Casa Azzurri = boîte de nuit

Les coulisses du tournoi jour après jour.

Jeudi 5 juin

La Suisse et l’Autriche ne seront jamais des pays du foot. Dans les deux nations, on constate une relative indifférence, sauf aux abords des stades – et encore ! Rien à voir avec les grands panneaux qui avaient poussé comme des champignons le long des autoroutes allemandes en 2006 et qui invitaient à faire la fête entre amis à l’occasion du Mondial. Cette indifférence est sûrement liée, en partie, à l’absence d’histoire des deux pays dans les Championnats d’Europe : troisième participation seulement pour la Suisse (depuis 1960), toute première pour l’Autriche. Heureusement qu’il y a les bénévoles pour relever la sauce et mettre un peu d’enthousiasme. Il y en a environ 5.000, retenus parmi 17.644 candidats originaires de 150 pays. Une marque de fabrique : ils sont habillés en bleu clair et généralement sympas. Deux tiers de ces Schtroumpfs version ère moderne viennent d’Autriche et de Suisse, plus de 75 pays sont représentés. Quelques réservoirs insolites : Costa Rica, Togo, Ouganda, Indonésie, Népal,…

Deux têtes connues à l’entraînement de l’équipe néerlandaise, dans la partie ouest de la Suisse : Johan Boskamp et Gunter Schepens qui est particulièrement sous le charme de deux attaquants, Jan Vennegoor of Hesselink et Ruud van Nistelrooy.

L’Espagne est la dernière délégation à rejoindre son camp de base, dans le Tyrol autrichien. Les 16 qualifiés sont équitablement répartis : 8 en Suisse, 8 en Autriche. On pointe 4 cas spéciaux : la Tchéquie, la Suède, l’Allemagne et l’Italie sont établies dans le pays où elles ne jouent pas leurs matches du premier tour. Les Italiens, logés dans la périphérie de Vienne, devront chaque fois se farcir de longs déplacements vers Berne (900 km) et Zurich (750) – 6 voyages en avion en 10 jours. Pourquoi se sont-ils installés aussi loin des sites de leurs matches ? Pour fuir la pression de leurs supporters qui se déplaceront en Suisse ? Pour être déjà sur place au moment de la finale – programmée à Vienne ? Non, la décision est financière : les autorités locales ont proposé à la Fédération italienne d’héberger gratuitement sa délégation (une cinquantaine de personnes) dans un établissement extrêmement luxueux – en face du plus grand casino d’Europe ! Coût du coup de pub pour le Land : 300.000 euros.

Vendredi 6 juin

C’est dans la Casa Azzurri que les Italiens reçoivent la presse. La première impression est phénoménale. Après avoir passé une première salle où sont proposées quelques spécialités culinaires locales, on pénètre dans un immense hall où le boucan est infernal. On se croirait dans une discothèque qui a les dimensions d’une salle de gymnastique. Des petits salons sont installés tout autour de la pièce : ils sont tenus par des sponsors de la Fédération. Là aussi, on distribue : Campari, Nutella,… C’est à l’étage que les choses sérieuses sont prévues. Ce vendredi, Marco Materazzi a été désigné pour répondre pendant une heure aux questions de la presse. Le défenseur de l’Inter répond avec le sourire, pourtant il doit par moments s’interroger sur l’intérêt de ce qu’on lui demande. Exemples.  » Vos fautes les plus méchantes circulent sur Internet, vous n’avez pas peur que cela influence les arbitres de l’EURO ? « . Réponse :  » Non « . Autre question :  » Que pensez-vous du limogeage de Roberto Mancini à l’Inter ? « . Réponse :  » C’est le patron du club qui décide, il a le droit de faire ce qu’il veut « . Ou encore :  » Etes-vous sûr de rester titulaire avec José Mourinho ? « . Il répond :  » Dans un groupe, tous les joueurs sont importants « .

Samedi 7 juin

Raymond Domenech vire de bord. Il y a un an, il avait utilisé Le Parisien pour démolir les Italiens, faisant allusion à un match truqué (par l’arbitre) entre la France et l’Italie lorsqu’il entraînait les Espoirs. L’UEFA lui avait infligé une amende et une suspension. Entre-temps, il n’a jamais été le dernier à passer le foot italien à la moulinette : jeu défensif, simulations, etc. Surprise, il adapte totalement son discours à quelques heures de l’ouverture de l’EURO via Le Monde. Morceaux choisis.  » Je ne suis pas ravi de rencontrer l’Italie au premier tour (…) On s’est déjà vu à la Coupe du Monde 2006, puis dans les qualifications pour cet EURO. On se retrouve à nouveau dans le même groupe : c’est con qu’il n’existe pas de règle pour empêcher ce cas de figure (…) L’Italie arrive à faire déjouer l’adversaire et détient des joueurs de très haut niveau. En plus, ils ont ce talent à savoir privilégier l’efficacité. On devrait vanter leurs mérites tous les jours. On arrive à me faire passer pour quelqu’un qui n’aime pas les Italiens. Pourtant, je suis admiratif de leur football « . Au camp de base des Italiens, on confronte des joueurs à ces déclarations surprenantes. Ils ont tous le même avis :  » Domenech veut simplement faire baisser la pression qui pèse sur ses hommes « .

L’UEFA prévoit 1,3 milliard de recettes pour ce tournoi, soit près de 50 % en plus qu’au Portugal 2004. Le plus gros poste est constitué des droits médias (60 %), le plus petit est la billetterie (7 %). De cette somme, il faudra déduire environ 600 millions qui serviront à couvrir les frais. Il restera donc un bénéfice d’environ 700 millions qui servira notamment à financer des projets de développement dans les 53 pays membres.

A 18 heures, au moment où la Suisse ouvre le tournoi en affrontant la Tchéquie, les Croates prennent possession de la pelouse du stade de Vienne, où ils joueront dimanche face à l’Autriche. Chaque équipe a droit à une séance sur le terrain concerné la veille de son match. Mais lorsque les Croates du plus jeune coach de cet EURO ( Slaven Bilic, 40 ans en septembre, soit 30 piges de moins que Luis Aragonés et Otto Rehhagel) arrivent sur le gazon (100 % naturel et d’une hauteur de 23 mm, une exigence de l’UEFA dans chacun des 8 stades), un orage terrible éclate. Premiers dégâts en salle de presse : le toit en toile est transpercé et quatre écrans de télé rendent l’âme.

Dimanche 8 juin

Premier des 7 matches programmés à Vienne : 3 fois l’Autriche en poules, 2 demi-finales, 1 demi-finale et l’apothéose du 29 juin. Le plus grand stade de l’EURO (50.000 places) a été complètement remis à neuf. Il nous rappelle des souvenirs par son nom : Ernst Happel Stadion. Nous le visitons en compagnie d’un guide qui a bien connu l’ancien entraîneur du Club Bruges et du Standard (mais aussi de l’équipe nationale autrichienne, de la sélection néerlandaise et de caïds européens), décédé en 1992. Ce guide était journaliste au moment où Happel termina sa carrière de coach en Autriche :  » Happel avait deux faces, complètement opposées. Dès qu’il enfilait son training de coach, il était dur, sans pitié. Mais à d’autres moments, il savait se relâcher. Un membre de la délégation autrichienne actuelle l’a vraiment très bien connu : le responsable du matériel, qui faisait déjà le même job du temps de Happel. C’étaient deux grands amis « . Ce guide nous donne quelques chiffres sur le stade viennois : 450 places pour la presse écrite, 80 postes pour les commentateurs, 30 caméras dont une embarquée dans un hélico et une autre suspendue à un fil au-dessus de la pelouse (l’UEFA a interdit qu’elle soit à moins de 25 mètres de hauteur), 16 autres caméras destinées uniquement à la rédaction de statistiques (nombre de mètres parcourus par chaque joueur, nombre de passes pour chacun, etc). En retrait du stade, l’ hospitalityarea s’étend sur 3 hectares et accueillera jusqu’à 8.000 invités le soir de la finale (4.000 à l’occasion des matches du premier tour). Ces privilégiés sont essentiellement des sponsors et des entreprises qui ont acheté des tickets à prix d’or. Un dernier chiffre : on y consommera, sur l’ensemble du tournoi, 250 tonnes de b£uf et autant de poisson.

par pierre danvoye et peter t’kint- photos: reporters

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