CAPITAINE VISTA

Pourquoi le Français est-il si important pour le club du Gaverbeek ? Une analyse en sept tableaux.

1 Position C’est le principal changement par rapport au premier passage de Franck Berrier à Zulte Waregem (2008-2010). Il évoluait alors à droite du triangle central, un rien devant le médian défensif Ludwin Van Nieuwenhuyze mais derrière Kevin Roelandts, qui opérait la jonction avec l’avant-centre, Mbaye Leye ou Ernest Nfor. A présent, le Français occupe le poste de Roelandts, devant deux médians défensifs, Junior Malanda et Jonathan Delaplace. Il doit donc appeler le ballon moins bas, ce qui augmente son rendement offensif (voir 4).

Les joueurs qui l’entourent possèdent un meilleur bagage footballistique. Sur les flancs, on trouve Thorgan Hazard, Jens Naessens et Aleksandar Trajkovski ainsi que les arrières latéraux, Davy De Fauw et Bryan Verboom, qui jouent assez haut. Dans l’axe, il y a aussi Malanda, âgé de 18 ans, qui allie qualités physiques et techniques, et qui a repris l’ancien rôle de Berrier. Avec Delaplace, doté d’un énorme volume de jeu, le jeune Belge forme un bloc complémentaire en soutien de Berrier. Indépendamment de sa position, celui-ci comprend instinctivement quelle fonction il doit occuper, plus défensivement ou plutôt offensivement, en fonction de l’adversaire, du déroulement du match et des espaces disponibles.

Le Français n’est pas un distributeur spécifique, qui reste figé à son poste. Il se déporte fréquemment sur le flanc droit, y disposant de plus d’espaces, dans la mesure où les médians ne l’y suivent généralement pas. Le numéro dix peut aisément converger vers l’axe et engendrer une supériorité numérique avec De fauw. Samedi dernier, contre Malines, les deux hommes ont lancé comme ça l’attaque qui a été à la base de l’égalisation de Leye. Quand Berrier est coincé dans l’axe, Francky Dury n’hésite pas à le laisser à droite ou, comme contre Malines, qui s’est replié, à le faire reculer d’un cran.

À Louvain et contre Anderlecht, lors des septième et huitième journées, le distributeur a même débuté aux côtés de Malanda, Delaplace jouant à droite, avec Leye ou Hazard en soutien de l’avant-centre Ivan Lendric. Berrier ayant livré deux matches moins convaincants, Dury l’a reposté au numéro dix.

2. Vista et passing

 » Il décèle des solutions auxquelles les gens installés dans la tribune ne songeraient pas un instant.  »  » Il a des yeux dans le dos.  »  » Quand il reçoit le ballon, il sait déjà où l’expédier.  » Ce ne sont que quelques-uns des commentaires vantant la vista de Berrier. Son orientation dans le temps et dans l’espace, un talent inné, est exceptionnelle. Le Français anticipe constamment et se meut parfaitement entre les lignes. Il est donc bien démarqué, surtout quand un coéquipier récupère le ballon, ce qui permet à son équipe d’opérer une transition rapide.

Encore faut-il qu’il exécute ce qu’il perçoit et c’est tout son art. Dès son contrôle du ballon, généralement parfait, il pense à la suite : une passe en profondeur, un ballon tendu ou une subtile passe transversale dans le dos de la défense.

Le Ribéry du Gaverbeek joue vers l’avant, en prenant des risques dans son passing, ce qui le place dans la catégorie des joueurs accumulant le plus de mauvaises passes. Berrier est conscient de ce problème mais continue à tenter sa chance avec cran, même après trois passes ratées.  » Quelques pertes de balles ne pèsent pas lourd par rapport à un ou plusieurs assists « , affirme-t-il. Dury le laisse donc toujours sur le terrain car même dans un mauvais jour, il est capable de faire basculer le cours du match d’une passe tranchante ou d’une déviation géniale. S’il n’y parvient pas, on l’oublie vite, sauf peut-être dans un grand club comme le Standard, où l’entraîneur et les supporters étaient plus critiques.

3. Technique de frappe

Intérieur ou extérieur du pied, pointe, cou-de-pied, Berrier est capable de tout, du pied droit. Il ne tire pas en puissance mais en finesse et il choisit toujours la meilleure option. Comme ce pointu au Beerschot, ce tir de l’intérieur du pied dans la lucarne gantoise, ou encore son lob génial à Waasland-Beveren. On notera aussi cet extérieur du pied face à Yves De Winter (Westerlo) en décembre 2009 voire sa sublime déviation, en un temps, au Racing Genk, au début de cette année. Sans oublier ce tir tendu, des 16 mètres, du cou-de-pied, contre le Cercle en août 2009.

