CASTING foireux

Bruno Govers

Voici pourquoi les recettes du prometteur coach bruxellois ont tourné à l’aigre.

« Le match de la dernière chance pour Emilio Ferrera « . C’est en ces termes que le président du FC Brussels, Johan Vermeersch, s’était épanché dans divers journaux du week-end dernier sur le sort d’un entraîneur qui, malgré la position précaire de son club, avait toujours pu compter, jusque-là, sur sa mansuétude. Mais ce match n’arriva jamais puisque Ferrera a été viré samedi, veille de partie au stade Edmond Machtens !

A différentes reprises, l’avenir du coach bruxellois avait été entouré d’un énorme point d’interrogation. La première fois après une défaite à St-Trond, fin octobre, lorsque le président usa de toute sa persuasion pour infléchir la décision d’un mentor, soucieux de se le tenir pour dit à ce moment-là déjà.

Puis, début décembre, au crépuscule des matches aller, à une époque où les Rouge-Noir-Blanc ne devaient qu’à l’insigne indigence du KV Ostende et de l’AEC Mons de pointer toujours en position de premier non relégable au classement. Une situation qui changea bien évidemment du tout au tout, à la reprise, avec une dernière place au classement comme conséquence. Du coup, il était clair que la tête de l’homme-orchestre du groupe pro ne tenait plus qu’à un fil, comme celle de Sergio Brio (Mons), Franky Van der Elst (Lokeren), Gilbert Bodart (Ostende) et Hugo Broos (Anderlecht), tous passés à la trappe avant lui ces derniers mois. Le lendemain, c’était celle de Marc Wilmots qui roulait dans un verger trudonnaire après la défaite ostendaise…

Mais pourquoi avoir viré Ferrera une veille de rencontre ?

Indépendamment d’allusions à sa survie ou non, répercutée par les quotidiens, il semble que d’autres propos présidentiels, surtout, n’aient pas eu l’heur de plaire à Emilio Ferrera. Et ce, même si ce dernier ne voulait ni les confirmer ni les infirmer après sa mise à l’écart. Tel ce titre  » Ik heb te weinig mijn eigen gedacht gevolgd « , étalé en une des pages sportives du HetLaatste Nieuws du samedi selon lequel Vermeersch disait û J’aurais dû suivre mes propres idées… Une phrase jugée assassine par un coach qui s’en serait ému instantanément auprès du grand patron. Avec, en guise de conséquence immédiate, un renvoi formulé par fax à son attention, ainsi qu’à celle de son avocat.

Sa teneur ne fut divulguée que l’après-midi du samedi, par le biais du site Internet du club. Un communiqué officiel où on pouvait lire également que  » cette décision douloureuse a été prise dans l’intérêt du FC Brussels, dans un souci de cohésion interne et dans l’espoir de voir la situation sportive du club s’améliorer dans les plus brefs délais « .

Pas de cohésion interne

La cohésion interne, c’est ce qui aura fait défaut au sein du club depuis le début de la saison. En matière de gestion des hommes, les manquements ont, de ce point de vue, souvent été criards. Avec l’entraîneur au centre des débats. Du préposé au petit café du matin jusqu’aux personnes gravitant dans les plus hautes sphères du club, rares sont ceux, au stade Edmond Machtens, qui ne se seront pas attirés à l’un ou l’autre moment les foudres de Ferrera. Parfois à raison, comme dans le chef des expérimentés joueurs Patrick Nijs et Sammy Greven, montrés tous deux du doigt pour avoir tenté de semer la zizanie dans le vestiaire. Parfois à tort. Ainsi, pourquoi avoir, exemple, tiré à boulets rouges, durant l’automne, sur Christ Bruno, coupable de se disperser en raison de sa passion pour les chevaux. A nos yeux, ce n’était là qu’un détail anecdotique en regard de ce que le joueur était û et est toujours û susceptible d’apporter aux siens, sur phase arrêtée notamment. Comme au Standard, où l’ancien Strombeekois avait montré la voie à suivre à ses partenaires, auteurs de la première sensation de la saison.

