Captain Klaas

Attendu dans un grand club étranger, l’avant de 24 ans s’est préparé avec l’Ajax. Retour sur la saison la plus étrange de sa carrière et ses nouvelles ambitions.

K laas-Jan Huntelaar aime les tribunes debout, les catacombes en bois et les vieux marquoirs à aiguilles. Le buteur de l’Ajax a donc ouvert grand les yeux à Ninian Park, qui est le port d’attache de Cardiff City pour une saison encore. Le petit stade est charmant. Il émane de cette construction de 1910 le parfum de succès passés et d’amour du football. Dans le dug-out des visiteurs, une plaquette rappelle l’arrêt cardiaque fatal du légendaire entraîneur écossais Jock Stein, en 1985, lors du match Galles-Ecosse. Dans les vestiaires délabrés, un bac fait office de baignoire et l’urinoir est digne d’un bistrot mal famé.  » Je regrette qu’il n’existe presque plus de stades de ce genre « , commente Huntelaar, appuyé à un mur de Ninian Park, après le match amical, qui s’est soldé par un nul blanc.

Il jette un regard de l’autre côté de la rue où l’ossature du nouveau stade s’élève.  » Toutes ces arènes modernes se ressemblent. Elles sont confortables et plus lucratives pour les clubs mais elles n’ont pas le charme des anciens stades. Le plus beau dans lequel j’ai joué est Lansdowne Road, à Dublin. Grand, vieux, avec un public serré et un train qui passe en dessous des tribunes. « 

Le lendemain, Huntelaar est dans le jardin de l’hôtel des joueurs à Cardiff. Sa participation à la préparation de l’Ajax est surprenante. Depuis des mois, les rumeurs évoquent son transfert à Manchester United, à Arsenal ou au Real. A quel club ne l’a-t-on pas associé ? L’Ajax veut prolonger son contrat, valable jusqu’en 2010, augmentation de salaire à la clef. Même si les discussions sont au point mort, Marco van Basten est serein :  » La balle est dans le camp de l’Ajax. Si les deux parties ne trouvent pas un accord satisfaisant, Klaas-Jan ne partira pas.  »

Le joueur rétorque :  » Le ballon est dans les deux camps. Si une des parties, l’Ajax ou moi, dit non, il ne se passe rien. J’attendrai sereinement, partant du principe que je porterai le maillot ajacide cette saison. J’ai l’intention de resigner et je pense que l’Ajax le souhaite. L’essentiel à mes yeux est d’avoir un bon sentiment lors des négociations, ce qui n’était pas tout à fait le cas lors du dernier entretien. Ce n’est pas lié à l’offre financière, c’est l’ensemble qui ne colle pas encore. Les négociations sont provisoirement arrêtées mais je suis disposé à les reprendre. Je verrai quand l’Ajax sera prêt. « 

Un coup à la Sneijder ?

L’Ajax redoute de revivre un scénario à la Wesley Sneijder. Peu après avoir annoncé qu’il restait à Amsterdam, il avait signé un contrat de rêve au Real. C’était le coup d’envoi d’une des saisons les plus chaotiques de l’Ajax, au cours d’une décennie qui n’a pas été vraiment paisible. Dans la campagne britannique, Huntelaar revient sur cette saison qui a aussi vu le départ de l’entraîneur Henk ten Cate, l’arrêt brutal du défenseur JaapStam puis le renvoi d’un directeur après l’autre. Bilan : un championnat sans prix. Huntelaar :  » C’est la saison la plus étrange de ma carrière. Tout ce qui pouvait arriver s’est produit. Ce n’était pas l’idéal pour prester, ni pour l’équipe, ni pour moi. On ne peut s’abstraire complètement de tels événements. Les gens ne parlent que de ça. Cette frénésie est inhérente au football de haut niveau. Parfois, c’est risible car on décèle des mécanismes qui ne cessent de se reproduire alors qu’ils sont évitables. On ignore combien de temps le calme restera. L’année dernière au même moment, l’Ajax était aussi tranquille que maintenant. Si la situation reste telle qu’elle est pendant une saison, nous aurons bien travaillé.  »

Quel événement a eu le plus d’impact sur l’équipe ? Huntelaar réfléchit.  » Chacun a apporté sa part de chaos. Le départ de Stam et de Ten Cate a eu le plus grand impact car nous travaillions ensemble tous les jours. Mais ce n’est pas une excuse pour avoir raté le titre. La sérénité d’un club aide les joueurs à se concentrer sur leurs prestations mais cela ne peut être décisif. D’ailleurs, nous avons tout simplement manqué de talent à certains moments. Et de mental. Voilà pourquoi nous ne sommes pas champions. « 

Un de ces moments importants où l’Ajax a failli est ce déplacement au PSV, à cinq journées du terme. A Eindhoven, l’Ajax est passé à côté de l’occasion de relancer la course au titre. Il a fait un nul blanc et une semaine plus tard, il a été battu par le FC Twente. Huntelaar avait fustigé la tactique trop prudente d’ Adrie Koster, l’entraîneur intérimaire, en deuxième mi-temps. Il persiste :  » Nous avons été trop attentistes. J’ai expulsé ma frustration après le match. J’étais peut-être trop avide de victoire mais j’étais sûr que nous pouvions être champions. Nous n’avons évidemment pas perdu le titre à Eindhoven. Je ne voulais pas non plus accabler Koster. Je n’étais pas d’accord avec lui mais un joueur doit respecter les consignes du coach. Si nous avions concrétisé nos occasions, nul n’aurait parlé de notre style de jeu. Nous aurions pu clôturer cette étrange saison par un titre.  »

