Capable !

Le gardien croate a vécu dans l’ombre de Dany Verlinden mais est satisfait.

T omislav Butina :  » Un joueur sait toujours s’il sera sélectionné ou pas en fonction de détails. Quand ça m’arrivait, je n’étais ni surpris ni déçu : Dany Verlinden a été intouchable. Il était le capitaine, le joueur le plus âgé et il était aussi très fort. Capitaine, il l’était déjà à mon arrivée, l’été dernier, mais le Club m’a donné une autre image de la situation durant les négociations. Il m’a dit que Dany ne jouerait plus, qu’il deviendrait entraîneur des gardiens. J’ai vécu une situation semblable au Dinamo Zagreb. J’y étais dans l’ombre de Drazen Mladic, le meilleur gardien croate. Devenir numéro un au détriment d’une légende n’est pas facile. Si j’avais su que Dany souhaitait rester dans le but, je ne serais jamais venu au Club. Au début, je n’étais pas prêt à faire banquette. Pourtant, un an plus tard, je porte un regard satisfait sur cette saison. Mon bilan personnel est positif.

J’étais dans le but quand nous nous sommes qualifiés pour la Ligue des Champions et pour la finale de la Coupe. En matière de résultats, ma saison est bonne, même si j’aurais voulu jouer plus souvent. Après six mois, je me demandais ce que je faisais ici, je pensais avoir effectué un mauvais choix. Le soir, au lit, je ruminais. J’estimais n’être pas responsable des mauvaises prestations de l’équipe, je trouvais injuste d’en payer la note. Mais j’ai changé d’avis : à mon arrivée, ma forme n’était pas à son zénith. Quand je livrais un match banal, on me comparait à Dany Verlinden et on se demandait si le Club ne devrait pas enrôler un autre gardien en prévision de la saison prochaine.

A mes débuts, j’ai évidemment eu des problèmes d’adaptation mais nul ne les a remarqués à l’entraînement. Je ne me suis pas cloîtré chez moi, j’ai exécuté les séances de mon mieux. J’ai eu une discussion avec l’entraîneur mais son contenu reste entre nous. Je ne suis pas de ceux qui crient qu’ils veulent partir après un match. Quand on est sous contrat, mieux vaut peser ses mots. Cela ne m’a pas demandé d’efforts particuliers.

Si la direction et l’entraîneur avaient émis des doutes en public, je me serais tracassé mais ce qui compte, c’est ce qu’on voit, entend et ressent jour après jour dans le vestiaire. Or, je sens depuis longtemps que ceux avec lesquels je travaille me font confiance. A l’entraînement, mes coéquipiers et l’entraîneur me faisaient des compliments sincères.

L’entraîneur des gardiens Hans Galjé était pour moi l’homme le plus important du club. Parfois, parler est plus important qu’entraîner. Hans m’apprenait beaucoup sur le football belge, sur les qualités et défauts de tous les joueurs. Ce que j’ai montré dans le but de Bruges est le reflet du soutien reçu de mes coéquipiers et de Galjé. J’ai enfin retrouvé le niveau atteint en Croatie les années auparavant et j’en suis très satisfait. Tout le monde a vu ce dont je suis capable. Il faut penser en termes positifs. C’est le message que j’adresse aux gens.

D’ailleurs, pourquoi râlerais-je si je commets une erreur ? Tout le monde en fait. Quand je pousse la porte de mon domicile et que je vois le sourire de notre petite fille, si contente de me voir, j’oublie mes soucis. Pourquoi resterais-je de mauvaise humeur à cause d’une faute sur le terrain ?

Penser positivement n’est pas toujours facile pour un gardien. Un joueur de champ peut se satisfaire de dix minutes de jeu durant lesquelles il a réussi une belle action, marqué un but ou délivré un assist. Un gardien doit parfois attendre deux ans l’occasion de montrer ce dont il est capable. J’essaie d’être prêt quand on a besoin de moi mais je prépare surtout la saison prochaine. Je sais qu’elle sera bonne, meilleure que celle-ci. Maintenant, je connais le championnat belge et tous ses joueurs, pas seulement ceux du Standard et d’Anderlecht mais aussi ceux de Charleroi et de l’Antwerp. Je sais qui tire du gauche, du droit. Connaître tous ces éléments permet à un gardien d’accomplir beaucoup de progrès. « .

 » Dany faisait toujours les bons choix  »

 » C’est aussi pour ça que Verlinden était aussi fort. Outre le talent, l’expérience est le principal atout d’un gardien. Dany connaît tout le monde dans ce pays, il savait comment chacun tire, quand il devait rester immobile, face à qui il devait plonger… D’ailleurs, pour être titulaire à 40 ans dans une équipe qui évolue en Ligue des Champions, il faut être un grand gardien. Dany sera pour moi le meilleur des entraîneurs.

Oui, je reste à Bruges. Il y a quelques semaines, j’ai lâché que je m’en irai si Dany poursuivait sa carrière active mais ce ne sera pas le cas. En plus, je me suis rapidement senti chez moi au Club. Je ne me contente pas d’y exercer ma profession. Je vis ici, j’aime la ville et tous les aspects de la vie. Cette année, j’ai appris à m’identifier à cette équipe. J’ai un porte-clefs du Dinamo Zagreb car, quoi qu’il arrive, il reste mon club. Parce que j’y ai joué mais aussi parce que mon c£ur lui appartient. Toutefois, Bruges m’a conquis aussi. Je veux faire mon travail de mon mieux. Ce sentiment est mêlé d’émotion. Le Dinamo est mon premier amour, le Club le nouveau. C’est joli, non ?

En dehors du terrain aussi, je savoure tout. A la longue, je m’étonnais que tout le monde m’interviewe sur des choses qui n’avaient rien à voir avec le sport. Cela m’intéresse aussi, évidemment, mais mon sport occupe la première place, sans pour cela me mettre martel en tête comme dans les pays du sud. En Croatie, on exagère. C’est toujours le match de la dernière chance, c’est tout ou rien. C’est idiot car quel que soit le résultat, le lendemain, on s’entraîne et le week-end suivant il y a un autre match. Je préfère l’approche belge. Ici, ni l’entraîneur ni Marc Degryse ne nous met sous pression. Les gens sont calmes. La pression vient de nous-mêmes. Nous la ressentons à une demi-heure du coup d’envoi, en montant sur le terrain et en voyant ces 20.000 supporters. Jouer au Club est magnifique.

Jamais je ne me suis demandé si j’avais le niveau requis. J’ai 30 ans, je sais ce dont je suis capable. A Milan, Rivaldo n’a pas vraiment eu sa chance. Mais il n’est quand même pas un mauvais joueur parce qu’il n’a pas réussi là-bas ? Un gardien détermine 50 % du succès de son équipe, au moins. Si ses coéquipiers sont sûrs de sa valeur, ils se libèrent, ils peuvent attaquer et jouer dans le camp de l’adversaire, comme il se doit pour une équipe de l’envergure du Club ou d’Anderlecht. Si on n’a pas confiance en son gardien, on ne peut attaquer.

Ceux qui s’y connaissent en gardien et voient à l’£uvre StipePletikosa, le portier de la Croatie, remarquent que nous sommes différents. Je suis issu de l’école croate du nord, lui de celle du sud. Tous deux, nous sommes différents de ceux qu’on voit en Belgique. Il m’est difficile de l’expliquer à quelqu’un qui n’est pas gardien, car c’est une question de détails. Par exemple, venez à l’échauffement : au bout de cinq minutes, vous verrez la différence entre moi et un gardien belge. Celui-ci se couche bien sur sa ligne. Moi, j’effectue d’abord un pas en avant. Je joue presque toujours devant ma ligne. Avancer de dix ou quinze mètres ne me dérange absolument pas. Derrière un quatuor défensif en ligne, il faut toujours être prêt à intervenir et à s’avancer. Le reste est accessoire « .

Geert Foutré

 » Parler est PARFOIS PLUS IMPORTANT qu’entraîner  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire