que ceux-ci cèdent. L’été dernier, Denis Odoi a reçu des textos jusqu’à une heure avancée de la nuit.  » Du coup, on se met à douter « , disait-il voici quelques mois. Fulham avait fini par ne pas le laisser partir. C’est de sa propre initiative que Vanhaezebrouck avait directement pris contact, autrefois, avec Edmilson Junior.

Les clubs détestent ce genre de pratiques mais beaucoup d’entraîneurs le font. Dans ce cas précis, Vanhaezebrouck avait même reçu le feu vert de l’agent et du joueur. Au même moment, Michel Preud’homme faisait aussi la cour à Edmilson. Un de ces deux entraîneurs, au moins, aurait déconseillé à l’ailier de Saint-Trond de signer au Standard.

Autre méthode : Vanhaezebrouck parle pendant plus d’une heure, de façon informelle, à un joueur qu’il convoite. Il dit à l’agent de celui-ci qu’il le veut à tout prix à Gand et insiste pour qu’une réunion ait lieu avant les vacances. Tous les sujets sont passés en revue : l’aspect privé, le système de jeu et la future place du joueur. Vanhaezebrouck laisse même entendre qu’il pourrait adapter son système en fonction du nouveau, à qui il veut laisser suffisamment de liberté.

Pendant les vacances, le joueur reçoit un SMS de Vanhaezebrouck :  » J’espère que tu vas opter pour Gand.  » L’entraîneur finit par obtenir gain de cause : le joueur qui, dans un premier temps, n’avait pas du tout envie d’aller à Gand, parce qu’il avait des propositions plus lucratives ailleurs en Belgique, finit par se laisser convaincre.

Turcq se souvient d’une anecdote similaire avec Elimane Coulibaly. En fin de négociation, l’attaquant sénégalais de Deinze tente de se débiner mais Vanhaezebrouck parvient à le convaincre de signer immédiatement.  » Hein et moi avions rendez-vous avec Elimane à Kruishoutem. Tout se passait bien et nous étions arrivés rapidement à un accord verbal.

Soudain, le joueur s’est levé et a voulu partir. Il voulait encore dormir une nuit dessus. Hein et moi nous sommes regardés : nous pensions que tout était réglé. Finalement, Hein a sorti son meilleur argument pour le convaincre de monter dans la voiture et nous sommes allés à Courtrai pour signer les papiers.  »

 » Je ferai de toi un meilleur joueur  »

En 2015, même le courageux Kalifa Coulibaly ne peut pas résister à la force de persuasion de Vanhaezebrouck. A la demande de celui-ci, il est échangé contre David Pollet, excédentaire.  » Tout s’est joué lorsque j’étais en vacances au Mali « , dit Coulibaly qui, il y a six mois, est parti à Nantes.  » J’étais sensé reprendre les entraînements à Charleroi le 25 juin. Je pense que Gand recommençait à travailler une dizaine de jours plus tôt, le 15 ou le 16.

Le coach m’a convaincu de raccourcir mes vacances pour pouvoir aller en stage. Finalement, Gand a changé mon billet d’avion et j’ai atterri en Belgique à la veille du stage. J’étais à l’hôtel et Vanhaezebrouck est venu me rendre visite pour parler. Je n’avais encore rien signé mais cet entretien m’a rassuré. Je ne pouvais plus faire marche arrière.  »

L’argument préféré de Vanhaezebrouck, c’est :  » Je ferai de toi un meilleur joueur.  » Et il ne ment pas. Quand KennySaief est arrivé de Hapoel Nir Ramat HaSharon, en 2014, c’est juste un bon dribbleur. Il en fait un joueur très discipliné sur le plan tactique et capable d’entreprendre une action au moment idéal. Coulibaly est un bélier mais il a l’intention d’en faire un attaquant moderne qui crée des espaces pour ses équipiers.

 » Vanhaezebrouck avait vu des images de moi et, selon lui, il restait pas mal de points à travailler. Il disait aussi que, malgré la présence de Laurent Depoitre, qui serait titulaire, il comptait sur moi. C’était à moi de faire mes preuves et de m’intégrer le plus rapidement possible au sein de l’équipe championne.  »

A un joueur du noyau actuel de Gand, Vanhaezebrouck déclare que, pour lui, il y a vingt titulaires et qu’il aura donc du temps de jeu.  » La plupart du temps, un entraîneur dit au joueur ce que celui-ci veut entendre mais je l’ai cru car cela faisait un an qu’il me suivait.  »

Mustapha Oussalah, qui a quitté Courtrai pour Gand en 2014, connaît le même sort : il a des problèmes de placement et les longues séances de théorie lui donnent mal à la tête.  » Je commençais même à me demander si Vanhaezebrouck était vraiment un bon entraîneur « , dit le Liégeois, aujourd’hui âgé de 35 ans.  » Après un certain temps, il m’a convaincu et je me suis fait à son football. Aucun détail ne lui échappait. Un jour, il tombait des cordes. Une fois l’averse passée, il a pris le tracteur et il a commencé à drainer le terrain. Les joueurs rigolaient mais nous nous disions tous que s’il se mouillait pour nous, nous devions aussi aller au charbon pour lui, même dans le bourbier qu’était parfois le terrain de Courtrai.  »

 » 99 % des joueurs ayant entendu le discours de Hein auraient signé  »

Certains joueurs se laissent monter la tête par Vanhaezebrouck et ne tardent pas à le regretter. Dès les premiers jours au club, l’homme affable et charmant qui leur avait fait forte impression lors des négociations disparaît de la scène. Son attitude en surprend plus d’un. Les nouveaux venus comprennent au fil du temps qu’ils peuvent toujours aller le trouver pour parler de tactique mais que ce n’est pas lui qui va leur taper sur l’épaule dans les moments difficiles.

Il les envoie plutôt chez EvaMaenhout, la psychologue. Celle-ci l’avoue d’ailleurs à mots couverts à certains joueurs :  » Hein ne parle pas beaucoup. S’il y a un problème, venez plutôt me voir. «  C’est donc à elle que les joueurs frustrés se confient.

Une des grosses frustrations de Vanhaezebrouck à Gand, c’est de ne pas être parvenu à tirer le meilleur parti de Franko Andrijasevic. Lors du mercato, il avait fait du Croate sa priorité, laissant même tomber les rapports positifs établis par les scouts au sujet de Pieter Gerkens parce qu’il voulait faire d’Andrijasevic sa nouvelle plaque tournante.

Cela faisait un bout de temps qu’il disait à Michel Louwagie qu’il fallait oser dépenser davantage d’argent pour transférer un joueur. Andrijasevic devait être la figure de proue de la nouvelle politique des transferts de Gand. Avant la signature du joueur, Patrick Turcq et l’entourage d’Andrijasevic s’appelaient jusqu’à dix fois par jour. A un certain moment, l’agent du joueur avait passé le téléphone à Andrijasevic et Turcq avait passé le sien à Vanhaezebrouck.

Celui-ci dit aurait dit qu’il était prêt à se rendre à Zagreb pour rencontrer le joueur du HNK Rijeka. Andrijasevic avait été conquis au point de ne plus considérer le pré-contrat qu’il a signé avec le Standard que comme un vulgaire bout de papier. Cette histoire démontre combien Vanhaezebrouck peut sembler crédible. Il parvient à faire changer un joueur d’avis, à l’endoctriner. Un véritable gourou en training.  » On me demande souvent si je regrette d’avoir signé à Gand « , dit Pollet.  » Honnêtement ? 99 % des gens qui auraient entendu Hein auraient signé.  »

Vanhaezebrouck parvient à faire changer d'avis un joueur et à l'endoctriner.
Vanhaezebrouck parvient à faire changer d’avis un joueur et à l’endoctriner.© belgaimage

Vanhaezebrouck aime les joueurs qu’il connaît

Sometimes you win, sometimes you lose.Au cours des dernières années à Gand, en matière de transferts, HeinVanhaezebrouck était trop souvent dans le camp des perdants. Les cas les plus connus sont ceux de Sven Kums, Adrien Trebel, Junior Edmilson et Denis Odoi. Kums et Edmilson ont refusé de rejoindre Gand pour des raisons sentimentales. Dans les cas d’Odoi et Trebel, c’était une question d’argent. Pourtant, des joueurs ne demandent pas mieux que de travailler avec Vanhaezebrouck.

Kenny Saief est le dernier d’une série impressionnante de joueurs qu’il a eus sous ses ordres dans deux clubs.  » Lorsque Hein m’a appelé, j’ai compris que l’intérêt était concret « , dit-il dans une interview à Het Nieuwsblad.  » J’avais d’autres propositions mais quand un coach avec qui vous avez déjà bossé vous veut, c’est un signe de confiance.  »

En 2014, Mustapha Oussalah a suivi son entraîneur de Courtrai à Gand. C’est Vanhaezebrouck qui prenait les choses en mains.  » Cela faisait un petit temps qu’on parlait de moi à Gand. Hein l’avait entendu et alors que je revenais des toilettes, il m’avait pris à part. Si tu vas à Gand, ce sera avec moi, m’avait-il dit. Ça m’avait fait plaisir parce que je n’avais pas envie de quitter Courtrai à l’intersaison. J’avais eu l’impression qu’il y avait quelque chose entre Gand et Hein. Sans quoi il ne m’aurait pas dit cela comme ça. Pour être honnête, je n’avais pas l’impression qu’aller à Gand soit la meilleure décision que je puisse prendre en vue de la suite de ma carrière. Je me sentais bien à Courtrai, où je livrais ma meilleure saison. Mais Hein a ôté mes derniers doutes. A la fin de la saison, il m’a dit : Tiens-toi prêt, Gand va t’appeler. « 

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