CAVIAR et crème catalane

Deux titres avec Chelsea, le triplé avec Barcelone, 54 buts en Premier League, dix en Primera Division : difficile de trouver plus beau palmarès en Belgique que celui d’ Eidur Gudjohnsen (34 ans). La dernière acquisition du Cercle, a choisi cinq grands moments de sa carrière.

1. Le transfert à Chelsea en 2000

 » Ma première étape vers l’élite européenne, à laquelle Chelsea émargeait déjà. MarcelDesailly, FrankLeb£uf, DennisWise, GianfrancoZola, MarioStanic, Jimmy FloydHasselbaink… A 21 ans, ce n’était pas mal. En plus, le manager, Gianluca Vialli, avait insisté pour m’engager. Or, il était mon idole de jeunesse depuis que mon père m’avait donné le maillot qu’il avait échangé avec lui après la finale de C2 d’Anderlecht contre la Sampdoria.

Ce transfert a aussi marqué la fin d’une période très difficile. J’avais effectué mes débuts au PSV en 1996, après la trêve hivernale, à 17 ans. J’avais inscrit trois buts en treize matches mais je me suis ensuite brisé la cheville. On m’avait dit que je serais guéri en quatre mois mais cela m’a coûté presque deux ans. Mon manager m’a annoncé que le PSV ne prolongerait pas mon contrat.

J’étais classé mais moi, je ne croyais pas que ma carrière était déjà achevée. Mon retour allait seulement prendre plus de temps que prévu. Après un passage en Islande, j’ai reçu une chance à Bolton, alors en D2 anglaise. Je l’ai saisie des deux mains et j’en ai été récompensé par ce contrat à Chelsea ainsi que par le sentiment délicieux de démontrer à tous ces gens qui m’avaient laissé tomber qu’ils avaient eu tort.

2. Le ciseau contre Leeds en 2003

Mon plus beau but. Un caviar de la droite de Frank Lampard, que j’ai propulsé d’une reprise acrobatique à la retourne dans le coin droit du but. Je n’ai jamais eu pareil sentiment sur un terrain de football. C’est indescriptible : j’avais l’impression de planer. Gamin, je rêvais d’inscrire un tel but et je m’étais exercé sans relâche, sur un terrain anonyme. J’ai réussi ce but devant 40.000 personnes, dans un match traditionnellement disputé contre Leeds, alors que nous étions menés 0-1… Je n’oublierai jamais cette euphorie de quelques secondes. Seule la naissance de mes trois enfants surpasse ce moment.

3. Champion avec Chelsea à Bolton en 2005

Le premier de mes deux titres avec Chelsea, le premier des Blues en cinquante ans. Nous l’avons fêté sur le terrain de Bolton, là où j’avais relancé ma carrière et que je porte toujours dans mon c£ur. C’était un match très spécial : les supporters des deux camps scandaient mon nom. C’était aussi le sommet d’une magnifique saison : nous n’avions essuyé qu’une seule défaite, j’avais réussi mon tout premier hat-trick, contre Blackburn et marqué le but de la victoire contre Manchester United lors de la première journée.

Nota bene, il y a aussi eu le premier match de José Mourinho à Chelsea. D’emblée, j’ai eu l’impression que nous réussirions avec lui. Deux jours après son arrivée, il m’a téléphoné : – La préparation commence dans deux jours, veille à être prêt. Je compte vraiment sur toi. Un joueur ne peut recevoir plus bel encouragement.

Nous possédions de grands talents : JohnTerry, ClaudeMakélélé, Lampard, Didier Drogba. Mourinho nous a mués en un vrai bloc en nous plaçant sous pression au bon moment, en exigeant beaucoup de nous mais en nous offrant aussi beaucoup en retour. Je me souviens du match de Ligue des Champions contre le CSKA Moscou. C’était 2-0 au repos. J’avais marqué à la 45′. Tout allait bien mais à la mi-temps, José a demandé s’il pouvait me dire quelque chose devant le groupe. J’ai répondu que oui et il s’est lancé dans une tirade : – Eidur, ton but est bon mais le reste ne vaut rien. Soit tu montres tout de suite ce que tu vaux soit je te retire. Qu’a-t-il dit ensuite à la presse, alors que je m’étais ressaisi en seconde période ? – Gudjohnsen a été fantastique. Il n’a pas volé son surnom, The Special One.

4. Le premier but en championnat pour Barcelone en 2006

Mon tout premier match de championnat pour Barcelone et un but, lors de la première journée, au Celta Vigo. Je suis entré à la 74′ et treize minutes plus tard, j’ai marqué le goal de la victoire 2-3, sur un assist de Deco. Amortie de la poitrine, et ballon repris en un temps, en puissance. Je ne pouvais rêver meilleur départ et pour quelle équipe ! Carles Puyol, Deco, Xavi, Andres Iniesta, Ronaldinho, SamuelEto’o et LionelMessi, qui n’avait encore que 19 ans mais en était déjà à sa troisième saison au Barça. Par ailleurs, ce jour-là, c’est lui qui a égalisé 2-2.

On voyait déjà qu’il avait tout d’une future star mondiale : une technique sublime, de la vitesse, de la puissance et surtout un grand calme. Plus tard, durant cette saison, il a marqué trois buts contre le Real mais on aurait dit que c’était la chose la plus banale qui soit. J’ai rarement vu un footballeur tant aimer le jeu. Il souriait toujours, même quand nous lui avions presque cassé la jambe en deux. Un joueur et un homme remarquable.

5. La fête après le triplé en 2009

Le titre, la Coupe et la Ligue des Champions avec Barcelone : la saison parfaite, couronnée d’un tour de plusieurs heures dans un bus ouvert, à travers le centre, sous les acclamations d’un million de personnes, avant de pénétrer dans le Camp Nou, comble lui aussi. Le sentiment que m’a laissé mon crochet est inégalable mais cet orgasme prolongé n’en est pas loin, même si je n’ai pas joué durant cette finale de la Ligue des Champions. J’aurais adoré passer ne fût-ce que quelques minutes sur le terrain, comme durant la demi-finale à Chelsea mais, d’un autre côté, dans une telle fête, il ne faut pas être égoïste.

Voir tous ces supporters pleurer et rire compense d’ailleurs beaucoup de choses. C’est incroyable comme un footballeur peut rendre les gens heureux, surtout à Barcelone, où les supporters vivent au rythme de leur équipe, plus que partout ailleurs. Le Barça est plus qu’un club, c’est le c£ur de la Catalogne. D’autre part, la pression est évidemment terrible durant toute la saison, bien plus qu’à Chelsea encore. La victoire ne suffit pas : elle doit s’accompagner d’un beau jeu. Parfois, c’est même excessif : si vous gagnez 4-0 une semaine, vous êtes quasi obligé de marquer cinq buts la fois suivante. Mais quand vous donnez beaucoup aux supporters, vous en recevez le centuple, comme durant ce trajet inoubliable. « 

PAR JONAS CRETEUR

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