Récupéré au même titre que Zézéto et Fritz Emeran, déclassés eux aussi en octobre, d’autres n’auront pas bénéficié de la même faveur. A l’image de Nicolas Flammini et de Christophe Kinet, partis tous deux tenter leur chance sous d’autres cieux. Le départ du Liégeois au Sparta Rotterdam, tout particulièrement, avait de quoi interpeller. Car Kiki, l’un des principaux artisans de la montée du club parmi l’élite était à la fois le chouchou du public et des huiles du club, dont le président himself. Vermeersch eut beau essayer vaille que vaille de recoller les morceaux, la décision de l’entraîneur était irrévocable. Au Lierse, un contentieux similaire avait coûté la tête, autrefois, à Karel Snoeckx. Mais si la perte de cet élément avait relevé de l’anecdote au Lisp, il en aura été tout autrement avec l’ex-joueur de Millwall dont l’incidence sur le jeu et les coups de patte décisifs auraient pu se révéler d’un précieux secours au FC Brussels.

Les invasions présidentielles

Avec le recul, Vermeersch en est d’ailleurs le premier conscient et dans ce dossier, comme pour d’autres, il nourrit des regrets voire des remords. Même s’il n’est pas à l’abri de tout reproche non plus dans les aléas de son club cette saison. Car les erreurs de casting auront été très nombreuses.

Au départ, Ferrera s’est sans doute blousé en sous-estimant le potentiel de son effectif. Dans La Dernière Heure du week-end passé, il admettait d’ailleurs ce manquement :  » La plus grosse faute que j’aie commise est de ne pas avoir vu l’équipe à l’£uvre la saison passée « . Ses seules revendications, à l’heure de finaliser les contours définitifs du noyau, concernaient deux joueurs qu’il avait eu sous ses ordres à Beveren : Davy Theunis et Zézéto.

Diminué par une blessure au genou, le premier n’aura prouvé son utilité que depuis l’entame du second tour à peine. Quant à l’attaquant ivoirien, il n’aura guère rappelé, dans la capitale, le feu follet sémillant qu’il fut au Freethiel et dans une moindre mesure à La Gantoise.

Consciente de ces lacunes, la direction débattit régulièrement avec son entraîneur du bien-fondé de renforts tout au long du premier volet du championnat. Mais, curieusement, Ferrera répétait inlassablement qu’il était parfaitement capable de se tirer d’affaire avec le matériel humain qu’il avait sous la main.

 » Alors que d’autres, dans la même situation, auraient réclamé à cor et à cris de nouvelles forces, il ne nous a jamais mis la pression « , commente Gino Gylain, le manager commercial du club.  » Au contraire, c’est de sa propre initiative, que le président a jeté son dévolu sur Vladimir Voskoboinikov, puisqu’il était clair que nous manquions singulièrement de poids aux avant-postes « . L’arrivée de l’Estonien, puis celle du Brésilien Marcelo do Nascimento, toujours des £uvres du président, se seront révélées autant de bides. Entrecoupés par un autre échec dont la paternité relève à Ferrera : Kristof Snelders. Difficile de comprendre, en effet, pourquoi le FC Brussels avait précisément besoin de cet avant de poche alors que Zézéto épousait déjà le même profil. L’attrait d’ Igor De Camargo, arrivé par la suite, eût été nettement plus indiqué à ce moment.

Ferrera n’a pas eu le temps d’avoir raison

Mais il n’en reste pas moins que c’est avant tout la situation sportive qui aura eu raison d’Emilio Ferrera : 14 points sur les 66 mis en jeu, ce n’était pas Byzance. Deux chiffres laissent perplexes : les 16 défaites concédées û le record négatif de la D1 actuelle û et une seule victoire à domicile, face à Mouscron. Les Coalisés sont restés en deçà des prévisions, même s’ils jouèrent parfois de malchance en abandonnant in extremis des unités précieuses à leurs adversaires. Comme contre le Racing Genk, vainqueur à l’arraché au stade Edmond Machtens à l’occasion de l’entrée en matière du club parmi l’élite ou, plus près de nous, face à Charleroi quand le jeune portier Isa Izgi commit en fin de partie un péché de jeunesse.

