© BELGAIMAGE

CARPATES CONNECTION

Nicolae Stanciu, Alex Chipciu, Razvan Marin et Dorin Rotariu. Deux cet été, deux cet hiver. La Belgique accueille un nouveau contingent de talents roumains. Road trip sur leurs traces, entre Dracula, des chiens errants et quelques vieux loups de mer.

Bucarest quitte à peine ses draps. La capitale roumaine affiche des traits tirés. Le besoin d’une nouvelle jeunesse se fait sentir sur les murs de ses bâtiments ocres, tagués pour la plupart, dont on devine le lustre d’antan. A l’instar de son football, la Roumanie se relève doucement de sa Révolution de 1989, synonyme de fin de dictature et d’exécution de Nicolae Ceausescu.

En 2016, la Banque Mondiale place le pays des Carpates à la 52e position des PIB mondiaux. Un classement honorable pour une nation de près de 20 millions d’habitants qui profite des délocalisations des grands groupes de l’ouest du continent. Dacia, propriété de Renault, constitue l’une des plus grosses entreprises du pays. Mais si les Français s’y implantent, c’est bien parce que le coût de la main-d’oeuvre y défie toute concurrence.

Le salaire mensuel minimum franchit tout juste la barre des 300 euros, quand le revenu net moyen oscille aux alentours des 480. Une réalité qui se retranscrit logiquement dans le sport-roi.  » Une des raisons pour laquelle il y a autant de Roumains dans le championnat belge, ce sont les salaires. Le marché roumain est intéressant pour le belge « , explique Rudi Verkempinck, T2 de l’équipe nationale, depuis son hôtel du centre.

 » Globalement, le foot roumain est en progression. Ce qui manque, c’est l’engouement des supporters. Je ne sais pas si je peux appeler ça de la corruption, mais il n’y a pas toujours eu de la clarté dans le foot ici.  » Les exemples de clubs en difficulté financière sont légion. Avant la Révolution, les joueurs roumains n’avaient pas le droit de s’expatrier. Depuis, le championnat connaît pas mal de bas et quelques hauts. Ses quatre derniers sommets vallonnent désormais le Plat Pays qui est le nôtre.

UN STADE VIDE ET DES CHIENS ERRANTS

Entre deux bouchées d’un repas équilibré, Verkempinck soigne la forme.  » Ce sont des joueurs talentueux, mais aussi issus de bonnes familles, donc ils ont été bien éduqués « , assure l’adjoint de Christoph Daum à la tête des Tricolorii. Un duo qu’ils formaient déjà à Bruges.  » On parle toujours des entraîneurs, mais le premier coach d’un joueur, ce sont les parents.  »

Le rythme des bouchées s’accélère. Le Steaua Bucarest affronte Cluj pour la première journée des play-offs. Instauré il y a deux ans, le système regroupe également le top 6. Mais l’enjeu n’attire pas les foules. Une poignée de chiens errants jouent l’attraction de rues délaissées par les supporters. L’Arena Nationala, antre moderne du Steaua et de la sélection, peut accueillir 55.000 personnes.

En cette soirée de mars, seul un gros millier de spectateurs s’installe dans ses travées jaunes, rouges et bleues. Le mythique Steaua vit une période délicate. L’armée, à la base de la fondation du club, l’empêche d’utiliser son nom et vient de recréer une entité en quatrième division. Les ultras, lassés par la gestion de leur président Gigi Becali, boycottent les rencontres. Dans un stade trop vide pour le célébrer, Harlem Gnohéré fait le break (2-0).

Il se présente en zone mixte avec le sourire du buteur. Arrivé de Mons en 2015,  » Bison  » signe au Dinamo suite à un imbroglio avec Petrolul.  » La Roumanie, c’est un peu la jungle « , sourit-il.  » Mais c’est un bon championnat. Il y a six équipes qui sortent du lot, même si ça ne vaut pas le top six en Belgique.  »

AlexandruChipciu et NicolaeStanciu sont deux des dernières stars du Steaua. Et s’ils avaient choisi une autre voie, DorinRotariu et RazvanMarin auraient également pu porter les couleurs de  » l’étoile  » (en VF). Razvan Marin se serait senti chez lui. Son père, Petre, est un ancien de la maison et son école de football se situe aux pieds de l’Arena Nationala. Comme l’illustre Gheorghe Hagi, il foule le stabilisé du Pro Clubul Luceafarul.

