Capitaine total

Jelle est souvent à la une des médias et incarne le nouveau Standard. C’est l’avis du vestiaire, en tout cas.

Quand le Standard a perdu ses Twin Towers, Axel Witsel et Steven Defour, garants du jeu de l’équipe de l’Ancien Régime, un vent de panique s’est engouffré dans les aciéries liégeoises. Qui allait désormais aller au charbon, trouver l’énergie pour faire la jonction entre deux époques et allumer le phare de Sclessin ?

Il fallait les épaules du géant Atlas pour porter la planète rouge. Jelle Van Damme les a et personne ne l’a obligé à relever un défi dont on ne mesure peut-être pas assez l’ampleur. Tout était à refaire dans la ligne médiane. Van Damme avait le métier et la force athlétique mais son registre technique parfois discuté lui offrait-il la taille patron ?

Lors de son arrivée à Sclessin, ses détracteurs soulignaient une certaine fragilité physique (ne disait-on pas que ses chevilles étaient aussi délicates que du cristal de Val Saint-Lambert ?) mais ce débat n’est plus d’actualité car Van Damme ne s’épargne jamais sur le terrain et est même un des Rouches qui joue le plus. Samedi passé, il n’a pas signé une performance grandiose en championnat face à un Westerlo (1-0) massivement retiré dans son camp mais il a saisi quelques fois la cognée et, surtout, a utilisé sa polyvalence et son expérience quand Luis Seijas est monté au jeu. Van Damme lui a cédé sa zone d’influence et s’est installé au c£ur de la ligne médiane aux côtés de Yoni Buyens jusqu’alors soutenu par Karim Belhocine. C’est peut-être un détail mais il a eu de l’importance dans la vie de cette rencontre.

 » Moi, je me rends compte, notamment pour des réglages de ce type-là, que le métier de Van Damme est vital « , intervient Buyens.  » Il ne s’est pas posé de questions et a tout de suite trouvé ses points de repère car il n’y avait plus de temps à perdre pour gagner ce match difficile. Jelle ne lâche rien : il voulait les trois points et il les a eus. J’ai la chance de partager la même chambre que lui quand nous sommes au vert. Pour un jeune qui découvre un nouveau club et le poids de responsabilités plus importantes, c’est une aubaine. Je ne rate pas l’occasion de m’inspirer de son exemple. Il fait bien la part des choses, bosse mais sait détendre l’atmosphère par une farce, le mot et l’attitude qui détendent tout le monde. Il est unique. « 

Franck Berrier abonde dans le sens de son jeune équipier :  » Van Damme est la locomotive du Standard et alors que nous étions encore dans la gare de triage, le coach a accroché de nouveaux wagons. Van Damme a tout tiré pour que le train prenne de la vitesse. Puis, les choses se sont mises en place. Buyens a raison de dire que Van Damme est unique. Je ne sais pas si notre ciel se serait dégagé aussi vite sans lui. En fait, je ne crois pas que nous y serions arrivés de cette façon-là. Il faut être doté d’une très grosse personnalité pour atteindre cet objectif. Si Jelle aide les jeunes, je peux vous dire qu’il est indispensable aux anciens comme moi aussi. Van Damme, c’est du métier dans toute la signification du terme.  »

 » Van Damme ne triche jamais « 

Pour Laurent Ciman,  » Van Damme est le maillon fort de l’équipe, un grand patron « . Découvre-t-on aujourd’hui toutes les facettes de sa personnalité ? Son arrivée a lancé le Standard la saison passée mais les lauriers et les louanges étaient prioritairement destinés à Witsel, Mehdi Carcela, Defour ou Eliaquim Mangala. Or, Van Damme assuma largement sa part de responsabilités.

L’ambiance du vestiaire et le coaching a changé. Le staff précédent basa tout, et avec succès, sur l’émotion. Cette façon de voir les choses avait ses avantages et ses inconvénients. La frénésie permet de se dépasser mais cache des limites qui surgissent tôt ou tard. José Riga est posé et méthodique, décortique son football mais le vestiaire, ce triangle des Bermudes où se sont perdus tant de grands coaches, devait être réceptif, à l’écoute.  » Quand on entre dans cet univers, il faut en comprendre les mécanismes secrets « , affirme Riga.  » Il ne m’a pas fallu longtemps pour cerner l’impact de Jelle. C’est d’abord un homme et un joueur généreux. Il ne s’épargne pas, offre son énergie à tous ceux qui l’entourent. Je suis impressionné car ce joueur ne triche jamais. Quand un effectif compte des gars de cette espèce, tout le monde avance. Jelle a tout de suite adhéré au projet. Etre là, y croire, tout donner pour ne pas avoir de regrets, cela fait partie de sa personnalité. Il incarne le nouveau Standard. Jelle n’a rien demandé mais le brassard de capitaine lui revenait. Il aurait pu se dire : – Tiens, les stars sont parties, je suis désormais la pièce maîtresse. Mais Jelle ne fonctionne pas comme cela. C’est une vraie personnalité qui pense au succès collectif. Il s’implique et mouille son maillot. Il est respecté par ses adversaires et le public liégeois s’identifie en lui. Il a évolué à l’étranger, à Anderlecht et il connaît le football sur le bout des doigts. Pour reprendre une expression du sport cycliste, Van Damme fait le métier. Il ne se cache pas et il constitue une source de motivation pour tous, un exemple à suivre pour les jeunes. Il parle couramment plusieurs langues et cela fait de lui un ambassadeur exceptionnel. C’est une bénédiction pour un coach.  »

