Casse-tête argentin

Le comité exécutif de la FIFA doit se prononcer sur le texte de la réforme du système des transferts.

Si le texte de la réforme du système des transferts est approuvé à Buenos-Aires en fin de semaine, va-t-on enfin vivre une période de stabilité et de calme dans le monde du ballon rond? Sans doute pas dans l’immédiat. Pour y voir plus clair, il faut remonter quelques temps en arrière.

En 1998, suite à une série de plaintes, les services de Karel Van Miert, commissaire européen à la Concurrence, envoyent à la FIFA une « communication de griefs ». Il s’agit d’une lettre de 43 pages qui indique que les règlements internationaux en matière de transferts sont non-conformes avec le droit communautaire. Les principes de libre circulation des travailleurs et de respect de la libre concurrence sont fortement malmenés. La commission pourrait elle même y mettre bon ordre, comme elle le fait dans d’autres secteurs économiques comme celui de la sidérurgie, mais en laisse le soin à la fédération internationale.

A Zurich, au siège de la FIFA, on ne prend pas la menace à la légère mais l’on ne s’inquiète pas vraiment. Il faut attendre le 23 juin 1999 pour que deux bonzes de la fédération internationale, Michael Zen-Ruffinen (le secrétaire général) et Michel Platini (conseiller personnel de Sepp Blatter) daignent se pointer à Bruxelles où la commission tient une audition sur le sujet. En octobre, Viviane Reding (commissaire européen à la Culture et au Sport) rencontre Blatter et son alter ego européen Lennart Johansson. Et en mai 2000, pour la première fois, une délégation de la famille (encore unie) du foot soumet aux fonctionnaires européens des « pistes de réflexion » en matière de transferts. La commission, après étude des propositions, en refuse une bonne partie comme la signature obligatoire pour un joueur de 18 ans d’un premier contrat de trois ans minimum avec son club formateur. Elle refuse également la période transitoire de trois ans, proposée par la FIFA.

Le 30 juin 2000, Viviane Reding intervient au XXVe congrès de l’UEFA à Luxembourg. Elle affirme : « On ne reviendra pas sur l’arrêt Bosman ». Elle menace même : « La Cour de justice prendra des mesures d’interdiction si les instances du foot ne font pas rapidement des propositions de réforme ».

Fin août, la famille du ballon rond se réunit à Zurich. Un consensus se dégage sur la protection de la formation. Quelques jours plus tard, Viviane Reding intervient à nouveau, devant le parlement européen cette fois. Elle fixe une date limite pour la remise de la copie de la FIFA: le 31 octobre 2000.

Le 6 octobre, la FIFA réunit à nouveau tous les acteurs, la task force qui regroupe les employeurs (fédérations, ligues et clubs) et employés (Fifpro). La fumée est plus noire que grise.

Les choses se précipitent en début de cette année où l’on court de réunion de la dernière chance en réunion de la toute dernière chance. La FIFA tente de faire cavalier seul. L’UEFA la rappelle à l’ordre en suggérant que le Mondial 2002 sans les Européens, cela ferait un peu désordre. La FIFA veut éviter une deuxième affaire Bosman.

Elle doit accepter que le G14 et l’intransigeant Karl-Heinz Rummenige (vice-président du Bayern) s’invitent à la table des négociations tandis que le syndicat des joueurs (Fifpro) n’y est plus convié. En février, une conférence de presse est organisée avec les trois commissaires européens concernés, Diamantopoulou (Emploi), Reding (Sport) et Monti (Concurrence) ainsi que Blatter et Johansson. On y annonce que tout va bien. Ce n’est que le 5 mars qu’on annonce enfin un accord. Le terme est mal approprié. La commission n’a rien signé. Elle a simplement pris acte du fait que la FIFA acceptait de réformer le système des transferts en tenant compte de grands principes généraux sur lesquels les parties se sont entendues. Compte tenu de ce fait nouveau, la commission retire provisoirement la menace contenue dans la communication des griefs de sanctionner la FIFA pour non-respect du droit communautaire.

Les services juridiques de la FIFA ont rédigé tous les nouveaux textes concernant la nouvelle réglementation des transferts internationaux (dans un premier temps, ces règles ne seront pas d’application si un joueur change de club mais reste dans la même fédération). Depuis mars, la FIFA a mis un tout petit peu d’eau dans son vin. Le contact a été renoué avec la Fifpro.

« On nous laisse entendre que certains de nos amendements pourraient être acceptés, mais c’est beaucoup trop vague », dit Philippe Piat, vice président de la Fifpro. En effet, la FIFA a tout à craindre d’un jugement qui devrait être rendu à Bruxelles fin juillet ou début août. La Fifpro y a déposé plainte devant le tribunal des référés. Certains points du règlement sur les transferts, comme le principe des sanctions sportives, pourraient ne jamais passer le cap d’une simple juridiction. Une suspension de six mois pour rupture de contrat est-elle compatible avec le droit au travail? Le juge le dira.

Et la commission européenne suivra tout cela d’un oeil pour le moins intéressé. Elle aura une antenne au congrès de Buenos-Aires, puis une oreille au tribunal de Bruxelles. La menace n’est en fait que suspendue. Si le nouveau système n’est pas tué dans l’oeuf par les tribunaux, il devrait être d’application pour deux saisons. Ensuite, la commission européenne pourrait tout mettre en oeuvre pour qu’une convention collective européenne du travail des footballeurs pros soit mise sur pied. Si l’exécutif européen parvient à ce qu’un accord paritaire employeurs-employés du ballon rond soit trouvé en deux ans seulement, le monde du foot en sortira grandement victorieux…

Guy Lassoie

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