SAINT-TROPEZ ET 0FRANK LAMPARD

L’endroit semble en désuétude. Les filets ne tiennent pas aux buts, mais les panneaux  » RESPECT  » de l’UEFA et les pubs Adidas s’accrochent. En face, de modestes immeubles grisâtres, d’où le linge sèche malgré le crachin, longent le terrain. C’est en ces lieux que Marin caresse son premier cuir, une bonne vingtaine d’années après Hagi. Le  » Maradona des Carpates  » l’y découvre via son père et le ramène au bord de la mer Noire.

Près de deux heures et demie séparent Bucarest de Constanta, à la frontière bulgare. L’autoroute qui lie les deux villes reste l’une des seules du pays dans un état convenable. La rénovation du réseau routier roumain patine depuis plusieurs années. Constanta est un des principaux pôles attractifs de la région.  » A partir de mai, ça devient le Saint-Tropez local « , tente Kévin Boli, qui taille une bavette méritée suite au partage entre son Viitorul et le Dinamo (0-0).

En 2009, Hagi crée le club et une académie de jeunes pour l’alimenter. Il coache désormais l’équipe, qui truste la tête de l’élite roumaine. Marin est l’un des premiers jeunes à l’avoir rejoint.  » Il était très timide, mais il mangeait beaucoup « , se marre Daniel Lungu, pote de Boli et employé du Iaki Hotel, propriété d’Hagi qui héberge alors les joueurs.

 » Il s’est fait une bibliothèque numérique avec des phases de jeu de Ronaldo (le Brésilien), Raul, Roberto Carlos ou Figo. Mais Frank Lampard est clairement son idole. Pour rigoler, on lui disait qu’ils étaient siamois.  »

 » Il va falloir qu’il soit plus décisif « , contraste Boli, arrivé de Mouscron en 2015.  » Mais il faut lui laisser le temps de s’adapter. L’année prochaine, il sera un élément indiscutable du Standard.  » Déjà précis des deux pieds, Marin joue les chefs d’orchestre sur et en dehors des prés. Avec Daniel, ils écrivent… l’hymne du club. Depuis, il accompagne chaque montée des joueurs à domicile.

OVIDE, LE REAL ET LA JUVE

Comme ce lundi. Si le Viitorul est rattaché à Constanta par son titre, il est basé à une petite dizaine de kilomètres au nord, à Ovidiu. La bourgade aux allures de station balnéaire tient son nom d’Ovide, poète latin de l’Empire Romain. L’enceinte de 4.500 personnes, soit plus du tiers des habitants du coin, s’aperçoit de l’autoroute. Des champs à perte de vue peuplent son voisinage le plus proche.

Une mosaïque de photos des jeunes du club s’impose sur le mur de la tribune des officiels. Normal, Viitorul signifie  » avenir « .  » La première fois que j’ai vu Razvan, il devait avoir 10 ans « , rembobine Cristian Bivolaru, le directeur général, café en main.  » Il faisait partie des gamins qui escortaient les joueurs du Real Madrid dans un match de Champions League au Steaua. Il était très ému.  »

Trois ans plus tard, le board du Viitorul réussit à convaincre l’unique enfant de Petre Marin. Ironie du sort, Razvan débute en pro, à 17 printemps, contre le Steaua.

Lâchés juste avant le coup d’envoi, les ultras du Dinamo investissent leur parcage en force et se faufilent parmi les forces de l’ordre. La pluie fine et la nuit noire confèrent une atmosphère d’un autre temps. Au coup de sifflet final, Hagi enfile sa capuche pour le braver. Et détaille sa plus belle promesse jusqu’à présent.

 » Razvan, c’est le meilleur. C’est un joueur complet et il a un très bon caractère. Un milieu de terrain doit être clairvoyant. C’est son cas. Mais il est encore jeune. Il apprendra beaucoup en Belgique. Quand le Standard va revenir et évoluer à nouveau, Razvan et le Standard évolueront ensemble. Il peut devenir important pour n’importe quelle équipe en Europe.  »

Alors que la Juve insiste, Hagi conseille à son poulain de gratter du temps de jeu à Sclessin. Dans un championnat où le nom d’au moins un U21 doit être couché sur la feuille de match, la formation estampillée  » Hagi  » se délecte comme du pain béni.

Elle aurait même pu enrôler Stanciu. Mais le prix demandé par Vaslui, au minimum 300.000 euros, ne rentrait pas dans le budget du club à l’époque.

 » Pour un joueur roumain, aller dans un top-club belge est une bonne chose « , certifie Daum, attablé dans la tribune présidentielle du Viitorul. L’autoroute ouverte cet été risque donc de poursuivre son trafic. Réputés artistes, les pépites du cru doivent s’exporter pour ne pas finir écorchés vifs.

LE DANUBE, UNE MUSTANG ET DU MAUVE

 » Rotariu et Marin n’avaient jamais connu l’équipe nationale avant mon arrivée. Quand on les a vus, on était vraiment surpris que personne ne les ait sélectionnés plus tôt ! Ce n’est qu’une question de temps pour qu’ils franchissent la prochaine étape « , observe l’ancien technicien du Club Bruges.

La nôtre s’arrête à Braila. Là où 180.000 âmes vivent paisiblement, abreuvées par le Danube et entourées par la Moldavie et l’Ukraine. Des routes parsemées de nids de poule permettent de rejoindre la cité portuaire. Les villages croisés en chemin se ressemblent tous. L’allée principale sépare des maisons modestes qui donnent pour la plupart l’impression d’avoir été montées avec de la taule le matin même. Point de chute, Braila participe à la croissance d’AlexandruChipciujusqu’à ses 14 printemps.

 » Alex  » fréquente alors les bancs d’une école située en banlieue. Un homme de la sécurité garde l’entrée.  » Des adultes s’introduisent parfois dans l’enceinte de l’école et causent des problèmes « , justifie Sergiu Munteanu, le prof de sport, qui n’a plus vu Chipciu depuis cinq ans.  » Il est revenu à l’école, il avait une mustang jaune.  »

La même couleur qu‘Alex arbore avec l’équipe de l’école. Aujourd’hui, les maillots sont des répliques de ceux du Real, en mauve. Munteanu se perche dans son bureau qui surplombe un terrain indoor où une vingtaine de gamins se disputent la chique. Mireca Duca, ex-prof principale de Chipciu, rejoint la conversation :

 » Ce n’était pas un garçon comme les autres. Il était assez agité et se battait souvent. C’était vraiment quelqu’un de bruyant, toujours en train de faire quelque chose d’autre que ce qu’on lui avait demandé. Ce n’est pas qu’il n’était pas capable de réussir, mais il ne voulait pas travailler. Il préférait jouer au football plutôt que de faire ses devoirs.  »

Plutôt assidu balle au pied, Alex ramène quand même des bonnes notes à la maison, située à quelques pas. En 2003, il clôture son parcours scolaire à Braila en portant son équipe sur la troisième marche du podium des olympiades scolaires nationales.

 » Je n’ai jamais eu à le punir, il avait surtout beaucoup d’énergie « , plaide Munteanu.  » En plein hiver, il sortait jouer au foot sous la neige, dans la cour de l’école. Il jouait tellement qu’il n’y avait presque plus de neige sur le terrain ! Et chez nous, vous savez qu’il peut y en avoir beaucoup…  »

DEUX LOUPS DE MER ET UN BATEAU

Chipciu quitte sa ville natale dans la fleur de l’adolescence pour mieux y revenir. Fin 2008, le FC Brasov le loue au CF Braila, en D3. L’enceinte du club révèle les caractéristiques classiques de la dictature communiste : une sorte de grand vélodrome, uniquement couvert pour les officiels, une piste d’athlétisme cendrée et des facilités d’accès d’à peu près partout. La rénovation du  » Stadionul Municipal  » n’est visiblement pas à l’ordre du jour.

