Capitaine par sacrifice

Le gardien a fêté ses 39 ans à Donetsk, la semaine passée.

On a déjà fait des interviewes d’adieu de Dany Verlinden au siècle passé mais depuis, elles sont devenues rares. Il y a trois ou quatre ans, il estimait que le Club devait enrôler Geert De Vlieger, car à son âge, sa carrière pouvait s’interrompre très brutalement et un grand club ne pouvait se permettre de n’avoir pas deux bons gardiens. Il avait également refusé le brassard de capitaine de Franky Van der Elst, estimant qu’il devait revenir à quelqu’un qui avait encore plusieurs années devant lui. A cette époque, les rumeurs abondaient: il allait partir, il souffrait du dos, aussi, ses abdominaux lui causaient problème, ses tendons d’Achille étaient usés. Bref, on parlait d’un vieux gardien. Dany Verlinden n’a évidemment pas rajeuni mais il est toujours là et il est capitaine. Apparemment, l’acquisition d’une doublure de qualité est même devenue superflue. « Je n’exclus pas de jouer tous les matches de la saison », rigole-t-il.

Avez-vous programmé une fête spéciale pour votre 39e anniversaire?

Dany Verlinden : Rien de particulier. J’ai apporté du champagne au foyer des joueurs, conformément à la tradition: à son anniversaire, il faut offrir du champagne ou de la tarte, même si la tradition est en perte de vitesse et qu’on a déjà raté quelques fêtes. Moi, j’en ai l’habitude et je la perpétue. Sans plus. Le groupe n’est plus aussi soudé qu’à mon arrivée il y a 14 ou 15 ans. Ce fut sans doute ma période la plus agréable au Club Brugeois. Ces dernières années, les sorties en groupe sont devenues nettement plus rares aussi.

Le noyau a pratiquement doublé, durant ce laps de temps.

Oui, mais le principal problème, selon moi, c’est le nombre excessif d’étrangers.

La saison dernière, vous avez déclaré que le Club n’était plus un bloc comme avant et qu’il ne se battait plus non plus pour le titre avec la même rage. A quoi est-ce dû?

La mentalité a changé. Auparavant, l’aspect sportif, le nombre de titres que vous gagniez, tout ça comptait alors que maintenant, on s’intéresse surtout à l’argent.

Un titre ne rapporterait-il rien?

En soi si car nous gagnons l’essentiel par nos primes mais la Ligue des Champions rapporte évidemment beaucoup plus. Le problème, selon moi, c’est que trop peu de joueurs ont encore l’esprit de club, s’y sentent liés. Dans cinq ans, la plupart auront oublié qu’ils se sont produits pour le Club Brugeois. éa me cause parfois des problèmes. Ils sont footballeurs professionnels et ils s’en tiennent à ça.

Un noyau de plus de 30 joueurs n’hypothèque-t-il pas l’ambiance générale? Après tout, il n’y a jamais que 11 places sur le terrain?

C’est une mauvaise excuse. Ceux qui ne sont pas capables d’affronter la concurrence n’ont pas leur place ici. Peut-être le noyau est-il trop large mais il comprend aussi des jeunes qui sont là pour apprendre. D’ailleurs, nous n’avons pas 30 joueurs de valeur égale.Il prend le brassard

La fameuse équipe B, celle des Espoirs, a quand même battu Genk, le champion en titre, en Supercoupe, alors que vous avez été battu deux fois la saison passée par ce même Genk.

D’accord, je leur laisse ce mérite mais on ne peut comparer ce Genk-là à celui qu’on affronte en championnat. Il a certainement sous-estimé notre équipe. Ce qui n’empêche que la victoire de ces jeunots était méritée et qu’elle doit convaincre les entraîneurs qu’ils sont susceptibles de jouer en cas de blessures ou de suspensions parmi les titulaires.

Cette saison, vous voilà capitaine. L’entraîneur avait proposé que le groupe élise un capitaine au sein du quatuor Timmy Simons, Gäetan Englebert, Tjörven De Brul et Philippe Clement. Comment le brassard vous a-t-il finalement échu?

René Verheyen m’a demandé ce que j’en pensais. D’autres joueurs avaient effectué la même démarche. Je me suis dit qu’une élection ne constituait peut-être pas une option si heureuse car elle implique de voter pour quelqu’un et contre d’autres. J’ai finalement dit à René qu’il vaudrait sans doute mieux que j’assume cette responsabilité cette année. Après, nous verrons bien. Je me suis aussi dit que quand un groupe recèle des trentenaires comme Gert et moi, c’est un peu bête de chercher un autre capitaine car s’il se passe quelque chose, il faut monter à l’étage de la direction. Alors, j’ai dit: je prends le brassard. Disons que je me suis sacrifié, à cause des problèmes entre Gert et Sollied.

Selon nos informations, c’est surtout Gert Verheyen qui désirait vous voir porter le brassard de capaitaine.

En partie, oui. Il m’a demandé pourquoi je ne voulais pas: -Tu es là depuis si longtemps, tu es à même de discuter d’éventuels problèmes avec la direction, tu peux aussi bavarder avec Sollied, ce qui n’est apparemment pas le cas de tout le monde. Des membres de la direction avaient d’ailleurs dit à Gert: -Il faut quelqu’un qui ait un nom ou une certaine aura à l’extérieur.

Comprenez-vous que Gert ne veuille plus du brassard sous Sollied?

A la parution de cet article dans Het Nieuwsblad, il m’a téléphoné, mais j’ai senti qu’il avait déjà pris sa décision. Peut-être aurais-je réagi de la même façon à sa place. Que l’article reflète exactement les propos de l’entraîneur ou pas, il est bel et bien paru.

Evidemment, Gert reste sur une saison médiocre. éa a certainement joué un rôle, même décisif.

Après un tel article, je pense que n’importe quel footballeur se serait senti agressé.Gert et la bombe

Gert et Sollied ne s’entendent pas depuis belle lurette. Ils n’ont pas la même vision du football. Gert préfère jouer dans un duo offensif et Sollied l’aligne à droite. L’un dit quelque chose, l’autre répond, et la discussion se prolonge éternellement.

Ce qui est étonnant, c’est que Sollied ne critique jamais personne en public et qu’un tel article paraît, subitement.

Etonnant aussi, le fait que Gert se plaigne dans des magazines sur la manière dont on retranscrit ses propos mais qu’il ne prête manifestement pas attention à l’explication, identique, de l’entraîneur, qui affirme que les suggestions ne viennent pas de lui mais du journaliste.

Je pense que ce qui incite Gert à penser que l’article reflète les propos tenus, c’est l’identité du journaliste..

Un ami.

Ils se connaissent bien, en effet, mais ça ne nous regarde pas. C’est l’affaire de Gert et de l’entraîneur. Si celui-ci affirme qu’il a été mal compris, nous devons nous incliner devant sa version.

Quand Gert va-t-il faire éclater la bombe?

Faire éclater la bombe… Que dire aussi longtemps que nous gagnons? C’est bon pour le portefeuille de tout le monde. Si nous avions été éliminés contre Bucarest, nous aurions passé un sale moment. Mais ce n’est pas le cas, ce qui est aussi bien pour nous que pour le club. Evidemment, il n’en faut pas beaucoup plus pour que la bombe explose. Nous le savons très bien et ça nous travaille mais nous ne devons pas nous attarder là-dessus car on ne sait jamais quand ça peut arriver, si ça arrive.

Quand le capitaine estimera-t-il que le moment de changer d’entraîneur est venu?

A partir du moment où l’entraîneur n’a plus d’impact sur son groupe, qu’il ne le contrôle plus et que trop de joueurs estiment être dans une impasse. Le club ou les joueurs doivent direà ce moment: -Désolé mais ce n’est plus tenable. Je ne pense pas que ce soit à l’ordre du jour. Peu de joueurs sont animés par de telles pensées. Il y en a quelques-uns, un certain pourcentage, comme dans tous les clubs.

Il y a également des joueurs, comme Simons et Englebert, qui louent publiquement Sollied. De quel côté se trouve le capitaine?

Entre les deux. Je n’ai de problèmes avec personne, et certainement pas avec Sollied. Personnellement, son arrivée m’a enrichi. Sans lui, jamais je n’aurais tenu aussi longtemps car si j’avais dû m’entraîner autant qu’avant… Peut-être le courant passe-t-il parce que nous sommes pratiquement du même âge. Il connaît son corps et sait ce qu’on peut faire ou non à cet âge. Pour ou contre Sollied, c’est d’ailleurs très relatif. Ceux qui jouent sont de son côté et les autres lui sont opposés, comme partout ailleurs.Primes à discuter

On dit que vous êtes un leader naturel. Gert ne l’était pas?

J’ai été en conflit avec fort peu de joueurs alors que Gert a eu pas mal de soucis durant la saison sous René Verheyen, avec notamment le cas Anic-Ilic. Ces problèmes continuent à le poursuivre. Tous les joueurs de cette époque ne sont pas encore partis et les étrangers continuent généralement à se fréquenter. Il en reste donc quelque chose. Mais de là à estimer que Gert ne peut plus être capitaine, il y a une marge à ne pas franchir.

Après le nul 1-1 à Donetsk, la Ligue des Champions se rapproche. Qu’est-ce que ça fait d’y participer, quand on a 39 ans?

Je voudrais la vivre encore une fois. J’en ai déjà tâté il y a 11 ou 12 ans. Nous étions versés dans une poule avec Marseille, les Glasgow Rangers et l’AC Milan, mais depuis, l’épreuve a acquis beaucoup plus de prestige. Ce serait fantastique mais encore faut-il prendre des points. Ramasser six raclées ne serait pas marrant du tout. Je m’attends d’ailleurs à un match retour très chaud contre les Ukrainiens.

Où en sont les négociations pour les primes?

Nous nous mettrons autour d’une table si nous nous qualifions contre Donetsk. Ce que nous recevons en cas de qualification n’est rien d’après les normes d’Anderlecht, mais ça représente quand même une belle prime. Je suis ici depuis suffisamment de temps pour savoir ce qui est possible ou non. Il faut essayer d’obtenir le maximum sans claquer la porte. Si on demande des montants à tomber par terre, on obtient l’effet inverse de celui qu’on souhaite. Peut-être certains n’apprécient-ils pas la situation mais je trouve qu’il faut rester réaliste.

La saison passée, votre conclusion a été dure: trop peu de qualité. Le Club s’est-il renforcé?

En défense, nous devons pouvoir tirer notre épingle du jeu. L’entrejeu a un an de plus. Sergiy Serebrennikov sait jouer mais il a besoin de temps pour s’intégrer. Devant, Rune Lange est très différent de la saison dernière, d’après ce qu’il montre depuis quelques semaines. Il travaille dur et gagne beaucoup de duels aériens. José Duarte est évidemment très jeune et il faut prendre Andrés Mendoza comme il est. Si Gert retrouve son niveau normal, il constitue un indéniable renfort, lui aussi. J’aurais aimé que nous enrôlions un vrai centre-avant, un finisseur, y compris pour accroître la concurrence dans ce secteur, mais ce n’est pas facile à trouver.

Imaginez que vous vous qualifiiez: la Ligue des Champions ne sera-t-elle pas trop astreignante pour vous?

Je ne crois pas. Jouer le dimanche, consacrer le lundi à un entraînement de remise en forme, faire un petit match le mardi, jouer le mercredi, se retaper le jeudi, un match d’entraînement le vendredi, jouer le samedi… On s’entraîne peu: on joue des matches. Je ne pense pas que ça cause problème à mon corps.Entraîneur des gardiens

Quand allez-vous signer un contrat de longue durée?

A mon âge, on prolonge année par année. Antoine Vanhove et moi convenons toujours de nous rencontrer en novembre ou en décembre pour faire le point. Si ça va bien, en principe, c’est moi qui décide, sinon, la discussion portera sur un autre aspect.

Vous avez beaucoup d’atouts. Vous pouvez facilement devenir entraîneur des gardiens, ce que vous êtes déjà un peu, et vous avez un diplôme en comptabilité. Gaby Savat, la comptable, ne rajeunit pas.

(Il rit) Non mais je ne pense pas devenir comptable, après avoir obtenu mon diplôme il y a tant d’années déjà. Je m’orienterais plutôt vers l’entraînement des gardiens. Je ne veux pas entrer dans les détails mais le Club m’a promis, verbalement, que je resterai. On ne sait jamais ce qui peut arriver. J’ai le diplôme du Heysel et j’ai déjà parlé de la Pro Licence avec René et Sollied. Mais il faut voir qui sera entraîneur la saison prochaine et dans quelle mesure tout ne sera pas remanié.

Vous avez sans doute entendu la rumeur persistante selon laquelle Franky Van der Elst serait le prochain entraîneur du Club.

Je l’ai lue et entendue mais j’ai aussi appris que le Club voulait discuter d’une prolongation de contrat avec Trond Sollied. Je pense qu’il est important pour l’image du club qu’il explique quand il prendra sa décision, sinon, on va encore nous reprocher de tout traiter en provinciaux.

L’arrivée de Marc Degryse devrait entraîner de grands changements du point de vue technique. Que pensez-vous du fait que le Club s’intéresse à un joueur comme Alin Stoica? Au début de l’interview, vous avez critiqué le grand nombre d’étrangers, la mentalité, les joueurs qui n’ont pas l’esprit de club, qui ne pensent qu’à l’argent. Or, Stoica est considéré comme l’enfant terrible de notre championnat. Hugo Broos, qui est quand même issu du terreau brugeois, n’en veut pas à Anderlecht parce qu’il joue avec les pieds du Sporting et que son rendement est à peine supérieur à zéro. Alors, Stoica à Bruges, Dany?

J’ai entendu d’autres histoires.

Christian Vandenabeele

« Il faut prendre Andrés Mendoza comme il est »

« J’ai le diplôme du Heysel et j’ai déjà parlé de la Licence Pro avec Sollied »

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