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« Cavendish reste le plus rapide de tous « 

Pour son équipier et ami Julien Vermote, aucun doute n’est permis : au Tour, Mark Cavendish sera prêt à remporter  » une ou plusieurs étapes. « 

Son premier contact avec Mark Cavendish, Julien Vermote s’en souvient comme si c’était hier :  » C’était au Tour Down Under 2011 « , dit-il.  » C’était ma toute première course chez les pros et je voulais me montrer, alors j’ai tenté d’accompagner une échappée mais Cav m’a barré la route. Avec ses équipiers, il voulait contrôler la course et veiller à ce que le peloton reste compact. J’ai eu un peu peur mais le soir, à l’hôtel, il s’est immédiatement excusé. Ça en dit long sur le coureur et sur l’homme.

Après avoir déjà été équipiers chez Quick-Step de 2013 à 2015, Vermote (28 ans) et Cavendish sont à nouveau réunis chez Team Dimension Data. Aujourd’hui, ils sont devenus amis.  » Welcome, my friend ! « , a twitté le sprinter britannique en apprenant le transfert de Vermote, en août dernier.

 » Tout a commencé au Tour d’Italie 2013. Mark venait d’arriver dans l’équipe et on n’avait encore disputé qu’une seule course ensemble. Au départ du Giro, Brian Holm est venu me voir dans ma chambre et il m’a dit :  » Je te conseille de t’occuper de Cav pendant toute l’épreuve. Tu ne le regretteras pas, ça va changer ta carrière.  »

Vermote a tenu compte du conseil et il n’a pas été déçu.  » Au cours de la première étape, qui partait de Naples et y arrivait, JérômePineau et moi devions rouler devant et veiller à ce qu’on arrive au sprint. Il y avait beaucoup de pression mais Cav a conclu et a pris le maillot rose.

Trois jours plus tard, il y avait une étape que nous pensions faite pour lui, mais il a été lâché dans une côte. J’étais bien placé devant mais je l’ai attendu et je l’ai protégé du vent pendant le reste de l’étape. Après l’arrivée, il m’a demandé si j’avais pris cette initiative seul. Il trouvait ça formidable et il l’a dit au directeur sportif.  »

À la moitié du Giro, sous la pluie, Cavendish décroche une troisième victoire d’étape, son centième bouquet chez les pros.  » À l’arrivée, on devait encore faire un circuit local de sept kilomètres « , explique Vermote.  » C’était assez sinueux et, lorsqu’on est arrivé sur le circuit, les cinq coureurs de tête comptaient encore 40 secondes d’avance.

J’ai tout donné – Cav l’a même dit dans son livre – et à 200 mètres de la ligne, on a repris les fuyards. Ce que tu as fait aujourd’hui, c’est la classe mondiale, m’a dit Mark par la suite. Au cours de ce Giro, il a remporté cinq étapes et le classement par points, un résultat fantastique. Notre collaboration ne pouvait pas mieux commencer.  »

Pas sa langue en poche

Vermote avoue qu’au début, il était intimidé.  » C’était Mark Cavendish, hein ! J’étais encore junior qu’il gagnait déjà des courses. Mais j’ai fini par découvrir l’homme. Les observateurs le considèrent comme explosif mais c’est quelqu’un de vrai. En course, il n’a pas peur d’élever la voix mais c’est normal quand on est un leader.

Il fait ça parce qu’il veut que les choses soient claires. C’est pourquoi il aime être entouré de gens à qui il ne faut pas beaucoup parler pour qu’ils comprennent, comme BernieEisel, Mark Renshaw et moi. On se connaît parfaitement et ça amène de la sérénité.  »

Le mot sérénité n’est pourtant pas celui qu’on utiliserait pour décrire Cavendish. Dans le Algemeen Dagblad, la journaliste Renate Verhoofstad a un jour écrit qu’il était obsessif, complexe, impatient et émotif.

 » Mark a du tempérament « , dit Vermote.  » Personne ne peut le nier. Mais c’est tout sauf une grande gueule. Quand il dit quelque chose, c’est qu’il y a une raison. Disons qu’il ne parle pas pour ne rien dire.  »

Même l’épouse de Cavendish a un jour parlé du tempérament de son mari dans un journal flamand.  » Mark peut même perdre son calme en jouant aux Légos et il lui arrive de temps en temps d’utiliser un mot anglais commençant par F « , avait dit Peta Todd.

 » C’est grâce à ce caractère qu’il en est là « , dit Vermote.  » Il dit ce qu’il pense et ça, c’est bien. Certains parviennent sans doute mieux à garder leur calme mais en course, il faut de l’adrénaline et il me semble normal que, juste après l’arrivée, on puisse être énervé.  »

Vermote raconte que, même s’il est parfois stressé dans la finale d’une course, Cavendish aime aussi mettre l’ambiance et faire des blagues une fois qu’il descend de son vélo.  » Il se moque souvent de ma coiffure, par exemple (Il rit). Ou de la façon dont les spectateurs belges vivent la course. Il aime courir chez nous mais il dit que les Belges sont fous. Ici, la course, c’est une religion, n’est-ce pas ? Pour construire une bonne équipe, il faut un bon esprit de groupe et Mark montre l’exemple sur ce plan.  »

Un gagneur très assidu

Vermote respecte énormément l’homme mais aussi le coureur.  » C’est un leader reconnaissant, qui n’hésite pas à se mettre au service de l’équipe s’il sent qu’il n’a aucune chance. Oui, il peut rouler comme un fou pour un autre et c’est beau. Évidemment, il a un talent exceptionnel mais il a aussi du caractère, il sait souffrir, s’entraîner dur et mordre sur sa chique.  »

Après une lourde chute, par exemple. Ces derniers temps, il est tombé un peu trop souvent a son goût. Il y a eu la collision spectaculaire qui a valu une disqualification à Peter Sagan au Tour l’an dernier mais, cette saison encore, le Manx Express a fait connaissance avec l’asphalte à plusieurs reprises.

 » Je suis même étonné qu’il ne se blesse pas davantage. Il est tombé à Abu Dhabi puis lors du contre-la-montre par équipes à Tirreno-Adriatico, et ce n’était pas une petite chute. Sans parler de son plongeon à Milan – Sanremo. Quand je l’ai vu passer par dessus le garde-fou, j’ai craint le pire mais il n’a eu qu’une côte cassée. Un miracle !  »

Pour Vermote, on ne peut tout de même pas sous-estimer l’impact de ces chutes.  » Tomber trois fois en aussi peu de temps, ça use le corps. Mais Mark ne se plaindra jamais et il reviendra plus vite que les autres. Sa présence à Milan – Sanremo peu après sa chute lors de la première étape de Tirreno-Adriatico, où il s’était déjà fracturé une côte, était déjà admirable.  »

Après tout cela, le commun des mortels éviterait sans doute les sprints massifs.  » Ce sont des choses dont les coureurs parlent rarement entre eux « , dit Vermote.  » Il ne faut pas tenter le diable. Quoi qu’il en soit, Mark continuera à sprinter, j’en suis convaincu. Bien qu’il compte déjà énormément de victoires dans de grandes courses, il reste terriblement ambitieux. Cav est un gagneur, terriblement assidu et il aime sprinter. Je pense cependant qu’il va de plus en plus se concentrer sur les grandes courses. Il ne crachera pas sur une victoire à Tirreno-Adriatico mais s’il y échoue, il l’acceptera plus facilement.  »

Julien Vermote :
Julien Vermote :  » Mark se met d’office au service de l’équipe quand il réalise qu’il n’a aucune chance de gagner. « © BELGAIMAGE

Expérimenté et fort tactiquement

Actuellement, Cavendish compte 30 victoires d’étapes au Tour à son palmarès, soit quatre de moins que le record absolu d’ Eddy Merckx.  » Avant, ça ne me tracassait pas mais maintenant que j’ai ce record en ligne de mire, c’est devenu un objectif  » disait-il l’an dernier dans The Times. Vermote confirme :  » Quand on est aussi proche, on y pense automatiquement. Son palmarès est impressionnant mais, avec ce record, il serait complet.  »

Vermote est en tout cas convaincu que son leader et ami peut y arriver.  » Cav reste le plus rapide. C’est un sprinter plus pur que MarcelKittel, dont j’ai été l’équipier au cours des deux dernières saisons. Kittel est puissant, Cav est un pur sang. Il peut sortir de sa boîte, surgir et laisser tout le monde sur place.

FernandoGaviria est du même tonneau. Ce sera un fameux client, tout comme Caleb Ewan. Mais bien que ces gars-là soient beaucoup plus jeunes, Cav est plus rapide. C’est un gars spécial. Il a 33 ans mais il n’a rien perdu de son explosivité.  »

Il n’a pas encore beaucoup de courses dans les jambes mais, pour Vermote, ce n’est pas nécessairement un inconvénient.  » Il a démontré à plusieurs reprises que, plus on avance dans les grands tours, plus il est fort. Il n’est jamais facile de faire des pronostics mais, tout comme Mark, j’ai confiance : il sera prêt et gagnera une ou plusieurs étapes au Tour.

Outre sa vitesse, il est très expérimenté et il est fort tactiquement. Il voit clair. Kittel a besoin d’espace et d’un bon train pour s’imposer. Cav a un poisson-pilote idéal, Renshaw, mais il peut également très bien passer de roue en roue.  »

Quid de l’avenir ?

Jusqu’à nouvel ordre, Cavendish et Vermote roulent sur un vélo Cervélo. En début de saison, Cavendish s’était plaint du manque d’aérodynamisme de la bécane.  » L’aérodynamisme est très important pour un sprinter mais je ne pense pas que nos vélos en manquent. Lorsque Mark a dit cela – en février, au Tour de Dubaï – il a immédiatement ajouté que c’étaient les jambes qui devaient faire la différence. D’ailleurs, le lendemain, il a remporté l’étape. Tout cela pour dire que ces vélos ne sont pas si mauvais « , rigole Vermote.

Peu avant le Tour, des bruits alarmistes ont remis en cause l’avenir de Mark Cavendish au sein de l’équipe Team Dimension Data. Un éventuel départ du co-sponsor, Deloitte, pourrait obliger le sprinter britannique à quitter l’équipe sud-africaine.  » Le contrat de Mark arrive à échéance, je le savais déjà lorsque j’ai signé pour deux ans « , dit Vermote.  » Pour moi, personnellement, rien ne changera en 2019 mais j’espère que Cav restera et que nos retrouvailles auront duré plus d’un an.  »

 » Seulement les cinq derniers kilomètres en tête  »

Après sept ans de bons et loyaux services, Julien Vermote a quitté l’équipe Quick-Step en fin de saison dernière.  » Je m’y sentais bien mais j’ambitionnais tout de même d’obtenir un résultat dans une classique flamande d’avant-saison. AG2R fut le premier à me contacter. Je pouvais être le leader dans les classiques et le lieutenant de RomainBardet au Tour. En juillet dernier, le manager de Team Dimension Data est venu me dire que je l’intéressais sérieusement et je me suis dit que ça me plairait de retravailler avec Mark Cavendish mais je voulais prendre ma décision en toute indépendance.

C’est pourquoi, dans un premier temps, je n’ai pas envoyé de message à Cav. Avant de prendre ma décision, je l’ai tout de même fait en lui disant que je n’avais pas osé le faire plus tôt. Il m’a répondu qu’il savait que l’équipe s’intéressait à moi mais qu’il n’osait pas me le dire pour ne pas influencer ma décision. Il ajoutait qu’il serait toutefois super-content que j’opte pour son équipe. Le soir, nous nous sommes téléphoné et, pour moi, c’était comme si c’était fait.  »

Au Tour, Vermote se mettra dès lors au service de Cavendish. Lors de la dernière édition, il a parcouru mille kilomètres en tête, ce qui lui a valu le Vélo de Cristal du Meilleur équipier. Cette fois, on le verra moins souvent devant.  » Je devrai surtout intervenir en fin d’étape. Quand ? Ça dépendra des circonstances mais il est possible que ce ne soit pas avant les dix ou même les cinq derniers kilomètres. Ma plus grande force, c’est de pouvoir placer une accélération pour mettre le train sur rails. Il n’est pas impossible que je m’immisce dans une échappée mais, dans les étapes de plaine, Mark est incontestablement notre atout le plus important. Je me réjouis d’y être car rouler au service de Cav au Tour, c’est un projet ambitieux : il suffit de voir combien d’étapes il a déjà remportées. « 

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