Le meneur de jeu ne joue pas avec un égal bonheur des deux pieds. Des vingt buts inscrits jusqu’à présent en D1 belge, il n’en a marqué que deux du gauche : au Cercle et quatre mois plus tard à Anderlecht. Sur les 18 assists et passes décisives délivrés depuis la trêve hivernale, il n’en a délivré qu’un seul du pied gauche aussi : la passe sur le rétro de Leye, récemment, contre Charleroi.

Comme il ne s’est chargé d’aucun coup de réparation durant son premier passage à Zulte Waregem, Berrier n’a inscrit que deux buts du point de penalty. Tous les deux ont été envoyés dans le coin gauche : cette saison contre Charleroi et l’année dernière avec le Standard contre Westerlo. Au terme de ce match, le Français a déclaré n’avoir encore jamais raté de penalty mais deux semaines plus tard, son tir a été trop mou contre le gardien du Cercle, Bram Verbist.

Bizarrement, Berrier n’a encore jamais marqué de but sur un coup franc direct, en Belgique. Ses coups francs indirects et ses corners sont nettement plus redoutables. À deux reprises, il a même marqué, avec un brin de chance : cette saison, contre le Cercle, personne n’a touché son ballon, qui a finalement atterri dans le but, et en août 2009, à Westerlo, son tir des 30 mètres a médusé De Winter, malgré un vent violent. Il a également marqué un but similaire l’année dernière, sous le maillot du Standard, à Helsingborgs, en Europa League.

Six des vingt buts de Zulte Waregem au second tour de la saison passée sont tombés sur un corner ou un coup franc indirect de Berrier. Cette saison, son rendement est inférieur : sur un total de 27 buts, on ne relève pas le moindre coup de coin alors que le club en a forcé 61 et un seul coup franc indirect a été à la base d’un but – celui de Naessens, contre Anderlecht. C’est partiellement dû au hasard, même si Leye, le meilleur homme de la tête, a été absent cinq matchs, mais Zulte Waregem n’a pas de grands gabarits et force donc moins de corners depuis que Dury a repris les commandes (4,67 au lieu de six par match). Et puis, deux ou trois fois sur dix, Berrier botte moins bien sur phase arrêtée. C’est son côté parfois un peu nonchalant qui le veut.

4. Finition

Son moindre rendement sur les phases arrêtées explique en partie pourquoi le Français n’atteint cette saison qu’une moyenne de 0,20 assist par match (trois sur 15), alors que la saison passée, il en était à 0,35 par joute, soit six sur 17) et qu’il en était même à (0,50 et 0,46 assists par match, soit 15 sur 30 et 13 sur 28, lors de ses deux premières années au Gaverbeek. La raison essentielle de cette baisse est toutefois sa position : plus élevée, celle-ci lui permet de marquer davantage : dix buts en 15 matches, soit déjà un de plus qu’en 75 matches répartis sur deux saisons et demie. Et quand Riberrier marque, ses buts sont généralement beaux à voir, grâce à sa technique de frappe. On pense à son lob contre Westerlo ou à sa déviation contre le Racing Genk, ou encore à ses longs envois droit dans la lucarne, en avril 2009, contre le Cercle et Courtrai.

Dans le passé, il n’a toutefois pas franchi le cap des quatre buts par an. Le Français, qui ne mesure que 1m73, devait à l’époque jaillir de plus loin, alors que maintenant, il apparaît plus souvent et avec une plus grande fraîcheur dans le rectangle, plongeant à bon escient dans les brèches, grâce à sa vista. Ses trois headings tout simples illustrent son nouveau style de jeu.

Il est fréquemment le joueur le plus avancé, avec Leye, quand l’adversaire est en possession du ballon. Il peut ainsi dépasser un défenseur lent dès que Zulte a repris le cuir, comme sur ses buts en contre face à Gand et au Cercle (voir aussi 5 et 6).

Berrier reconnaît aussi être devenu plus égoïste et tenter davantage sa chance alors que durant son premier séjour en Flandre, et même la saison passée, il préférait passer le ballon à un partenaire.

Ses coéquipiers se muent aussi en passeurs, ce qui délivre le Français d’une partie du travail de distribution. Habibou a déjà délivré trois assists, tous à Berrier. Delaplace et de Fauw en sont à quatre passes décisives et Trajkowski a délivré un assist et trois passes préliminaires.

5. Abattage et vitesse

L’endurance de Berrier est sans doute la qualité qu’on sous-estime le plus. En mars 2010, après sa déchirure du ligament croisé antérieur, il a eu besoin de deux saisons pour retrouver son niveau mais après une préparation estivale complète, il émarge à nouveau au top cinq de Zulte Waregem, en matière de condition physique. Il est parfaitement en mesure de disputer trois matches par semaine.

Berrier a moins d’explosivité : il ne gagne pas facilement un sprint court sans ballon. Par contre, avec le cuir, c’est différent car la coordination entre les yeux et le pied, l’endurance et la technique interviennent. Son but à la 85′ contre le Cercle est intéressant de ce point de vue : il a entamé son sprint à la ligne médiane, s’est défait d’ Anthony Portier d’une feinte et a conclu son action en beauté 25 mètres plus loin.

Le petit distributeur ne dribblera pas deux ou trois hommes sur sa seule vitesse. Il n’a pas non plus la même gamme de feintes que Kevin De Bruyne et il préfère les combinaisons. Cependant, grâce à sa coordination et à sa mobilité, il est en mesure d’éliminer un défenseur d’un changement de rythme.

6. Force dans les duels

C’est son gros point faible, à cause de son gabarit (1m73 et 67 kilos). C’est aussi pour cela qu’il n’émarge pas à l’élite européenne et qu’au Standard, José Riga lui a préféré NachoGonzales comme box-to-box, derrière MéméTchité et Gohi Bi Cyriac. Le Français échappe aisément aux duels, qu’ils se déroulent au sol ou dans les airs. Il commet peu de fautes : neuf cartes jaunes en 103 matches de championnat, dont deux pour avoir ralenti le jeu, et une seule carte rouge pour un coup.

Le numéro dix n’a jamais été aussi efficace en défense. Il ne se précipite pas partout mais choisit le bon moment pour couper une trajectoire, généralement dans le camp adverse, à hauteur de Leye, incitant ainsi les défenseurs à la faute.

Berrier évite aisément les fautes graves et s’occasionne donc peu de blessures suite à des contacts. En plus, ses muscles, de type long et endurant, le préservent des élongations et des déchirures. À part sa longue inactivité, après sa grave atteinte au genou, due à un mauvais atterrissage sur une faute assez légère, le Français n’a pas encore raté de match depuis 2008. Il le doit aussi au staff médical de Zulte Warehem, qui accorde beaucoup d’importance à la prévention des blessures.

7. Caractère

Ses coéquipiers décrivent Berrier comme un  » garçon discipliné, aimable, tranquille et raisonnable, qui lâche de temps en temps une plaisanterie mais n’est pas un beau parleur.  » Francophone unilingue, il cherche surtout la compagnie de son compatriote, Delaplace. Sur le terrain, il préfère diriger le jeu des pieds, du regard et des mains que par la parole. Il se comporte en modèle, même s’il n’hésite pas à donner son avis dans les moments importants, y compris au conseil des joueurs.

Entre quatre yeux mais jamais devant tout le monde, il sait expliquer clairement ce qui ne va pas et il s’adresse fréquemment aux nombreux jeunes de Zulte Waregem, qui écoutent avidement ses conseils. Lors de son premier passage, il lui avait fallu plusieurs mois pour trouver ses marques et, âgé de 24 ans, il était aussi plus timide. L’équipe était plus chevronnée et il restait davantage en retrait. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il ne se chargeait pas de la conversion des penalties.

Pourtant, selon Dury, Berrier a un caractère fort. Il appréhende les choses de la vie d’un £il positif mais il est un peu têtu. Par exemple, estimant que certains journalistes francophones avaient mal reproduit ses propos, il a refusé toute interview pendant un an, jusque fin octobre. Samedi, frustré de n’avoir pas décroché le titre de champion d’automne, il a encore refusé tout commentaire.

Berrier se défait de sa timidité quand son avenir est en jeu. Dès sa première saison au Gaverbeek, il a évoqué un transfert dans un grand club belge ou français et il n’a pas perdu cette ambition, malgré son passage raté au Standard. Reste à espérer pour Zulte Waregem, qui vise les PO1, qu’il n’y pense pas trop pendant la prochaine campagne de transferts, même si le CEO du club, Patrick Decuyper, est résolu à conserver son capitaine jusqu’à la fin de la saison. Pour le plus grand bonheur de Francky Dury.

PAR JONAS CRETEUR – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Quand il reçoit le ballon, il sait déjà où l’expédier. « 

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