« Capitaine ou pas, C’EST INSUPPORTABLE »

Le médian de Genk ne veut pas qu’un cru d’exception soit suivi d’une bouteille sans saveur.

2011, année fantastique pour David Hubert : champion et vainqueur de la Supercoupe, tout ça avec le brassard de capitaine de Genk. Aussi ceci : ses deux premières apparitions avec les Diables Rouges et ses débuts en Ligue des Champions. Pour le beau gosse de bonne famille, ça roule. Puis, le crash ! Adducteurs et abdos en compote, une longue période de repos qui ne sert pas à grand-chose, finalement l’opération et une campagne 2011-2012 à oublier. Aujourd’hui, il revient lentement dans le parcours, en visant chaque semaine quelques minutes de temps de jeu supplémentaires. Pas facile de se refaire une place sous les spots dans une équipe qui tourne. Interview  » réponds-nous « …

Si je te dis que par rapport au statut que tu avais il y a un peu plus d’un an, tu ne repars pas de zéro mais tu recommences de très loin…

David Hubert : Tu as tout à fait raison. Et c’est difficile à avaler.

Tu n’aurais pas mieux fait d’arrêter dès que tu as ressenti les premières douleurs ?

Mes problèmes aux adducteurs ont commencé à la fin de la saison du titre. Mais l’été qui suivait était chaud avec les préliminaires de la Ligue des Champions, et aussi l’équipe nationale. Le gens de Genk avaient envie que je sois sur le terrain, moi aussi. C’étaient des matches à 15 millions d’euros ! Alors, on m’a donné des pilules et fait des piqûres. Il aurait fallu que j’arrête pendant deux mois.

Si je te dis que ça valait peut-être la peine de forcer pour participer à la fête de la Ligue des Champions…

J’ai joué deux matches, contre Valence et Leverkusen. Mais j’ai vite compris que pour être bon dans des rendez-vous pareils, il fallait être à 100 %. J’en étais loin. J’ai stoppé trois mois, je pensais que ça suffirait. J’ai rejoué un peu après la trêve mais ça n’allait toujours pas. On m’a opéré en mars. Ils ont pas mal charcuté, mais aujourd’hui, je n’ai plus aucune séquelle.

 » Le banc, c’est pas mon truc « 

Si je te dis qu’un capitaine qui reste pratiquement une saison sans jouer devient fou… Ça doit être insupportable de voir les copains disputer tous les gros matches ?

Capitaine ou pas, c’est insupportable, oui. Je faisais toujours partie du noyau, mais quand mes copains partaient s’entraîner dehors, moi je filais vers la salle d’exercice. J’aurais voulu continuer à assumer ma charge de capitaine quand l’équipe ne tournait pas, quand il y avait des problèmes. Mais quand tu n’es pas sur la pelouse, c’est difficile. Je ne pouvais plus prendre de décisions. C’était très douloureux par exemple en fin de phase classique, quand nous étions sur le point de ne pas nous qualifier pour les play-offs, lorsque Kevin De Bruyne a fait une sortie dans la presse pour critiquer des coéquipiers. Mon point fort comme capitaine, c’est remettre tout le monde en place sur le terrain, organiser, gérer une partie de l’aspect tactique. Là, j’étais impuissant.

Tes sensations quand tu rejoues enfin cette saison, quand tu montes pendant le match à Bruges ?

Super heureux parce que je peux de nouveau y aller à fond, sans craindre une rechute. Point de vue santé, tout va bien. Mais bon… (Il réfléchit). Je suis monté parce qu’il y avait un blessé et j’étais à nouveau sur le banc pour le match suivant. Puis encore lors de ceux qui ont suivi. Donc, évidemment, je ne peux pas être totalement content. Le banc, c’est pas mon truc. J’aime trop jouer. Je dois être le moins bon réserviste de l’histoire du foot… (Il rigole). Il ne faut pas m’approcher après un match si je suis resté scotché au dug-out : je suis alors insupportable.

Comment ça se passe avec Mario Been ?

(Il réfléchit). C’est délicat. Les résultats sont bons, donc il a raison. Pourquoi il changerait son équipe ? Mais ça ne peut pas durer éternellement. Je suis à Genk jusqu’à la fin du mois de décembre, ça c’est sûr. Pour la suite, on verra. Je suis fit, je suis encore capable d’être au top. Ce sera à Genk ou ailleurs.

 » Plus proche de Simons que de Fellaini, Witsel ou Defour « 

Tu étais Diable pendant l’été 2011. Si je te dis qu’avec la progression qu’on a vue entre-temps, ça va être difficile pour toi de reprendre une place dans le noyau…

Il y a une concurrence folle et j’en suis loin, c’est clair. Mais je ne dirai jamais que je n’ai pas ma place dans le groupe. Si je rejoue à mon niveau chaque semaine, avec un bon club belge ou étranger, tout est possible.

Pour le moment, il vaut mieux être attaquant de pointe ou back : il y a moins de concurrence à ces postes-là que dans l’entrejeu. Et quand on est médian défensif, c’est carrément l’abondance. Il y a Marouane Fellaini, Axel Witsel, Steven Defour,… Tu te sens plus proche duquel ?

C’est à Timmy Simons que je ressemble le plus. Pour le style de jeu, la mentalité, le sens du placement, de l’organisation, du coaching. Witsel et Fellaini jouent plus sur leur physique, Defour se retourne facilement et distribue le jeu. Je ne vais pas me comparer à eux puisqu’ils ne se comparent pas à moi… (Il rigole).

Si je te dis que Genk est l’équipe qui a le plus beau ratio qualité de jeu / spectacle / résultats…

On est bien d’accord. Depuis que je suis dans le noyau pro, Genk a son meilleur noyau. Je ne dis pas le meilleur onze mais le groupe le plus performant.

C’était bien aussi la saison du titre avec Frankie Vercauteren !

Oui mais nous avions joué surtout avec 12 ou 13 hommes. Vercauteren faisait peu de changements. Been ne modifie pas grand-chose non plus, mais dès qu’il y a un blessé ou un suspendu, tu vois la qualité qu’il y a sur le banc. Il y a 16 ou 17 titulaires potentiels, autant de gars qui peuvent être sur la pelouse sans faire baisser le niveau d’ensemble.

 » Aussi longtemps que nous avons le ballon… l’adversaire ne peut pas marquer « 

En avril, quand vous vous qualifiez de justesse pour les play-offs, quand Been joue sa tête sur un match, tu imagines que Genk pourra être aussi bon six mois plus tard ?

C’est Kevin De Bruyne qui nous a qualifiés en jouant des matches époustouflants, puis il a continué sur son élan alors qu’il avait signé à Chelsea. Quand il part, tout le monde croit que l’équipe va s’effondrer. La clé de notre réussite, ce sont les transferts de l’été. Un Julien Gorius n’est pas décisif comme il l’était à Malines. Parce qu’il est maintenant à Genk, parce qu’il a moins d’espaces, parce qu’il ne joue pas dans le même rôle, parce qu’il remplace Daniel Tözser alors qu’on s’attendait à ce qu’il prenne plutôt la place de Kevin De Bruyne et ait autant de libertés qu’à Malines. Quand on regarde les résumés à la télé, on le voit peu, à cause de son rôle dans l’ombre. Si on analyse les statistiques, on ne le trouve nulle part non plus. Mais il fait des matches terribles. C’est un des meilleurs transferts sur le marché belge. Kalidou Koulibaly fait un bien fou à la défense. Il y a maintenant deux titulaires possibles au back droit et au back gauche. Quand Christian Benteke part en début de saison, on a les mêmes craintes qu’après la vente de Kevin De Bruyne. Mais là aussi, on trouve un super remplaçant : Benjamin De Ceulaer a une entente parfaite avec Jelle Vossen. Le secret du bon championnat de Genk et du parcours en Europa League, c’est le réinvestissement dans cinq ou six joueurs de l’argent encaissé sur les ventes de Benteke et De Bruyne.

Tu as le même problème que Gorius : on te voit très peu dans les résumés. Alors qu’on voit systématiquement les gardiens, les défenseurs qui réussissent des beaux tackles ou qui se trouent, les attaquants qui mettent les ballons au fond et ceux qui les expédient à côté… Il n’y a pas un manque ?

Ce n’est pas un vrai problème. Je comprends qu’on nous montre peu : qui va rester devant sa télé jusqu’à minuit pour voir des médians défensifs ?… Milieu récupérateur, ce n’est pas le poste le plus sexy. Les gens réclament des occasions et des buts. Mais une équipe ne peut pas tenir la route si elle n’en a pas au moins un. Et qu’on te voie ou pas à la télé, ça ne jouera de toute façon aucun rôle dans ta carrière. Ce n’est pas en se basant sur des résumés qu’un grand club va te transférer. Et les entraîneurs, eux, ont l’£il. Ils voient si nous sommes bons ou mauvais, même quand nous touchons peu de ballons. Une ligne de course intelligente peut casser une action adverse. Vercauteren m’a dit plus d’une fois que nous étions là pour ramasser les déchets, pas pour être dans la lumière.

C’est le Genk qui pratique le plus beau football depuis que tu es ici ?

Oui. J’ai gagné la Coupe, la Supercoupe, le championnat, j’ai participé à la qualification pour la Ligue des Champions. Ma référence, c’est toujours la saison du titre. Nous avions un jeu très reconnaissable, tourné vers l’avant, très direct, nous cherchions Marvin Ogunjimi dans la profondeur. Aujourd’hui, c’est assez différent, plus basé sur la possession de balle. Une philosophie hollandaise : ça doit jouer au foot. Et une certitude : aussi longtemps que nous avons le ballon, l’adversaire ne peut pas marquer. C’est inattaquable !

 » Bruges et Anderlecht ont dépensé beaucoup, mais est-ce qu’ils ont bien acheté ? « 

Si on regarde les noms qu’il y a dans les noyaux d’Anderlecht et de Bruges, le classement actuel n’est pas tout à fait logique…

Je ne suis pas d’accord. Ils ont dépensé beaucoup d’argent, mais est-ce qu’ils ont vraiment acheté des joueurs de meilleure qualité ? Il ne faut pas oublier non plus que Genk a fait un tout gros transfert durant l’été : Jelle Vossen ! Sa prolongation, c’est le coup du mercato. Il a vu que ses copains s’en allaient dans des grands championnats mais il ne s’est pas emballé : il s’est dit qu’il avait encore des années pour avoir lui aussi son tout gros transfert.

Been a raison quand il dit que son groupe est plus mature que la saison dernière ?

Oui. Tous ceux qui étaient déjà ici ont une année de plus. Les transferts ont pas mal d’expérience. Je n’ai vu arriver que des gars avec la tête sur les épaules, des types intelligents. J’ai connu des périodes où des jeunes qui venaient à peine de pointer le bout du nez créaient facilement des problèmes. C’est fini : notre groupe sait ce qu’il veut et fait tout pour y arriver.

Si je te dis que le Genk actuel, avec De Bruyne et Benteke en plus, serait inarrêtable en Belgique…

Pas sûr parce que ce serait négliger l’apport de Steeven Joseph-Monrose et De Ceulaer. Si De Bruyne et Benteke étaient toujours là, on aurait simplement un autre Genk, qui jouerait autrement. Joseph-Monrose n’est pas De Bruyne, De Ceulaer n’a pas les mêmes caractéristiques que Benteke.

Quand tu as su qu’ils partaient, tu ne t’es pas dit que la saison pourrait être délicate ?

Je savais qu’on perdait de la qualité, mais il faut aussi reconnaître que notre jeu était fort basé sur De Bruyne. Sans doute trop. De Bruyne en méforme, ça voulait dire un Genk en petite forme. Il y avait une De Bruyne dépendance. Nous avons eu beaucoup de chance de l’avoir à ce niveau pendant les play-offs, mais si ça n’avait pas été le cas, je ne sais pas comment ça se serait terminé. Même chose pour Benteke : c’était facile d’avoir un grand devant, on savait à qui il fallait expédier les ballons. Aujourd’hui, la palette est plus large, il y a plus de joueurs qui ont un gros apport, plus de touches de balle.

Joseph-Monrose, Gorius et De Ceulaer connaissaient bien ce championnat : si je te dis que c’est une bonne leçon pour tous les clubs qui font venir des joueurs de n’importe où…

Depuis que je suis pro, quand je vois tous les transferts… Même à Genk… Il y a eu combien de réussites spectaculaires, en Belgique, parmi tous les gars venus de championnats inconnus ? Quand tu es dirigeant d’un club belge, tu sais que tu ne peux pas aller te servir en Premier League ou en Bundesliga. Il te reste les D2 de grands pays, ou alors les petits championnats, dans le bloc de l’Est et tout ça. Mais dépenser un million ou un million et demi pour un footballeur inconnu qui n’a fait ses preuves que là-bas, j’appelle ça du gaspillage de capital. Il y aura toujours des contre-exemples, mais ils sont rares. Genk l’a entre-temps compris en ciblant surtout des joueurs qui connaissent la Belgique. Et en mettant à fond l’accent sur la formation. Qui a rapporté énormément d’argent ces dernières années ? Des gars formés sur place : Koen Daerden quand il était parti à Bruges, Steven Defour, Sébastien Pocognoli, Thibaut Courtois, Marvin Ogunjimi, Kevin De Bruyne.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE/ KETELS

 » Milieu récupérateur, ce n’est pas le poste le plus sexy. « 

 » La prolongation de Vossen, c’est le coup de l’été. « 

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