Un Euro au goût amer

L’EURO a également laissé des sentiments mitigés à Huntelaar.  » Y participer a été chouette mais pas la façon dont ça s’est déroulé. En être ne m’a pas suffi. Je ne suis jamais satisfait. En Suisse, tout ce que je pouvais faire, c’était m’entraîner, rester affûté et attendre patiemment ma chance. « 

Elle est venue dans un match où les titulaires ont été ménagés, le troisième de poule contre la Roumanie (2-0). Huntelaar a ouvert la marque à Berne mais en quarts de finale contre la Russie, il a retrouvé le banc. Il a rapidement compris que les Pays-Bas étaient mal embarqués.  » Je me souviens du moment précis où je m’en suis rendu compte. Nous avons mal débuté, la Russie était elle très vive. Après quelques minutes, nous avons perdu trop de ballons en défense. J’ai fait remarquer que ça allait être difficile. Nous attendions un revirement, une phase qui nous relancerait mais en vain. L’égalisation de Ruud van Nistelrooy aurait pu constituer un revirement. J’espérais que nous conserverions le nul dans les prolongations. J’ai pensé : – Soyez contents avec ce 1-1 et arrivez aux tirs au but. Nous pouvions tout au plus miser sur un contre, à partir d’une défense compacte. Nous sommes sortis plusieurs fois, sans jamais être dangereux. La Russie a exploité ces espaces.  »

Le sélectionneur est désormais son entraîneur à l’Ajax :  » Je remarque peu de différence entre le sélectionneur et l’entraîneur de club. Il dispense ses séances avec la même approche. Il aime l’attaque, les risques. C’est bien. L’Ajax possède un noyau apte à évoluer dans ce registre. Nous avons beaucoup d’attaquants aptes à réaliser des actions. Certains sont imprévisibles. Il m’arrive d’être démarqué sans qu’ils le remarquent. Cela arrive. Puis on me passe le ballon d’une façon qui surprend l’adversaire. Nous nous trouvons de mieux en mieux. Je continue à progresser. Je dois trouver un équilibre entre marquer des buts et participer au jeu. Il s’agit d’effectuer les bons choix. C’est une question d’instinct, d’expérience et de vista. « 

Huntelaar a montré ses deux visages lors des deux matches amicaux en Grande-Bretagne. Contre Cardiff City, il a été à la base de la meilleure attaque de la partie, en reculant pour céder le ballon au millimètre à Robbert Schilder, qui était monté. Kenneth Perez a raté son tir d’un cheveu sur la passe de Schilder. Contre Sunderland, Huntelaar a inscrit le seul but de la rencontre, d’un tir rapproché.

De Boer et Bergkamp : consultants de luxe

Huntelaar peut compter sur l’expérience de Frank de Boer et de Dennis Bergkamp, qui seront fréquemment aux entraînements de l’Ajax cette saison.  » C’est génial. La saison passée, Frank était déjà très impliqué. On peut discuter football avec lui. Je ne l’ai pas encore vraiment fait avec Dennis mais je compte bien lui demander conseil : comment gérer certaines phases, pourquoi ? Ils font partie de la génération que nous avons toujours vue à la télévision. C’est donc enrichissant et agréable.  »

Van Basten, John van’t Schip, Rob Witschge, Bergkamp et De Boer jouent pour lui le rôle qu’il remplit lui-même dans ce jeune groupe. Transféré d’Heerenveen à l’Ajax en décembre 2005, le jeune attaquant est devenu un pion majeur du club en l’espace de deux ans et demi. Il correspond exactement au profil requis par van Basten. Sélectionneur, il y a quelques années, il vantait Sneijder, Rafael van der Vaart et John Heitinga, en ajoutant qu’ils devaient accomplir un nouveau pas en avant. Ils jouaient déjà bien mais leur football devait permettre à l’ensemble de mieux fonctionner, lors de l’étape suivante. Huntelaar évalue sa situation actuelle.  » C’est simple. Je fais mon boulot de mon mieux et j’espère que l’équipe en profite. On complique trop souvent le football alors que c’est un jeu très simple. Il faut appréhender tous les aspects qui peuvent influencer le jeu mais je me concentre sur l’essence du football. Elle n’est pas compliquée.  »

Huntelaar a reçu confirmation de son nouveau statut il y a quelques semaines : Van Basten l’a nommé capitaine.  » C’est un très grand honneur mais cela ne change pas ma façon de monter sur le terrain. J’ai discuté avec le coach et Maarten Stekelenburg, le vice capitaine, de la manière dont je vois ma mission. L’entraîneur avait des v£ux, j’ai apporté mon point de vue. Je trouve important d’analyser comment le groupe vit et que les joueurs sachent qu’ils peuvent toujours venir me trouver. Il faut donc soigner la communication afin que l’ambiance soit bonne et que nous ayons plus de chances de prester. J’ai apprécié l’activité estivale de l’Ajax sur le marché des transferts. Je veux jouer dans l’équipe la plus costaude possible. Le comportement ambitieux du club me donne de la confiance.  »

Marco van Basten n’a guère fait mystère de ses ambitions cette saison. Amsterdam rêve d’un titre. Le dernier remonte à 2004, une éternité pour un club comme l’Ajax. Huntelaar partage ce sentiment :  » Avec tout mon respect pour nos concurrents, l’Ajax est toujours candidat au titre. Mais le PSV est le candidat numéro un, c’est l’équipe à battre car il est champion depuis des années. Il est temps que ça change. « l

Simon Zwartkruis, ESM

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