» CE N’EST PAS GAME OF THRONES, ICI « 

Il y a un an, la Pro League a mis tout en oeuvre pour écarter François De Keersmaecker de la présidence de la Fédération, sans succès. En, juin, il y aura dix ans que le Malinois occupe l’étage le plus élevé de la Maison de Verre. Un survivant.

Les différentes parties ont remis leurs armes au fourreau et le calme est revenu avenue Houba de Strooper. François De Keersmaecker a survécu à la tempête et il se prépare à l’arrivée d’un nouveau secrétaire général ainsi qu’à celle de Bart Verhaeghe au poste de vice-président, tout en rêvant d’un superbe EURO.

Quel regard portez-vous sur la récente période ?

FRANÇOIS DE KEERSMAECKER : La saison passée été très turbulente mais nous avons redressé le cap. Les esprits sont apaisés. Nous communiquons beaucoup avec la Pro League et notre collaboration est positive. Chacun comprend mieux le point de vue de l’autre. Vous avez devant vous un président heureux, qui attend avec impatience un événement important.

L’ambiance est meilleure mais y a-t-il eu beaucoup de changements ?

DE KEERSMAECKER : Chris Van Puyvelde a renforcé le département technique et le conseil d’administration a franchi un pas. Nous étudions les finances plus en détail qu’avant. Le Comité Exécutif a retrouvé sa place et s’occupe des grands thèmes : la mise en place d’un plan à long terme, la détermination des objectifs généraux, le futsal, le football féminin et bientôt l’arbitrage. Où en sommes-nous ? Où voulons-nous aller ? Comment y parvenir ? Quel budget est nécessaire ?

Les pros exigeaient une gestion plus sobre.

DE KEERSMAECKER : Nous avons effectué des économies où c’était possible. Vous ne me ferez pas dire que tout était mauvais avant et qu’on ne fournissait pas d’efforts mais désormais, un groupe plus large réfléchit et a trouvé un meilleur équilibre entre les rentrées et les investissements.

2015 a été déficitaire, comme 2014.

DE KEERSMAECKER : C’est exact mais c’est dû à quelques contrecoups. Par exemple, le match contre l’Espagne a été annulé à cause de la menace terroriste. Ça nous a coûté près d’un million, même si l’Espagne n’a pas demandé le remboursement de ses frais de déplacement. La réforme du personnel a coûté de l’argent aussi. Heureusement, la fédération a des réserves et est à même de supporter ces pertes mais elles ne peuvent pas se répéter chaque année.

Le déficit 2015 sera-t-il aussi élevé qu’en 2014 ? Il s’élevait à 200.000 euros.

DE KEERSMAECKER : Il sera plus conséquent. 2015 ne sera pas une bonne année, c’est clair. Nous pouvons compenser la perte par un bon parcours en France. 2016 sera nettement meilleur.

Prudence ! La Coupe du Monde a engendré des pertes.

DE KEERSMAECKER : 2014 ne peut plus se répéter. Nous devons au moins être en équilibre sans tournoi. Nous ne pouvons pas dépendre d’une participation à un EURO ou à un Mondial. Les bénéfices retirés des tournois doivent constituer un bonus et non couvrir un déficit d’exploitation.

En 2016, le match contre le Portugal n’a pas pu être joué à Bruxelles non plus.

DE KEERSMAECKER : La perte sera moins importante que contre l’Espagne car la décision de ne pas jouer a été prise plus longtemps à l’avance.

LE GAIN

En parlant des Diables Rouges, Vincent Kompany est revenu sur le Mondial 2014 il y a quelques semaines :  » Gagner de l’argent était plus important que les liens avec les supporters pour la fédération. Elle a opté pour les gains à court terme.  » Etes-vous tombé de votre chaise en lisant ça ?

DE KEERSMAECKER : Je ne comprends toujours pas sa déclaration. Il parlait de projets avec les enfants des quartiers, pour lesquels il n’y aurait pas eu de temps. Nous attachons beaucoup d’importance à notre rôle social. Je pense que l’équipe nationale entretient d’excellentes relations avec le public.