Dans l’ensemble, l’équipe aura d’ailleurs payé au grand comptant toutes les erreurs de flottement de son blé en herbe ou de joueurs plus chevronnés, à l’image de Sammy Greven à La Louvière. Pas moins de 11 fois, le FC Brussels a été défait par le plus petit écart sous la coupe du cadet des Ferrera. Quant aux autres revers, hormis un cinglant 1-6 contre le Club Bruges, ils ne constituèrent jamais la résultante de rencontres à sens unique.

Cette vérité-là, obtenue avec le concours d’un quarteron de jeunes éléments (Isa Izgi, Steve Colpaert, Vincent Van Diepenbeeck et Musaba Selemani, entre autres), confortait Ferrera dans l’idée qu’il était sur le bon chemin et que tôt ou tard son équipe serait récompensée du labeur et de la qualité de jeu fournis. Avec un tiers de compétition restant à disputer, il se faisait fort de mener son esquif à bon port. Vu son limogeage, on ne saura bien sûr jamais s’il y serait parvenu. Mais, à l’évidence, c’eût été là un véritable tour de force. Ferrera a peut-être eu tort de travailler trop en profondeur alors que seuls les résultats obtenus en surface auront une incidence sur l’avenir du club au plus haut niveau. Quoi qu’il en soit, il laisse à son successeur une base de travail intéressante, surtout au niveau des comingmen.

Reste à voir à présent si cet avenir aura pour cadre la D1 ou son antichambre. Une nuance très importante quand on sait que Vermeersch n’exclut pas la possibilité de jeter le gant en cas de descente. Et sans sa cheville ouvrière, le club aura-t-il les reins solides pour effectuer un come-back ?

Typique de Vermeersch…

Dimanche, à l’occasion de l’importantissime match face au Germinal Beerschot, le spectre de la relégation s’est en tout cas légèrement écarté suite à un succès aussi précieux que mérité. Et qui, paradoxalement, portait toujours la griffe d’Emilio Ferrera. Pour parer au plus pressé, le duo formé du préparateur physique Frédéric Renotte et du manager sportif Dimitri Mbuyu, appelés de concert à s’installer dans le dug-out, n’avait voulu apporter aucune retouche à l’équipe mise en place par l’entraîneur en cours de semaine. Un onze de base où ne figurait pas Greven, pourtant chaudement recommandé par le président… Mais au centre de la défense, le tandem Colpaert-Theunis a livré un match dantesque tandis que Greven, entré en deuxième période, se signala pour sa part par une activité inlassable entre les lignes. L’Anversois eut même le 3-1 au bout du pied mais son tir échoua malheureusement à côté du domaine défendu par le Brésilien Luciano.

 » C’est peut-être la seule fois où le ballon n’a pas roulé pour nous « , observait, après coup, Vermeersch  » Pour le reste, les poteaux nous ont été enfin cléments et Isa Izgi a préservé l’essentiel. J’ai passé le plus clair de ma soirée à doper sa confiance et force est de reconnaître que le message a été reçu cinq sur cinq. C’est là le principal grief que je formulerai à Emilio Ferrera : si tactiquement il n’avait de leçon à recevoir de personne, le bât blessait hélas furieusement au niveau purement relationnel. Je constate en tout cas comme par enchantement, aujourd’hui, que pour la toute première fois depuis longtemps, les joueurs ont évolué de manière tout à fait libérée contre le Germinal Beerschot. Comme s’ils étaient débarrassés d’un lourd fardeau psychologique. C’est un signe qui ne trompe pas. Dans ma quête d’un nouvel entraîneur, ma priorité ira à un homme susceptible de motiver ses ouailles et d’en tirer la quintessence « .

Mais, typiquement, le président Vermeersch ajoutait :  » Si d’aventure cette tâche devait être plus longue que prévue, il n’est pas interdit de penser que je persévérerai encore avec le staff technique actuel et moi-même comme réserviste. Nous ne nous sommes pas trop mal débrouillés pour notre première mission. C’est encore un autre enseignement positif de ce match face aux Anversois…  »

Bruno Govers

Vermeersch n’est pas à L’ABRI DE TOUT REPROCHE dans les aléas de son club cette saison

 » POUR LA PREMIèRE FOIS depuis longtemps, les joueurs ont évolué de manière libérée  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire