CARTA DO BRASIL

Agé de 29 ans, Paulo Roberto Conde travaille à Folha de Sao Paulo, le plus grand quotidien du Brésil.

Cette belle aventure est achevée. Depuis que la FIFA nous a attribué l’organisation de la Coupe du Monde il y a sept ans, nous n’avons cessé de nous demander si nous étions capables de mettre sur pied pareil événement. Cette Coupe du Monde constituait-elle une priorité pour un pays qui a encore tant de travail pour offrir un meilleur enseignement, des soins de santé de meilleure qualité et plus de sécurité ? N’aurions-nous pas mieux fait d’investir notre argent dans ces secteurs ? Nous sommes toujours un pays en voie de développement, même si notre économie figure parmi le top dix mondial.

D’un autre côté, le Brésil voue un amour particulier au football. Il est davantage qu’une religion. Avant même de discuter du prénom du bébé à peine né, les parents se disputent à propos du club qu’il ou elle supportera.  » Sera-ce un fan des Corinthians ? Ou de Palmeiras ? De grâce, ne me dites pas qu’il encouragera Sao Paulo !  » C’est, en résumé, une conversation classique dans les maternités de Sao Paulo et si vous allez à Rio, il suffit de changer les noms des clubs.

Au fond de nos coeurs, nous étions tous heureux comme des gosses qu’on nous confie la Coupe du Monde. Pour la deuxième fois, après la catastrophe de 1950. Le Maracanazo, la défaite contre l’Uruguay, notre voisin, et la perte du titre, les Brésiliens y songent toujours avec affliction.

Cinq étoiles ornent le maillot de la Seleçao et on était en lice pour un 6e. Nous avions l’occasion de réécrire l’histoire. D’arracher LaHexa, la sixième. Pendant des années, on n’a parlé que sport. Nul ne s’est soucié de l’aspect financier. L’organisation était aux mains du président de la Fédération, RicardoTeixeira, qui avait promis que tous les stades seraient construits avec de l’argent issu du secteur privé. Mieux même, tout l’événement serait financé de cette façon.

La réalité est un peu différente. Plus de 90 % de ces superbes nouveaux stades ont été construits avec les sous des contribuables. Ce tournoi nous a coûté 10 milliards d’euros.

Même plus car malgré l’argent des pouvoirs publics, nous ne sommes pas parvenus à achever les stades à temps. Itaquero, l’arène du premier match, ne fut prête qu’un mois avant le coup d’envoi. Partout ou presque, des travaux n’ont pas été effectués et ne le seront sans doute jamais.

Je me demande si ce thème aura un impact sur les élections présidentielles d’octobre. Franchement, je ne pense pas. Même pas après l’humiliation essuyée par notre équipe des oeuvres de l’Allemagne.

Tout le monde a été stupéfait par l’aisance avec laquelle la Mannschaft s’est jouée de la phalange de Felipe Scolari, sans en être vraiment surpris malgré tout. Nous savions que nous n’avions pas une équipe formidable. Je n’ai plus vu le Brésil bien jouer depuis 2002. Notre football ne s’améliorera pas tant que nous renierons nos racines – dribbler, passer, attaquer. Les Brésiliens sont fous du beau jeu et ils n’oublieront jamais le magnifique football des Allemands.

Cette fois, le Brésil n’aura pas la gueule de bois. Il a trop de motifs de consolation. L’opinion publique éprouve de la fierté et de la satisfaction à l’idée que le Brésil a réussi à donner une image positive de lui au monde, grâce à ce Mondial.

Nous pensions que nos aéroports ne tiendraient pas mais tout a fonctionné. Nous pensions que le système de télécommunication ne marcherait pas mais il a été parfait.

Nous pensions que nos stades ne seraient pas assez bons mais ils ont été excellents. Y a-t-il, quelque part dans le monde, une arène où on développe un meilleur football qu’à Fonte Nova, à Salvador, le décor de matches inoubliables comme Espagne-Pays-Bas, France-Suisse, Belgique-Etats-Unis et Pays-Bas-Costa Rica ?

Nous redoutions les manifestations. Nada. Ce que nous avons vu, c’est de formidables fêtes populaires à Vila Madalena, à Copacabana et dans d’autres lieux célèbres. Brésiliens, Colombiens, Argentins, Croates, Anglais, tous ensemble. Magnifique.

Ce fut la meilleure Coupe du Monde depuis des décennies et elle restera gravée dans nos mémoires. Nous en avons profité et le Mondial nous manquera. Même aux sceptiques comme moi. Le succès de ce tournoi va nous rendre l’espoir et la foi en l’avenir de ce pays, après quelques années pénibles.

Le Brésil avait besoin de ce coup de pouce. Pourvu que les Jeux olympiques de Rio de Janeiro, dans deux ans, puissent nous pousser encore un peu plus dans la bonne direction.

PAR FRANÇOIS COLIN

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