Kompany peut difficilement prétendre ne pas être étroitement impliqué dans la gestion commerciale.

DE KEERSMAECKER : Pour autant que je sache, le département marketing a toujours travaillé en consensus avec les joueurs et je n’ai jamais entendu parler de difficultés.

Peut-être faut-il inverser sa déclaration : la fédération n’était-elle pas obligée de mettre sur pied toutes sortes d’activités commerciales pour satisfaire aux exigences financières des joueurs.

DE KEERSMAECKER : On a fondé une société pour les rentrées issues des droits d’image et tout ça. On a convenu d’une clef de répartition. Plus il y a de revenus, plus les joueurs en profitent.

D’après ce qu’on nous dit, cette clef de répartition est calculée sur base des rentrées brutes. Donc, quand l’URBSFA a retiré ses frais, le poste a plongé dans le rouge, malgré la Coupe du Monde. Si on conserve la même clef, on peut imaginer un nouveau problème financier suite à l’EURO.

DE KEERSMAECKER : Je ne crois pas que ce soit possible. La philosophie d’une société en participation est d’allier une société active – la fédération, qui se charge du travail contre indemnisation – et une série de participants passifs, les joueurs, qui ont un certain apport et jouissent de revenus, après le paiement de l’indemnité à la partie qui travaille.

Vous ne craignez donc pas que l’EURO soit déficitaire ? Un titre européen rapporterait 700.000 euros à chaque Diable Rouge.

DE KEERSMAECKER : Nous avons établi un pronostic pour chaque stade atteint et dans tous les cas de figure, il y a un gain.

Vous n’avez pas peur d’être champion d’Europe ?

DE KEERSMAECKER : Pas du tout. Je vous rassure : plus nous irons loin dans le tournoi, plus nous ferons de bénéfices.

PAS DES CACAHOUÈTES

Deux ans plus tard, le problème des droits d’image est-il résolu ?

DE KEERSMAECKER : Aux dernières nouvelles, ils n’étaient pas payés à certains parce qu’on ne savait pas clairement à qui effectuer le paiement. Nous n’allons pas nous mêler des contrats compliqués entre les joueurs et leurs managers mais tout est réglé à propos de qui doit avoir quoi.

Trouvez-vous ce genre de constructions  » normales  » ?

DE KEERSMAECKER : Nous ne parlons pas de cacahouètes. Au vu des sommes en jeu, il est évident que les joueurs mettent tout en oeuvre pour gérer de manière optimale leur fortune.

Ça dérange certains car une enquête est en cours sur la manière dont la fédération paie les joueurs et les membres du staff via des sociétés, parfois à l’étranger.

DE KEERSMAECKER : Notre audit a déclenché une perquisition, certaines personnes ayant cru bon de le publier. L’enquête est toujours en cours mais nous sommes droits dans nos bottes.

Deux dirigeants ont été interrogés.

DE KEERSMAECKER : En effet.

Pas vous ?

DE KEERSMAECKER : Non.

LE MONDE IDEAL

Koen De Brabander est le nouveau secrétaire-général. Qui a opéré ce choix ?

DE KEERSMAECKER : Une commission présidée par moi-même, comprenant Gilbert Timmermans des amateurs flamands, Gérard Linard au nom des amateurs francophones et deux représentants de la Pro League, Philippe Collin et Bart Verhaeghe. Le Comité Exécutif a désigné le secrétaire-général sur base de l’avis de la commission.

Pourquoi De Brabander ?