Son jeu ne fait pas toujours l’unanimité. Les puristes ne retiennent pas son abattage, sa présence dans les airs, la puissance de son tir et lui reprochent son style bûcheron et une technique un peu limitée. Riga n’est pas du tout d’accord :  » On ne peut pas détenir que de la force ou de la technique et rien d’autre pour réussir sa carrière comme il le fait. C’est impossible. La présence de Jelle ne se discute pas sur un terrain. Il pèse, va de l’avant mais il y a tout le reste : son placement, son calme et sa frappe. Jelle sait tempérer, lire le jeu, récupérer le ballon, travailler pour un autre, proposer des solutions, des appels sur le côté ou en profondeur, tenter des transversales. Quand il déboule, cela va vite et il est redouté par l’adversaire. Je ne dis pas que Jelle égale les plus fins techniciens mais son apport ne serait pas le même sans une solide capacité technique. « 

Dans son genre n’est-il pas un anti-Berrier ? Le meneur de jeu français n’est pas désarçonné :  » Je comprends ce que vous voulez dire et je dirai oui et non. Chacun a son apport. Jelle est la pierre angulaire de notre équipe et c’est le plus important. Exemplaire dans le travail au quotidien qu’on ne voit pas, il est tout autant le patron sur le terrain. J’ai un autre style mais si je peux tirer les ficelles, c’est parce que Jelle est là. Il est tout à fait essentiel. Moi, je me sens à l’aise avec lui. Nous nous comprenons en un clin d’£il. En fait, je suis sidéré par l’ampleur de sa production au cours d’un match. C’est un patron et un très gros moteur. Je ne vois pas un tel joueur dans les autres clubs de D1. J’ai un parcours en L1 française et je n’y ai pas croisé de joueur comparable à Jelle. A mon avis, le Standard est taillé pour lui et il y est arrivé au bon moment. Il avait un gros vécu dans ses bagages et cela lui permet de relativiser les choses. Sa maturité est primordiale pour une équipe jeune ou en pleine mutation. A mon avis, Jelle n’est pas encore à son apogée. Il apportera de plus en plus. Le public l’a tout de suite considéré comme un des siens. Cette communion saute aux yeux. C’est important car ce stade pousse son équipe, est exigeant mais pardonne un match moyen quand on offre tout. Jelle ne donne pas tout, il donne plus que tout. Il est heureux à Sclessin où il veut marquer l’histoire, je le comprends. Personne n’est indispensable sauf Van Damme. Je joue plus au ras du sol que lui, ce n’est pas une révélation, mais une équipe a besoin de variété. Van Damme nous en offre en abondance. « 

 » Il fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait « 

Ciman fréquente Van Damme au Standard et en équipe nationale.  » Si Anderlecht n’a pas décroché le titre en 2010-2011, ce n’est pas qu’à cause du départ de Mbark Boussoufa en Russie. Les Mauves ont perdu du talent dans cette affaire mais on oublie toute l’importance du transfert de Van Damme quelques mois plus tôt. Sans Jelle, Anderlecht avait égaré de la présence, du poids et de la mentalité. A mon avis, cela leur a coûté le titre alors que le Standard a failli réaliser le doublé après l’avoir recruté en Angleterre.  »

Guy Namurois, le préparateur physique du Standard se souvient d’une anecdote qui symbolise parfaitement le personnage :  » A la mi-temps de la finale de la dernière Coupe contre Westerlo (2-0), Jelle nous signala que ses ischio-jambiers l’inquiétaient un peu. La saison avait été longue et le Standard avait encore le fameux match de Genk dans les jambes. En bon pro, il nous fit donc part de son bobo. D’autres que lui se seraient retirés de peur de se blesser pour plusieurs semaines. Pas Van Damme : il refusa de quitter ses copains, fit des étirements et monta sur le terrain pour gagner. Et, en deuxième mi-temps, un défenseur de Westerlo détourna un tir de… Van Damme dans les filets de son gardien de but. Bien que blessé, Jelle avait mordu sur sa chique et assuré le succès du Standard.  »

Riga se frotte les mains tous les jours :  » Jelle est un guerrier. Il fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait. Il va droit au but. C’est un homme sain et son attitude est toujours positive. « 

Souriant, Buyens profite amplement de la présence de JVD à ses côtés :  » Jelle est un peu notre grand frère qui nous prodigue sans cesse de bons conseils.  »

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: REPORTERS

 » Je ne vois pas un tel joueur dans les autres clubs de D1.  » (Frank Berrier)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire