Capitaine fracassé

A 25 ans, une quatrième blessure grave freine la progression du médian bruxellois. Cela ne l’empêche pas de faire le bilan du Racing.

Sa blessure à Lokeren s’est répercutée tel un écho. Elle a sonné le glas de ses ambitions personnelles et ravivé quelques mauvais souvenirs. Elle a aussi coïncidé avec la fin d’un rêve : l’obtention du titre de champion au nez et à la barbe du géant anderlechtois. En ouverture du funeste match face à Charleroi, le capitaine courageux, Thomas Chatelle, était apparu sur le grand écran géant du Fenixstadion. Son message se voulait rassurant et devait être source de motivation. Mais ce soir-là, toute l’équipe de Genk était convalescente.

Depuis lors, Chatelle a digéré ses déceptions et nous a reçu après son opération au genou droit dans son appartement de Woluwé.

Sa blessure

 » Le pronostic pour mon genou, c’est six mois de revalidation. Une grosse blessure ne vient jamais à un bon moment. Mais, là, j’arrivais au bout de ma meilleure saison. J’avais disputé toute une campagne sans blessure. Et puis, je ne savais pas de quoi mon avenir serait fait. Il me reste un an de contrat avec Genk et des discussions avaient commencé en vue d’un transfert. Maintenant, tout cela s’écroule. Ou plutôt se clarifie : d’office, je reste la saison prochaine à Genk. C’est frustrant également de voir que chaque fois, je suis freiné dans ma progression par une blessure. Dans de telles circonstances, je fais tout ce qui est possible pour revenir à 100 % et je remarque que cela m’apporte de la maturité « .

Joueur fragile ?

 » Je ne m’inquiète pas de l’image que j’ai. Marc Wilmots a été opéré de nombreuses fois et cela ne l’a pas empêché de faire une belle carrière. Même chose pour Emile Mpenza. Cette saison, on ne me parlait plus de mes blessures mais de mes prestations. Cependant, le constat est là : j’ai eu quatre grosses blessures en quatre ans. Mais si on les analyse bien, je pense que c’est davantage dû à la malchance qu’à mon gabarit. Ce sont des blessures qui auraient pu arriver à n’importe qui. C’est vrai que j’ai un jeu offensif, explosif et rapide, et donc plus risqué que d’autres jeux mais la dernière ne peut s’expliquer de la sorte. J’étais sans doute le joueur le plus frais de Genk. Je n’étais pas fatigué ni au bout du rouleau. Je ne me sens pas fragile. Je me donne toujours à 100 % et si je me sentais trop frêle, je ne réitérerais pas tant de bonnes prestations. Je me contiendrais davantage. Cette année, à part une contracture aux abdominaux qui m’a laissé sur le flanc trois semaines, je n’avais pas raté une seule rencontre !  »

Capitaine

 » Cela fait sept ans que je suis à Genk. Un respect mutuel s’était installé. Je me sens bien là-bas. C’était donc presque logique que je devienne capitaine même si le monde extérieur ne le voyait pas comme cela. Parce que je suis un francophone et que j’avais été blessé dans le passé, personne ne m’imaginait dans la peau d’un capitaine. Mais je me suis imposé comme tel. Pour cela, il fallait que je me fasse respecter sur le terrain grâce à de bonnes prestations. J’étais persuadé d’avoir les qualités pour porter le brassard mais j’ai été surpris que Hugo Broos s’en aperçoive et ose me le donner car en agissant de la sorte, il allait à l’encontre de l’opinion publique. Beaucoup de gens pensent qu’il faut pousser des gueulantes pour être un leader. Mais ce n’est pas que cela. Un leader montre la voie à sa façon. Il faut rester soi-même et avoir une ligne de conduite. Et à partir de là, les gens savent qu’on peut compter sur vous « .

Une saison aboutie…

 » Je vais avoir 26 ans et je commence à accumuler une certaine expérience. J’ai construit ma carrière palier par palier et malgré les contretemps, j’ai toujours progressé. Je suis arrivé à un niveau que je n’avais jamais atteint mais je pense également qu’il ne s’agit pas de mon sommet. Le brassard de capitaine m’a également aidé. J’ai besoin de responsabilités pour être le plus performant possible « .

… mais frustrante

 » On reste sur un sentiment de frustration mais quand on prend du recul, on peut se montrer satisfait. Personne ne voyait Genk terminer deuxième du championnat. On nous prédisait les pires difficultés ; l’entraîneur était critiqué par la presse. Mais on a montré qu’on pouvait viser plus haut. On a su gérer la pression pratiquement jusqu’au bout. Evidemment, il y a aussi un goût de trop peu car on a échoué près du but « .

Les raisons d’une métamorphose

 » Cette équipe s’est renouvelée à l’entre saison mais s’est très vite trouvée. Des choix très courageux et judicieux ont été posés. Il fallait oser lancer des jeunes comme Logan Bailly, Sébastien Pocognoli ou Faris Haroun. Les transferts furent des réussites. Ces joueurs se sont très vite intégrés. On a tout de suite formé un groupe et les résultats ont suivi. Même si la préparation avait été médiocre, on ne s’est pas excité et on a démarré le championnat sur les chapeaux de roues. On était lancé. On a un groupe fort. On parlait d’ailleurs toujours du collectif de Genk. Cependant, il n’y a pas de collectif fort s’il n’y a pas des individualités fortes sur le terrain. C’est un groupe jeune mais très mature, qui apprenait très vite des erreurs commises et qui s’adaptait facilement. On n’était pas destiné à jouer le titre mais une fois qu’on a avoué qu’on allait le viser, on a assumé cette pression. S’il faut résumer les ingrédients de notre succès, je parlerais de collectif, de cette envie de se battre jusqu’au bout, de notre insouciance et de notre façon de prendre l’adversaire à la gorge « .

L’atmosphère

 » On a écrit qu’il y avait des pommes pourries dans le noyau. Ce n’était pas vrai. Si certains joueurs ont été écartés, c’est parce qu’il fallait trouver un équilibre. L’ambiance n’a jamais été détestable. Même lors de la préparation. Même quand Jan Moons, Gert Claessens ou Orlando Engelaar faisaient partie du noyau. Il y avait un nouveau groupe qui devait se chercher et c’est normal que cela n’ait pas fonctionné durant les matches de préparation. Nous avons tous été touchés dans notre orgueil quand on a lu ces critiques. Certains nous prédisaient le pire championnat possible ; les piliers étaient partis et donc plus rien n’allait fonctionner ; il n’y avait pas de leaders dans le groupe. Selon le monde extérieur, cette équipe était morte. Cela nous a donné l’envie de réagir « .

La différence avec 2002

 » Depuis que je suis à Genk, je n’ai pas connu de meilleure équipe. En 2002, on avait peut-être décroché le titre mais l’équipe concurrente était cette saison plus coriace. Au niveau de l’efficacité, Anderlecht a réalisé une toute bonne saison. Je serais curieux de voir le nombre de points pris quand on avait été champion mais on ne devrait pas être loin des 72 actuels – NDLA : en 2001-2002, Genk avait été sacré avec 72 points. Et puis, à l’époque, on avait pris le temps de se reconstruire, avec des éléments expérimentés comme Josip Skoko, Wesley Sonck, Bernd Thijs et Jan Moons. On n’avait pas eu de blessés non plus !  »

Hugo Broos

 » Même dans les périodes difficiles, le groupe a montré qu’il était derrière lui. On lui a manifesté notre soutien en préparation et de là est née une confiance mutuelle. Hugo Broos a apporté au noyau de la sérénité et de l’expérience. Une fois que la machine était lancée, il n’a fait que des petites retouches. Il était là au bon moment. Il a su mettre chaque joueur à sa meilleure place et construire un système complémentaire. Son discours n’a pas changé d’une année à l’autre. Cependant, la saison dernière, personne n’était dans son assiette. Lui non plus. Chacun avait un sentiment de trop peu « .

Genk snobé par les Diables ?

 » Il y a eu des déceptions individuelles mais cela n’a jamais déstabilisé l’équipe. Je ne peux parler qu’en mon nom : je n’avais pas d’autre choix que de me plier à celui de l’entraîneur fédéral quand je n’étais pas repris. Et de continuer à travailler sur le terrain. La récompense est arrivée par la suite. Quant aux autres joueurs de Genk, ce n’est pas à moi de juger mais ils ont le niveau. C’est sûr. Sinon, on n’aurait pas joué la tête du championnat « .

Une jeune équipe belge

 » Genk dispose d’une des meilleures formations de jeunes en Belgique. Pocognoli, Bailly et Haroun sont tous jeunes et titulaires. C’est dû à la vision du club qui table sur le long terme et décide de donner la chance à ses propres produits. Il y a vraiment un travail exemplaire fourni par Ronny Van Geneugden dans la transition entre les jeunes et l’équipe Première. D’ailleurs, on peut aussi citer le nom de Jelle Vossen.

Je suis également impressionné par la façon dont ils gèrent la pression et les médias. Ils assument leurs erreurs, vont apprendre et tourner la page. J’ai été épaté que le public limbourgeois soutienne autant une équipe belge dans le sens le plus profond du terme. Il y a dans ce noyau deux Bruxellois, trois Wallons, quelques néerlandophones. Toute la Belgique est représentée ici « .

Le secteur défensif

 » L’entraîneur a dû souvent modifier l’axe de la défense suite à des blessures alors que les deux backs, Hans Cornelis et Poky sont restés toujours les mêmes. Ils ont presté une saison exceptionnelle en apportant beaucoup défensivement et offensivement. Les changements dans l’axe n’ont jamais déstabilisé l’équipe, grâce sans doute à un gardien comme Bailly qui rassure sa défense et parle énormément.

Pour son âge, il a un charisme énorme. Il prend ses responsabilités dans les airs. Il va peut-être y aller une fois de trop, mais je préfère un gardien qui va une fois de trop plutôt qu’une fois trop peu « .

La complémentarité des flancs

 » Plus le championnat avançait, plus j’étais complémentaire avec Cornelis. On se trouvait les yeux fermés et on pouvait aussi switcher sans problèmes. Quand je changeais de flanc avec Tom Soetaers, l’entente avec Pocognoli était tout aussi bonne « .

Les récupérateurs

 » Wim De Decker et Wouter Vrancken ont été très performants d’entrée. Cela a soulagé toute l’équipe car on a vu que l’on pouvait se reposer sur un entrejeu très solide. Ils ont une capacité de course énorme, sont travailleurs et savent apporter quelque chose sur le plan offensif grâce aux infiltrations de Vrancken. Et l’arrivée d’Haroun ne les a pas perturbés. Ils ont toujours continué à maintenir cet état d’esprit. L’équipe passait avant les prestations individuelles. De Decker a disputé les trois derniers mois avec une épaule en compote. S’il avait pensé à sa carrière ou à la prochaine Ligue des Champions, il se serait fait opérer bien avant.

Comme l’ossature était forte, les blessures n’ont pas modifié notre marche en avant. Chaque nouvel élément rentrait dans une équipe qui tournait. Finalement, la blessure d’ Ivan Bosnjak n’a eu qu’un seul impact : notre jeu penchait encore plus sur les ailes. On a appris que dans certains matches, comme à Mons ou Charleroi, il nous fallait encore davantage varier notre système « .

Un noyau insuffisant ?

 » Quand Bosnjak s’est blessé, Haroun a pris sa place. Quand ce dernier s’est blessé, Goran Ljubojevic l’a remplacé et l’équipe n’a pas faibli de leur présence. Gonzague Van Dooren a été décisif contre Mouscron. Alex Da Silva, Oleksandr Iakovenko sont jeunes et bourrés de talent. C’est un pari sur l’avenir. Jaja Coelho nous a apporté beaucoup même s’il aurait dû être davantage présent, au vu de ses capacités. Donc, on ne peut pas parler de noyau peu étoffé. Mais c’est vrai que par rapport à Anderlecht, on ne fait pas le poids « .

L’avenir

 » Genk sera plus fort la saison prochaine. On aura l’occasion de franchir un palier et d’acquérir de l’expérience en disputant la Coupe d’Europe. Il faudra se donner comme objectif de faire aussi bien que cette saison même si ce sera très difficile. On sera dans l’obligation de jouer les premiers rôles. Pour éviter d’avoir un creux, il faudra évidemment conserver le noyau. Mais le club a montré qu’il savait cibler son recrutement !  »

par stéphane vande velde

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