DE KEERSMAECKER : Nous cherchions une personne capable de diriger une organisation comme l’URBSFA, qui avait de l’expérience avec la structure d’un organisme composé d’un Comité Exécutif, d’un conseil d’administration et d’un management. Cette personne devait aussi avoir des notions de gestion financière, de marketing et d’informatique. Et pouvoir diriger un comité de direction composé d’une série de spécialistes en sport, en communication, en événements, etc. Cette personne devait aussi être intègre et disposer de capacités de leadership tout en faisant preuve de diplomatie et d’empathie. Koen De Brabander a démontré chez son employeur actuel qu’il possédait ces atouts. Il s’intéresse beaucoup au sport et souhaitait relever un nouveau défi. Je m’attends à ce qu’il fasse progresser la fédération, qu’il exploite les opportunités et mette sur pied une solide organisation afin d’offrir un meilleur service à tous nos clubs, professionnels et amateurs.

Initialement, il devait entrer en fonction le 1er mai mais ce sera seulement le 1er novembre.

DE KEERSMAECKER : Il doit respecter son préavis. Gérard Linard est secrétaire-général ad intérim et devait occuper ce poste jusqu’au terme de l’EURO. Ce n’est pas grave qu’il reste en poste quelques mois de plus.

A vous entendre, on dirait que vous n’avez pas vraiment besoin d’un successeur.

DE KEERSMAECKER : Je n’ai pas dit ça mais ce n’est pas super urgent. Le navire ne va pas sombrer.

De manière surprenante, il s’agit d’une personne extérieure au football.

DE KEERSMAECKER : Sur les 130 sollicitations, il y avait peu de candidats issus du football. En plus, Hudson ne s’est pas contenté de récolter les candidatures, il a lui-même cherché des personnes qui pouvaient convenir.

SEULEMENT DES BÉNÉVOLES

Autre fait à épingler, ce sera un secrétaire général et pas un CEO. Donc, quelqu’un qui exécute et qui ne décide pas de la gestion.

DE KEERSMAECKER : De Brabander sera le cerveau opérationnel de l’URBSFA et sera à la tête de l’administration mais la gestion est décidée par le Comité Exécutif et le conseil d’administration.

On dirait que vous voulez vraiment clore l’ère-Steven Martens.

DE KEERSMAECKER : Nous sommes des bénévoles, nous ne nous occupons pas de football à temps plein. Il faut donc quelqu’un qui dépose les projets sur la table. L’administration peut donner des idées mais n’a pas de compétences décisionnelles. C’est pour ça que nous voulons un secrétaire général et non un CEO. La gestion et les décisions stratégiques relèvent des deux instances que je viens de citer.

Bref, vous retournez à l’époque pré-Martens. Vous n’en avez pas conservé un bon souvenir, hein ?

DE KEERSMAECKER : Je ne veux pas régler de comptes. C’est le passé. Dans quelques années, il sera plus facile de replacer tout ça dans son juste contexte. Il y a eu des changements positifs. Le fait que les Diables Rouges ont gagné plus souvent que dans le passé n’y est pas étranger mais la passion suscitée par l’équipe nationale grâce aux défis des Diables était positive. Seulement, par la suite, nous avons bien dû constater que le coût financier aurait pu être inférieur.

Le conseil d’administration était chargé du contrôle financier. Il a donc failli mais ses membres sont restés en poste.

DE KEERSMAECKER : Le conseil d’administration a certainement perdu des plumes dans cette tâche. Il peut aussi y avoir des échecs opérationnels. Je pourrais vous donner un exemple mais… Non, je ne vais plus parler de l’hôtel des femmes au Brésil. On en a fait le procès mais tout ne s’est pas déroulé comme on l’a écrit. Je n’en dirai pas plus.

BART VERHAEGHE

Non seulement vous allez avoir un nouveau secrétaire général mais aussi un vice-président, Bart Verhaeghe. Un homme de caractère, qui veut changer beaucoup de choses. En cas de parité des voix, vous devrez trancher ensemble. Donc, vous ne serez plus le seul à pouvoir le faire. Est-ce que ça va faire des étincelles ?

DE KEERSMAECKER : On peut compter sur les doigts d’une main les sujets soumis au vote du conseil sur une année. On trouve pratiquement toujours un consensus entre amateurs et professionnels.

Relativisez-vous la vice- présidence accordée à la Pro League ?

DE KEERSMAECKER : Les membres du conseil d’administration s’occupent de football et pas seulement de ce qui est positif pour leur section. Ils prennent des décisions dans l’intérêt général. Il est vraiment exceptionnel que deux blocs s’affrontent. Ma voix était prépondérante dans l’ancien système mais c’est une expression fautive. Pour que ça aille mal, il faut imposer quelque chose à la moitié du conseil d’administration. Nous sommes de toute façon condamnés à trouver un accord. Tout ceci n’entame pas la présidence.

N’est-ce quand même pas une limitation des pouvoirs du président ?

DE KEERSMAECKER : Je ne parle pas en termes de pouvoir. Je n’ai jamais considéré le pouvoir comme l’élément essentiel de ma présidence. De Keersmaecker détient le pouvoir ? Ça ne marche pas comme ça. Nous travaillons en consensus. Ce n’est pas facile, ce n’est peut-être pas toujours performant mais c’est comme ça qu’on va le plus loin. Si je m’accorde une qualité, c’est la diplomatie. C’est la meilleure façon d’aller loin. Il faut toujours s’appuyer sur de bons principes de base, établir une stratégie claire et tenter de la concrétiser en concertation avec les autres.

Vous n’excellez pas seulement en diplomatie mais aussi dans l’art de survivre. Vous avez dû accepter Bart Verhaeghe pour rallier la Pro League à votre réélection et pouvoir tenir la promesse faite à Gérard Linard, qui vous a permis de gagner les suffrages des amateurs wallons.

DE KEERSMAECKER : Des machinations ! Des machinations ! Nous ne sommes pas dans Games of Thrones, hein.

Quel soulagement. Verhaeghe est très différent de Philippe Collin. Ça va quand même avoir des conséquences ?

DE KEERSMAECKER : J’ai assisté à pas mal de réunions avec Bart ces derniers mois, puisqu’il est membre du conseil d’administration et de la commission de désignation du secrétaire général. Je reconnais qu’il possède beaucoup de qualités. Un moment donné, je n’ai pas apprécié la manière dont il m’a traité dans la presse mais j’ai passé l’éponge et j’ai appris à l’apprécier. Je pense que nous avons établi de bonnes bases pour une longue collaboration.

Le considérez-vous comme un plus ?

DE KEERSMAECKER : Oui. Je pense qu’il était un peu frustré de ne pas siéger au conseil d’administration. Le Comité Exécutif se réunissait à peine trois ou quatre fois par an, à l’époque, et il n’avait pas son mot à dire au conseil.

Méfiez-vous qu’il ne marche sur vos plates-bandes.

DE KEERSMAECKER : J’aime ce que je fais et je souhaite continuer un moment mais ce ne sera pas la fin du monde si je dois arrêter.

A partir de 2018, le président et le vice-président doivent venir de rôles linguistiques différents. C’est un retour à la vieille politique belge du gaufrier. La qualité des gens ne devrait-elle pas primer sur la langue qu’ils parlent ? Ça aussi, ça ressemble à un rejet de l’ère Martens. Il cherchait de la qualité et avait surtout enrôlé des Flamands.

DE KEERSMAECKER : Chacun est convaincu de l’importance de la qualité mais il n’est pas bon qu’une partie du pays soit prépondérante au sein d’une fédération nationale.

PAR FRANÇOIS COLIN ET JAN HAUSPIE – PHOTOS BELGAIMAGE CHRISTOPHE KETELS

 » Je vous rassure : plus nous irons loin dans le tournoi, plus nous ferons de bénéfices.  » FRANÇOIS DE KEERSMAECKER

 » De Keersmaecker détient le pouvoir ? Ça ne marche pas comme ça. Nous travaillons en consensus « . FRANÇOIS DE KEERSMAECKER

 » 2014 ne peut plus se répéter. Nous devons au moins être en équilibre sans tournoi.  » FRANÇOIS DE KEERSMAECKER

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