A l’entrée, le logo du désormais Dacia Unirea Braila, composé de deux loups de mer et d’un bateau, précise l’année fondatrice : 1919. Pour le moment, seuls un tracteur et un chien errant font les concierges. Les joueurs les plus ponctuels se pointent un à un. Le coach, Alin Panzaru, débarque avec la démarche de celui dont la fin de carrière est encore fraîche.

 » Ce n’est pas encore Old Trafford « , lance-t-il le regard perçant.  » Mais Alex n’était pas surpris en arrivant ici. Chez nous, tous les stades et les terrains sont plus ou moins dans le même état. Nous avons beaucoup de joueurs avec de grosses capacités techniques, mais les conditions ne sont pas optimales pour qu’ils s’épanouissent.  »

Quand il arrive en prêt, Chipciu a 19 ans mais s’impose rapidement.  » Il voulait tous les ballons ! Par moments, il était capricieux. Il pouvait être déçu et frustré et il n’hésitait pas à le montrer, notamment quand ses coéquipiers ne lui faisaient pas la passe qu’il voulait. Dans ces moments-là, c’était très difficile de l’approcher « , rigole Panzaru, son coéquipier pendant six mois.

Le dernier exercice est difficile. Le club frôle la faillite.  » En Roumanie, si vous ne payez pas, la plupart des joueurs ne viennent pas s’entraîner ou ne jouent pas avec le coeur. Pas lui.  » Mais il part trop tôt pour être prophète en son judet (département en VO).  » Braila, c’est sa ville. Mais il n’a pas eu le temps d’y laisser une trace indélébile. Même les gens qui adorent le foot ne se rappellent pas forcément de lui…  »

Il le devient plutôt en signant au Steaua en 2012. Les choux gras roumains en profitent pour cuisiner le physique de sa soeur, Bianca. Il y a un an tout rond, la Gazeta Sporturilor publie des photos de l’ex-handballeuse, deux fois vice-championne nationale junior. Le titre ne fait pas vraiment dans la sobriété :  » Alex Chipciu n’a pas que le meilleur salaire de Liga 1, il a aussi une soeur super sexy. Elle a 20 ans et étudie à la faculté de Lettres de Bucarest « . Chipciu, qui figure alors parmi les étoiles du championnat, se lasse des comparaisons entre son salaire élevé et son niveau de jeu en deçà des espérances placées en lui. C’est une des raisons pour lesquelles il choisit l’exil à Anderlecht.

DE L’ÉLECTRICITÉ MAIS PAS DE TV

À un jet de pierres de Belgrade, un lampadaire assure la pérennité historique des lieux.  » 12 novembre 1884, la première ville européenne avec des rues éclairées par l’électricité.  » Branché sur courant alternatif, Timisoara est l’épicentre de la révolution roumaine de 89. Le complexe sportif de l’université, renommée pour son enseignement polytechnique, impressionne à quelques encablures du centre. Une piscine, une salle de musculation, des terrains de foot et de tennis flambant neufs. Les installations se confondent clairement avec celles d’un club professionnel. L’arène du Poli Timisoara est construite dans le prolongement des rues. Dorin Rotariu naît ici.

Mais sa destinée aurait pu être tout autre.  » Nous le voulions, mais il a choisi une autre voie « , distille Gheorghe Hagi. En 2013, il a 18 ans et cherche à quitter son fief natal. Neveu de l’ancien international Iosif Rotariu, également  » très bon ami  » d’Hagi, il se dirige naturellement vers la mer Noire. Lucian Burchel, directeur technique de l’Academia Hagi, raconte :

 » On était en train de changer d’hôtel. On ne pouvait plus loger tout le monde au Iaki, qui est un quatre étoiles avec vue sur la mer. Le nouvel hôtel n’en avait que deux. Dorin croyait qu’il allait rester dans une chambre individuelle avec télévision. Son oncle et Hagi s’étaient mis d’accord là-dessus. Mais il s’est retrouvé avec un autre joueur, sans télévision.  »

Cerise sur la surprise, Rotariu débarque quand les pros sont en stage. Issu de la génération 95, il doit s’entraîner avec les 97. Deux jours plus tard, il file au Dinamo.  » Roti  » dormait souvent dans la chambre en face de la mienne quand on allait en mise au vert. J’allais toujours l’emmerder « , lance  » Bison  » Gnohéré.

 » Sur le terrain, je lui faisais beaucoup de passes décisives, dont une contre Timisoara. Mais parfois, il partait dans des dribbles interminables et je lui disais de lâcher son ballon. On finissait toujours par nous insulter en roumain…  » Croisé à Constanta, Adrian Mutu est désormais le directeur sportif du Dinamo.

 » Rotariu est un joueur très talentueux. C’était impossible pour moi de le garder. Il avait émis le souhait de partir et c’est l’un des meilleurs jeunes joueurs roumains.  » L’ancien capocannoniere de la Fiorentina subit aussi le pressing de Feyenoord, du Hertha Berlin et de Francfort. Mais renseigné par Rudi Verkempinck, Bruges flaire la bonne affaire.  » Roti  » devient le transfert le plus cher du Dinamo sur les cinq dernières années (2,2 millions).

DRACULA, LE NUMÉRO 23 ET LES LIGAMENTS

La Roumanie regorge de trésors inattendus. En Transylvanie, les fortifications d’Alba Iulia défendent la vieille ville en étoile. Les routes qui mènent à l’un des plus vieux patelins de Roumanie, tout en chicanes au milieu des vallées boisées, rappellent celles des Alpes. Brasov y couve le château de Bran, associé par la légende à Vlad III  » l’Empaleur « , alias Dracula. Le stade du FC Unirea Alba Iulia date de 79 et offre une vue sur les Monts Apuseni.

 » Il est très vieux, trop vieux. Il est moche « , s’exclame en grimaçant Mihai Dascalescu, le CEO du club de D3. Sur le mur du couloir qui dirige vers son bureau, le logo du club a le charme mais aussi la symétrie bancale d’une peinture à la main. Dans les vestiaires, les douches gouttent encore. La place de Nicolae Stanciu est presque chaude. De 2008 à 2011, le néo-mauve s’assoit sous le numéro 23, non loin de  » Gicu  » Grozav, passé ensuite par le Standard.

 » Notre club est un club formateur. On a souvent des jeunes appelés en équipe nationale « , atteste Florian Brumaru, le directeur sportif.  » On n’a pas d’argent, mais on a du coeur « , philosophe Dascalescu, meilleur buteur de l’histoire de l’Astra Giurgiu. En 2004, les deux hommes trouvent un joyau dans la vallée. Il a 11 ans et est surnommé  » Nicosur « .

Brumaru :  » Quand il était jeune, il avait l’habitude de slalomer tout le monde et d’aller marquer. Encore, encore et encore…  » Complètement au-dessus du lot, Stanciu débute en D2 à tout juste 15 printemps et deux semaines. L’année suivante, il est titulaire en D1 contre son futur club, le Steaua. Il délivre un assist synonyme de victoire (2-1). À l’époque, il se déplace encore en bus au départ de son village natal. Mais entre-temps,  » Nicosur  » connaît une première mésaventure.

 » Il pleuvait, le terrain était mauvais « , se souvient Brumaru, maussade.  » Dans les derniers instants du match, Nicosur était en train de dribbler. Son pied est resté bloqué et son genou a tourné. Il était au sol et on a vu tout de suite que c’était grave. C’était les ligaments.  » Aux urgences, les médecins sont catégoriques : fini le ballon rond. Mais le président du club ne l’entend pas de cette oreille et investit 8.000 euros pour le remettre sur pieds. Brumaru contacte un médecin roumain qui officie en Allemagne. Il opère Stanciu à Bucarest et lui permet de rejouer.

 » Quand Nicosur a eu son problème au genou, c’était en plein hiver « , poursuit Brumaru, dit  » Bébé « , violons à l’appui.  » La chaussée de son village était glissante. Je le prenais dans mes bras pour le porter et le ramener chez lui. C’est là que je lui ai dit : ‘Nicosur, si tu veux une vie meilleure, tu dois devenir un grand footballeur. Tu dois revenir sur les terrains dès que possible‘.  » Déterminé, Stanciu touche alors 500 euros par mois, plus 100 de bonus s’il est appelé en sélection.

