Capitaine catimini

Pourquoi le vrai leader de Malines quitte toujours le stade discrètement…

Son compatriote Zinédine Zidane est son modèle, même si Julien Gorius (25 ans) reconnaît que l’élégance seule ne permet pas de gagner :  » Il ne faut pas onze Zidane ni onze… Gattuso.  » Dans l’entrejeu de Malines, le Français étale régulièrement ses qualités, 20 ans après son affiliation au FC Metz, le club de sa ville natale.

Quel est votre premier souvenir en football ?

Julien Gorius : A partir de dix ans, j’ai accompagné Metz en tournois. Avec un peu de chance, je ratais un jour d’école. Nous parcourions la France en train et logions dans des familles. Une fois, nous avons participé au prestigieux tournoi de Cannes, où étaient invités les plus grands clubs. Une tante qui habitait là et elle est venue me voir jouer. J’ai été élu meilleur joueur et j’étais fier comme un paon.

Vous aviez déjà compris que vous possédiez du talent ?

Cela ne signifie pas grand-chose à cet âge : comment votre corps va-t-il évoluer ? J’ai été très bon de dix à 14 ans puis j’ai été confronté à des joueurs qui avaient subitement gagné en puissance. Je m’en tirais techniquement mais il a fallu un moment que tout se nivelle.

Etiez-vous déjà très indépendant ?

Oui, je vivais à l’internat. Quand j’avais 14 ans, on cherchait les meilleurs joueurs nés en 1985 dans l’Est de la France. On procédait par éliminations : nous étions 10.000 puis 5.000 et finalement 20. J’ai intégré le centre de préformation de Madine, à une heure de Metz, où nous étions entraînés par Yannick Stopyra, qui a participé à deux coupes du monde. Le rêve : le matin, école puis je m’entraînais chaque après-midi alors que mes coéquipiers de Metz n’avaient que trois séances hebdomadaires. J’ai progressé à pas de géant. L’accent était placé sur la technique : passes, contrôles, longs ballons… Deux d’entre nous sont devenus professionnels : Ludovic Guerriero, qui joue à Metz, et moi.

C’est peu !

10 %, comme dans la majorité des centres de formation. Plus tard, j’ai réalisé que mes parents avaient raison d’exiger que j’étudie bien.

Vous êtes retourné à Metz à 16 ans ?

Oui, à 19 ans, je m’entraînais avec l’équipe fanion et j’ai été sélectionné en -18 ans français mais j’étais souvent confronté à de petites blessures. Mon corps n’était pas encore prêt. Après quelques matches à Metz, j’ai rejoint Albert Cartier, qui avait entraîné l’équipe A avant que j’y sois et voulait m’enrôler au FC Brussels. Comme il suivait beaucoup les jeunes, il me connaissait.

Qu’avez-vous ressenti en quittant Metz ?

C’était un échec car je voulais y faire carrière mais je n’avais pas encore reçu ma chance. Metz a commis une erreur. Je ne lui aurais pas coûté cher, j’avais des qualités, une bonne mentalité et j’étais de la région, ce qui est important pour un club formateur.

Travailler avec Cartier était-il agréable ?

Oui. Il m’a soutenu tout en étant sévère à mon égard. Il voulait que je réussisse. Nous nous téléphonons encore quatre ou cinq fois par an. Je peux lui demander conseil. Quand le Brussels est descendu, j’ai eu plusieurs offres et quand je lui ai demandé son avis, il m’a conseillé deux clubs, dont Malines.

Où vous avez été confronté au difficile Peter Maes…

Il réagissait brutalement chaque fois que je commettais une erreur. Attendant beaucoup de moi, il estimait, au début, que je n’avais pas assez d’impact sur le jeu de Malines. Il avait raison mais moi, j’avais peur chaque fois que je recevais le ballon, me demandant ce qu’il allait encore crier. Certains jours, je n’avais pas envie de m’entraîner. Je lui ai finalement dit que ses méthodes pouvaient réussir auprès de certains mais pas avec moi. Nous avons fait des efforts de rapprochement et tout s’est bien déroulé. Si nous devions retravailler ensemble, ce serait avec plaisir car il est excellent entraîneur.

Quels progrès avez-vous réalisés grâce à lui ?

Je joue mieux sans ballon. Je m’arrange pour le recevoir entre l’entrejeu et la défense adverse, afin d’éliminer tout un pan de l’équipe.

 » Brys me convient mieux que Maes « 

Marc Brys ne crie pas, lui…

Il convient mieux à mon tempérament. Si j’étais entraîneur, j’aurais la même approche. Il est plus minutieux sur le plan tactique, montre plus de vidéos. Après chaque match, Brys réalise un montage et donne une clef USB à chaque titulaire, pour qu’il revoie ses actions, un montage de huit à dix minutes. Notre entraîneur s’investit sans compter et je suis heureux qu’il réussisse.

Brys a quand même la réputation d’être plus défensif que Maes !

Possible… Brys nous juge capables de bien défendre tout en effectuant une transition efficace et en jouant bien en contres. J’apprécie la philosophie de Maes comme celle de Brys mais il s’agit toujours d’avoir le meilleur rendement. Nous ne marquons pas beaucoup mais nous encaissons peu et ça suffit pour qu’on nous colle cette étiquette. José Mourinho l’a reçue aussi en Ligue des Champions la saison passée, ayant défendu pendant 90 minutes contre le Barça mais c’est lui qui a gagné. Et si Brys entraînait Barcelone, il alignerait plus d’un avant…

Depuis son arrivée, les règles ont changé.

Nous ne mangeons pas à côté de qui nous voulons et au vert, c’est aussi lui qui organise les chambrées. Passer un jour ou deux avec quelqu’un qu’on fréquente peu crée une affinité. Si j’avais le choix, je serais toujours avec Xavier Chen mais avant Eupen, j’ai partagé la chambre d’Anthony Van Loo. Jusque-là, nous nous contentions de nous saluer.

Après le départ de Joachim Mununga, vous attendiez-vous au brassard ?

J’étais déjà vice-capitaine. J’avais donc mes chances. Sur le chemin du stage, l’entraîneur m’a dit que je serais normalement capitaine et que c’était à moi de m’affirmer. Je suis discret mais j’essaie d’assumer plus de responsabilités et de devenir un leader, sur le terrain et à côté.

Sentez-vous une différence ?

Oui. Sans changer, mon caractère évolue. Il faut conserver sa personnalité. Il n’y a pas d’entraîneur ni de capitaine parfaits !

Vous restez vous-même : après le match, vous quittez le stade très discrètement…

J’apprécie le soutien des gens et je ne m’enfuis pas quand on m’adresse la parole mais je ne suis pas à l’aise en public. Ce ne sont que des matches de foot. Certains sont comme des poissons dans l’eau sur un podium, pas moi.

Vos premiers buts de la tête ont offert à Malines des victoires cruciales contre Courtrai et le Cercle. Vous êtes en bonne voie pour reconduire votre titre de meilleur buteur malinois, non ?

La saison dernière, j’ai marqué onze buts en championnat et trois en Coupe mais cette année, j’inscris des goals plus importants.

Contre le Cercle, Chen vous a délivré l’assist. Le but n’en était que plus beau ?

C’était avant tout une belle action collective dans le style de Brys : opérer la transition, monter rapidement, passer et marquer. Xavier signe encore une excellente saison. Il est prêt à franchir un cap supplémentaire mais, comme moi, il s’efface au profit du groupe, il ne se montre pas. C’est un handicap.

Est-ce pour cela que vous vous entendez bien ?

Nous sommes atypiques ! Pas plus que moi, il n’aime les fêtes et les galas. Je refuse beaucoup d’invitations. Ainsi, vous ne me verrez pas au Soulier d’Or. Je ne suis pas à l’aise parmi les gens qui aiment se pavaner. Si j’avais le bonheur d’être nominé, j’irais car j’aurais un motif d’y être mais pour me montrer ? Non. Je suis persuadé qu’un bon joueur peut être remarqué sans tout ce cirque. Je n’aime pas le milieu du foot, au fond. Il y a trop de prétention, de paillettes, de façade.

Vous n’avez pas obtenu un seul point au Soulier d’Or. Qu’en pensez-vous ?

Si un médian du Standard, d’Anderlecht, du Club Bruges ou de Genk jouait à tous les postes de l’entrejeu et marquait 14 buts en une saison, il aurait certainement un point. Mais ce n’est pas un problème.

Gençlerbirligi s’intéressait à Mununga mais aussi à vous. Aviez-vous envie d’y signer ?

Pourquoi pas ? Le projet des dirigeants avait belle allure, je pouvais gagner trois ou quatre fois plus qu’ici mais Malines ne voulait pas que je parte. Effectuer pareil transfert en cours de saison n’est pas évident non plus. Je me connais, je ne suis pas du genre à partir du jour au lendemain. Ce qui n’exclut pas que j’évolue un jour à l’étranger.

Quel grand club belge vous attire le plus ?

Tous ceux du top 5 mais j’apprécie le style de Genk. Comme Anderlecht, il développe un beau jeu, il est bien structuré. Mais Genk n’est pas obligé de gagner tous ses matches. Il est en pleine croissance et il me conviendrait bien.

PAR KRISTOF DE RYCK – PHOTOS: REPORTERS/HERCHAFT

 » J’apprécie le style de Genk. Un beau jeu comme Anderlecht, mais pas obligé de gagner tous ses matches. Il me conviendrait bien… « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire