CARTIER général

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Portrait du nouveau patron sportif des Loups.

Les 1er juin se suivent et ne se ressemblent pas à La Louvière. Un an jour pour jour après la victoire en Coupe de Belgique, le club du Centre a de nouveau fait la Une, mais pour d’autres raisons : il fut le tout dernier club de D1 à désigner son nouvel entraîneur pour la prochaine saison. Filippo Gaone est allé jusqu’au bout de son raisonnement : il cherchait un coach français et l’a trouvé. Et cet Albert Cartier (43 ans), s’il n’est pas un tout grand nom du football hexagonal, possède mine de rien une jolie petite carte de visite. On ne joue pas 400 matches en D1 française si on ne possède pas de sérieuses qualités de joueur !

Première impression : Albert Cartier (qui a signé pour un an, avec option pour deux saisons supplémentaires) n’est pas une copie conforme de Daniel Leclercq, l’autre Français qui a entraîné les Loups en D1. Ouf ! Autant l’homme du Nord était bougon et énigmatique, autant le natif de Vesoul semble chaleureux, simple et accessible.

Quitter la France pour la Belgique n’est pas, à première vue, un pas en avant !

Albert Cartier : Je ne vois pas les choses comme ça. Je sors d’une expérience en D2 française, avec Gueugnon. Aujourd’hui, je retrouve une D1. C’était une priorité pour moi. J’hérite, en plus, d’un noyau qui a fait ses preuves : que demander de plus ? J’ai déjà entraîné à ce niveau, à Metz, et je voulais y revenir. Je ne suis pas sûr, non plus, que le football belge soit aussi malade qu’on le dise ici. Vous ne voyez pas tous vos bons joueurs qui reviennent après une expérience à l’étranger ? C’est quand même révélateur. Ils savent qu’ils peuvent continuer à jouer à un bon niveau en retrouvant leur pays. Je pense évidemment, en priorité, à Danny Boffin, que j’ai connu quand j’étais entraîneur adjoint à Metz. Un homme formidable. Il m’a marqué par sa générosité, sa joie de vivre et de jouer communicative. J’ai continué à le suivre après son retour à St-Trond. Il m’apparaissait encore plus rapide qu’à Metz…

Vous retrouvez à La Louvière un autre ancien de Metz : Gunter Van Handenhoven.

Savez-vous que j’avais été à la base de son transfert à Metz ? J’étais venu en mission de scouting à Gand, mais pour un autre joueur. Ce jour-là, j’ai surtout été impressionné par Van Handenhoven, qui a d’ailleurs marqué en fin de match.

Que connaissez-vous de notre football ?

Je suis souvent venu en repérage dans ce championnat. Pour du scouting, mais aussi pour mon information personnelle. J’ai également affronté plusieurs fois des équipes belges en matches amicaux, notamment Liège et le Standard. Et j’étais adjoint de Joël Müller quand Metz a éliminé Mouscron en Coupe de l’UEFA. Mais mon plus grand souvenir relatif à la Belgique, ce sont mes débuts européens comme joueur avec Metz, contre Anderlecht, au premier tour de la Coupe des Coupes 1988-1989. Nous avions été éliminés (1-3 chez nous, 2-0 à Anderlecht), mais quoi de plus normal ? Dans l’équipe bruxelloise, il n’y avait pour ainsi dire que des stars : Hendrik Andersen, Stephen Keshi, Luc Nilis, Edi Krncevic, etc.

 » Pérenniser l’héritage de Jacobs serait déjà une belle performance  »

Que savez-vous de La Louvière ?

Mes premières impressions confirment ce qu’on m’avait dit : c’est un club rigoureux, organisé et sérieux qui ne se prend pas au sérieux. On m’a fait comprendre qu’il voulait s’inscrire dans la durée et c’est enivrant de pouvoir participer à ce grand projet. Je suis heureux de pouvoir travailler avec un adjoint qui connaît le club sur le bout des doigts et facilitera mon intégration : Frédéric Tilmant. Nous avons un point commun : il a joué à Gueugnon et j’ai entraîné ce club. J’ai pas mal de souvenirs de Tilmant comme joueur. Il m’a plus d’une fois impressionné quand je venais voir des matches en Belgique. J’aimais sa façon de traîner dans le rectangle, de fouiner, de chercher les espaces. J’avais aussi remarqué son côté altruiste : ce n’est pas si courant chez un vrai buteur.

Vous prévoyez une adaptation sans problèmes ?

Je n’ai franchement pas eu l’impression de traverser une frontière. Et je ne suis de toute façon qu’à 250 km de Metz, vous savez. Je vais travailler pas très loin de chez moi, finalement. J’ai directement trouvé la même courtoisie et le même sens de l’accueil que dans ma région. Pour ce qui est du football proprement dit, je trouve que les styles belge et français sont fort comparables.

Ferez-vous régulièrement les navettes ?

Pas trop souvent, non. Je vais me chercher un logement et je veillerai à ce qu’il se situe à La Louvière même, afin de m’imprégner le mieux possible et le plus rapidement possible de la mentalité de la région. Je n’ai pas de temps à perdre au volant de ma voiture.

Assumer la succession d’Ariel Jacobs ne vous effraye pas ?

Je ne prends pas la place d’Ariel Jacobs. Personne ne le remplacera. Je n’ai ni ses particularités, ni sa personnalité. Le grand public doit se mettre en tête que tout est nouveau à La Louvière : l’entraîneur principal, l’adjoint, le manager. Mon seul but sera de poursuivre le travail qu’Ariel Jacobs a brillamment entamé ici. De pérenniser son héritage. Ce serait déjà une belle performance.

Existe-t-il un style Albert Cartier ?

Il n’y a absolument rien de révolutionnaire dans mon approche. J’aime la rigueur, la transparence et la créativité. Trois qualités essentielles chez un coach. En fonction du noyau dont on dispose, on répartit ces ingrédients de la façon la plus cohérente possible.

Vous êtes un ancien défenseur : un entraîneur plutôt défensif, donc ?

Rien à voir. Je n’étais pas un stoppeur qui passait les 90 minutes du match dans ses 16 mètres, hein ! Si cela peut vous rassurer, je suis un ancien attaquant reconverti en arrière (il rit).

Etes-vous plutôt sévère ?

Je prends des initiatives et j’assume mes responsabilités. La première chose que je demande à mes joueurs, c’est d’avoir le don de soi et le respect des autres. Quand on a ces valeurs, les bases sont bonnes.

 » Joueur, l’étranger m’attirait. Bosman est venu un rien trop tard  »

Filippo Gaone dit qu’il n’y aura aucun objectif chiffré, la saison prochaine : n’est-ce pas délicat de travailler dans ces conditions ?

Non. Pourquoi ? Le président est conscient que le noyau va être modifié et qu’il y a aussi de gros changements en dehors du groupe de joueurs. Les prochaines semaines vont être cruciales pour l’avenir : en ce moment, les joueurs se reposent, mais le staff n’a pas le droit de chômer (il rit).

Gaone ne vous fait-il pas penser à Louis Nicollin, le truculent président de Montpellier ? Il y a la ressemblance physique, mais aussi le même verbe fort !

(Il rit). Tiens, je n’y avais pas pensé… Je me ferai une idée avec le temps ! Pour le moment, Monsieur Gaone me fait surtout penser à quelqu’un de passionné et sensible qui aime les choses bien faites.

Savez-vous pourquoi il tenait absolument à recruter un entraîneur français ?

Aucune idée. Posez-lui la question.

Y a-t-il un moule français ?

Il est clair que notre Direction Technique Nationale fait de l’excellent travail de formation. Ce programme, on le doit à Gérard Houllier.

Travailler à l’étranger, c’est un défi que vous vous lancez ?

J’en ai toujours rêvé. Mais ce ne fut jamais possible comme joueur, parce que j’ai arrêté au moment où est tombé l’arrêt Bosman. Aujourd’hui, j’ai enfin cette opportunité. Je pouvais rester en France, mais je me retrouve finalement à La Louvière pour deux raisons essentielles : on m’offre une D1 alors que j’étais surtout en contact avec des clubs de D2 dans mon pays, et j’ai senti une envie beaucoup plus concrète de la part de la direction de La Louvière que des patrons de ces clubs français.

Ne ressentiez-vous pas, aussi, le besoin de changer d’air après vos limogeages à Metz et à Gueugnon ?

Inconsciemment, peut-être. De toute façon, il faut rester conscient que, si un joueur a généralement l’occasion de tracer sa trajectoire, c’est rarement le cas pour un coach. Dans ce métier, votre parcours finit forcément, un jour ou l’autre, par vous échapper. Vous ne pouvez plus décider de rester dans telle ou telle région, sous peine de ne rien trouver. J’estime qu’un entraîneur traverse une phase de formation, d’apprentissage et de mise en situation entre 30 et 40 ans. La suite, c’est la période de concrétisation, entre 40 et 50 ans. La période pendant laquelle on est le plus susceptible de réaliser ses objectifs parce qu’on est en pleine possession de ses moyens physiques et psychologiques. On peut alors cueillir les fruits de tout le travail effectué en amont. Aujourd’hui, je suis en pleine phase de concrétisation et je dois foncer.

Comment vous est venue votre vocation d’entraîneur ?

Quand je terminais ma formation à l’INF Vichy, entre 17 et 20 ans, je passais mes soirées à retranscrire tout ce que nous avions fait à l’entraînement : l’échauffement, les exercices spécifiques, les petits jeux. Ne me demandez pas pourquoi. A l’époque, j’ignorais évidemment que je ferais, bien plus tard, une carrière d’entraîneur. Je n’étais même pas certain que je réussirais à devenir footballeur professionnel. Mais je notais, je notais et je notais encore, dans une espèce de carnet d’écolier. Une vraie relique qu’un copain, à qui je l’avais prêtée, a malheureusement égarée… Le vrai déclic s’est produit quelques années plus tard, quand j’ai rencontré Arsène Wenger à Nancy. Il a été, pour moi, un vrai détonateur. Dès ce moment-là, j’ai su que je me recyclerais, un jour, comme coach. J’étais vraiment sous le charme de Wenger : peut-être parce qu’il est discipliné comme mon père et alsacien comme ma mère…

Non. Je suppose que ça va évoluer. Ce club se construit patiemment, et la rénovation du stade fait partie du processus. De toute façon, un stade vide est toujours triste. Il ne devient gai que quand il y a du monde dans les tribunes. Et tout part de la pelouse, évidemment. C’est maintenant à l’équipe de jouer.

Pierre Danvoye

 » En travaillant à Nancy avec ARSÈNE WENGER, j’ai su que JE DEVIENDRAIS ENTRAîNEUR « 

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