3.500 EUROS ET UN FRIGO

Mieux, pour partir à Vaslui, il rencontre un agent qui sort le grand jeu pour l’enrôler. L’homme offre à sa famille 3.500 euros et… un frigo.  » Il vient d’une famille modeste « , glisse Dascalescu. La famille Stanciu vit toujours à Craiva, l’une des trois entités de Cricau. La commune d’à peine 2.000 habitants se perd sur un territoire immense dont les vallons tracent l’horizon. Connu pour ses vignes, l’endroit entre très tôt dans l’histoire quand les Daces, à l’origine du peuple roumain, s’y installent. Chaque année, le village organise des festivités à la gloire de l’époque romaine.

Au bout d’un chemin de terre, un panneau barre Craiva d’un trait rouge. A une vingtaine de mètres, la maison des Stanciu semble avoir subi un léger ravalement de façade. L’école primaire de Nicosur fait l’angle. Un terrain de foot en pente l’arrondit, mais le reste est désert.  » Il n’y a plus assez d’élèves à Craiva. Maintenant, tous les enfants viennent à Cricau « , précise le bourgmestre, Lucan Emil. Sa maison communale fait face à ladite école. L’un des élèves martyrise les autres à base de roulettes pendant qu’une calèche arborée d’un drapeau roumain tient les montagnes pour ligne de mire.

 » Il y avait des enfants plus forts que Nicolae, dont son cousin « , abonde Emil, qui affiche une mine qui en a vu d’autres.  » Ce n’était pas le meilleur de la commune. C’est à partir de ses 14 ans qu’il a commencé à devenir très bon.  » Et où il bénéficie d’un enseignement de sports-études à Alba Iulia. Avec sa grand-mère tatouée sur le bras, Nicosur reste attaché à sa famille et ses racines.  » C’est plus compliqué pour lui de revenir désormais. Mais il a toujours ses attaches dans notre village. Son domicile est encore ici, puisque ses amendes atterrissent chez nous !  »

Si bien que même ses ex-coéquipiers se prennent déjà à rêver du retour du Messie. Ciprian Selagea accède à la D1 à ses côtés, avant de partir au Rapid Bucarest et de le croiser à nouveau sur les prés :  » Quand il était au Steaua, j’ai marqué contre lui en Super Coupe. J’ai été le voir pour lui dire ‘F*** you ! ‘  » Avant de partir s’entraîner, celui qui est revenu au club de ses débuts dévoile ses plans.  » Si tous les joueurs formés à Alba Iulia reviennent ici, on jouerait les play-offs sans problème. On pourrait reformer une grande équipe. On en a parlé avec Nicosur pendant la trêve. Je suis sûr qu’il reviendra.  »

L’idée se synthétise par un adage qui dit que l’on revient toujours pleurer sur la tombe de sa mère. Pour mieux célébrer la vie. Lucan Emil :  » Je ne sais pas s’il reviendra s’installer ici. Mutu et Hagi ont été de grands footballeurs à l’étranger, mais ils sont revenus. Dans notre village, on vit bien. Ce n’est peut-être pas le cas partout, mais en Roumanie on a tout ce qu’il faut. La vie est modeste, oui, mais on mange à notre faim et les femmes sont très jolies…  » Que demander de plus ?

PAR ALAIN ELIASY ET NICOLAS TAIANA – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Razvan Marin, c’est le meilleur. Il apprendra beaucoup avec le Standard et peut devenir important, à terme, pour n’importe quelle équipe en Europe.  » GHEORGHE HAGI

 » Alex Chipciu n’a pas que le meilleur salaire de Liga 1, il a aussi une soeur handballeuse super sexy.  » TITRE DE LA GAZETA SPORTURILOR

 » Nicolae Stanciu a toujours ses attaches dans notre village. Son domicile est encore ici, puisque ses amendes atterrissent chez nous !  » LUCAN EMIL, BOURGMESTRE D’ALBA IULIA

 » Avec Dorin Rotariu, on finissait toujours par nous insulter en roumain.  » BISON GNOHÉRÉ

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire