Ce chanteur connaît la musique du foot !

Imaginez un honnête footballeur pro vous disant :  » Bien sûr, j’ai un boulot fantastique, mais j’y suis surtout arrivé par tradition familiale, mon père fut pro en son temps. Le foot n’est toutefois pas ma passion première : j’aurais tout donné pour être plutôt chanteur d’opéra, et je suis supporter inconditionnel de Luciano. Pas D’Onofrio, mais Pavarotti !  » Ce gars n’existe pas, m’objecteriez-vous : un footballeur pro l’est forcément par vocation, tout comme un peintre, un acteur, un musicien… Eh bien, j’aurais pensé pareil jusqu’à ce que, récemment, je fasse connaissance du bonhomme inverse ! Liégeois, Roger Joakim est né dans une famille de musiciens, il est notamment baryton à l’Opéra Royal de Wallonie mais aurait tout donné, ado, pour être le nouveau Gilbert Bodart !

Et aujourd’hui qu’il est autre chose (de chouette), sa vie et surtout son humeur continuent d’être aimantés par le foot, par les résultats d’un Standard dont il est fanatique. Au point que si Rouches (ou Diables) jouent en même temps qu’il est sur scène, dès qu’il regagne un instant les coulisses, il s’informe par SMS de l’évolution du score ! Au point qu’un Standard qui gagne lui rend belle la vie, tandis que les défaites sont de vraies souffrances garnies d’insomnies, qui peuvent plomber la vie de famille. Et au point qu’il s’épanche à donf sur Facebook par le biais d’un humour caustique, voire excessif dans l’irritation. Roger est Rouche donc anti-Mauve, et plus encore anti-Sang-et-Marine même si c’est démodé ! Rien qu’un peu contrit, il justifie ses antipathies par l’enfance : gamin de Tchanchès, il a d’abord aimé d’un amour pur un Standard alors morose, mais les brimades à l’école des petits supporters d’un RFC Liégeois en plein boom l’ont rendu teigneux.

Chanteur lyrique et footeux fana, ce mec était un oiseau rare, fallait que je le cuisine : le foot est un lieu d’expression parmi d’autres, et c’est mon dada depuis lurette de creuser les comparaisons si je tombe sur un bi-branché ! On s’est donc fait un p’tit resto à bâtons rompus, et je n’ai pas été déçu. Je croyais le public d’opéra connaisseur (objectif), moins supporter (subjectif) qu’en foot, Roger m’a déniaisé. Selon lui, les puristes y sont minoritaires, les autres sont parfois pires qu’au foot : snobinards accourus pour une star, un nom, et l’applaudissant même s’il est exécrable. En même temps, Roger rêve de chanter à Marseille où le public est parfois chaud comme au Vélodrome. Car dans le Sud, il peut même y avoir huées en direct, il n’y a pas eu cassure entre le peuple et l’opéra.

Les tares n’existent pas qu’au foot : en art lyrique aussi, les agents rôdent, pompes à fric dont tu ne peux pas te passer si tu veux percer dans la profession. En art lyrique, les quelques superstars sont rarement équilibrées : soit elles sont exceptionnelles d’humilité, soit elles sont de vraies m… souriantes devant les caméras, mais divas méprisantes en dehors. Et plus on monte dans le star-system, plus la jalousie laisse de cadavres dans les placards. Joakim, qui se définit comme joker, bon ouvrier, spécialiste de second ou troisième rôle, souligne chez ceux-ci la pression continue, et une forme de dopage qui en découle : prise d’anxiolytiques, trucs pour l’estomac…

Plus que le chef d’orchestre, c’est le metteur en scène d’un opéra qu’il faut comparer au coach du foot : 5 % de génies, 20 % de doués, 25 % de copieurs et 50 % d’imposteurs dont des sommités qui ont su se vendre, affirme Roger ! À relever aussi, sa comparaison de la combinaison technique/physique : un chanteur d’opéra peut ne pas disposer de capacités techniques vocales extraordinaires, mais s’imposer par ses qualités scéniques ; inversement, un chanteur qui n’a guère le physique du rôle s’imposera cependant par d’extraordinaires qualités vocales. Autre parallèle intéressant, ne pas s’étonner du nombre croissant de joueurs blacks dans le foot d’aujourd’hui, il suffit d’admettre leurs qualités athlétiques supérieures : faut parfois être humbles. Comme en art lyrique par rapport aux timbres chauds et inimitables des voix slaves, ethniquement majestueuses, inégalables même par un occidental super-entraîné !

Les tares n’existent pas qu’au foot : en art lyrique aussi, les agents rôdent.

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