Entre ses débuts pros au Racing Genk en 2001-2002 et aujourd’hui au Standard, il a mis 99 buts officiels. Marque-t-il assez depuis son retour chez nous en été 2013 ? Décryptage de ses stats et de son rapport avec la cage.

Gand – Standard juste avant Noël : 1-2. Un but d’IgordeCamargo. Son huitième depuis l’été. Déjà huit et une quasi-certitude : lui qui n’a jamais scoré plus de dix fois en championnat la même saison, il devrait améliorer son record. Mais finalement, une dizaine de goals par championnat pour un attaquant qui joue presque systématiquement en pointe, c’est bien ou pas ? Depuis son retour fracassant (notamment parce qu’il était coûteux) au Standard il y a un an et demi, il en est à 16 buts : c’est bien ou pas ? Analyse.

 » Avec tout le respect que j’ai pour Igor, il est notre meilleur buteur et ce n’est pas normal « . Signé Ivan Vukomanovic. Ce n’est pas un manque de respect mais une réalité due au profil du joueur. Et c’est confirmé par d’autres. Comme l’ancien Brugeois Bosko Balaban qui s’est récemment transformé en consultant d’un jour pour préfacer un match entre le Standard et le Club :

 » Le Standard a de très bons joueurs en attaque et j’ai toujours aimé Igor de Camargo pour sa propension à ne jamais rien lâcher. Mais vous ne pourrez jamais le considérer comme votre première arme au moment de percer les défenses adverses. Il est plutôt le partenaire idéal, celui qui vous fatiguera une défense avant de laisser de la place pour un véritable tueur.  »

Le mot  » tueur  » est lâché. Et repris par Michel Renquin :  » Igor de Camargo doit avoir quelqu’un à ses côtés pour apporter le danger, quelqu’un qui a un esprit de tueur.  » Au parloir, Marcos Camozzato, compatriote et ex-équipier au Standard du temps du premier passage d’Igor de Camargo :

 » Ce n’est pas à proprement parler un joueur des 16 mètres comme Aleksandar Mitrovic à Anderlecht. Il ne saurait pas rester pendant 90 minutes dans le rectangle adverse. C’est plutôt un deuxième attaquant, un gars qui bouge, travaille et joue pour les autres.  » Guy Luzon n’avait pas dit autre chose au départ de cette saison :

 » Il faut continuer le recrutement, il me faut encore un vrai buteur.  » Manu Ferrera, son ex-T2 :  » Igor de Camargo n’est pas à proprement parler un buteur, il ne mettra jamais 30 buts sur une saison.  » Dominique D’Onofrio, son ex-T1, descend la barre :  » Il n’en mettra jamais 25 la même année.  »

Quand on prend connaissance de tous ces témoignages très clairs, la perception change déjà. Finalement, les 16 goals plantés par ce joueur en une saison et demie, ce n’est pas si mal. Et c’est carrément un total plus que valable si on tient compte de tous les obstacles qu’Igor de Camargo a dû enjamber depuis qu’il est revenu de Bundesliga. Analyse, suite.

Circonstance atténuante I : peu d’occasions exploitables

En championnat cette saison, Igor de Camargo marque un but toutes les 189 minutes. Ce n’est pas folichon mais on doit relativiser si on prend en compte le nombre de vraies occasions de but dont il bénéficie. Il y a des matches où on l’a très peu vu, c’étaient généralement les matches dans lesquels on voyait très peu le Standard. Par contre, on a vu très peu de gros ratés devant le goal. Mitrovic met un but toutes les 168 minutes. Lui, s’il mettait au fond tous les bons ballons qu’on lui donne, il survolerait le classement des buteurs. On ne peut pas dire la même chose de l’attaquant du Standard.

Circonstance atténuante II : une saison gâchée par Batshuayi/Ezekiel

Fin décembre 2014, Igor de Camargo totalise déjà plus de 500 minutes de jeu en plus que sur toute la saison dernière. Il ne veut pas l’avouer parce que c’est un gars collectif et positif, mais le parcours qui a presque mené les Rouches au titre l’a fait souffrir dans la tête. Il était revenu en héros. Sclessin gardait de lui le souvenir d’un acteur majeur des titres avec MichelPreud’homme et LaszloBölöni.

A son retour, on avait pas mal évoqué son salaire et les attentes qui allaient avec. Au bout du compte, il n’a disputé que l’équivalent de 13 matches complets en championnat. Evidemment, la confiance en prend un coup, et en marquant cinq buts, il ne s’est finalement pas mal débrouillé.

Pendant ce parcours 2013-2014, il n’a jamais fait la mauvaise tête ( » Je ne vais pas foutre le bordel parce qu’on me met sur le banc. Je dois être intelligent : j’y gagnerais quoi ? Je ne vais pas faire le con.  » Il s’est juste contenté de signaler après la perte du titre que MichyBatshuayi, son rival parti entre-temps à Marseille, devait parfois être recadré.

 » Il est le meilleur… quand il veut… mais il ne veut pas toujours.  » Et encore ceci, sans citer de nom mais tout le monde a compris qu’il parlait du même Batshuayi :  » On a perdu des joueurs pendant l’été mais le collectif est plus fort que la saison passée, quand l’individualisme était flagrant.  »

Le départ de Batshuayi l’a libéré, celui d’ImohEzekiel aussi. Plus d’une fois, la saison passée, de Camargo a été surnommé  » la cinquième roue de la charrette  » dans la presse, il était la réserve des deux flèches noires. C’est complètement différent aujourd’hui : seul Laurent Ciman a plus de temps de jeu que lui en championnat.

Circonstance atténuante III : on veut le fourguer à Lokeren ou à Charlton

Pourtant, il n’était sûr de rien l’été dernier. Refroidie par sa saison mitigée, la direction ne croyait plus vraiment en lui. Un nom était prioritaire sur la liste du président : HamdiHarbaoui. Et pour que ce joueur devienne moins cher, Roland Duchâtelet a espéré refiler Igor de Camargo à Lokeren.

Ça n’a pas marché parce que le Brésilien a été catégorique :  » Je reste.  » Même topo quand le Standard a tenté de l’expédier à Charlton :  » Je ne pars pas.  » Mais pour la confiance, de nouveau, il y avait mieux que ces manoeuvres. Igor de Camargo a commencé la saison en n’étant pas certain que sa présence plaisait à tout le monde.

Circonstance atténuante IV : seul sur son île et/ou mal accompagné

 » Bölöni avait résolu le problème de la concurrence avec Milan Jovanovic et DieumerciMbokani, il m’avait fait reculer et découvrir les sensations d’une espèce de numéro 10, de gars qui peut surprendre en faisant mal depuis la deuxième ligne. D’ailleurs, c’étaient mes bons matches dans ce rôle-là qui m’avaient permis de séduire Mönchengladbach.  »

Igor de Camargo nous donnait ces explications en 2012 alors qu’il était en pleine bourre dans le championnat d’Allemagne. Durant la même période liégeoise, Jovanovic avait lancé que le Brésilien était  » le joueur le plus rapide du noyau du Standard, sans ballon « . Et BertrandCrasson pour résumer son apport :  » C’est le joueur le plus important de l’équipe, il en est l’âme avec Steven Defour.  » On ne va même pas rappeler le ramassis de stars qu’il y avait à l’époque dans le noyau.

Et donc, Igor de Camargo s’éclatait dans cette position plus en retrait, même s’il marquait forcément assez peu. L’entraîneur roumain avait trois attaquants purs, et lui, il était parvenu à les mettre ensemble dans l’équipe, ce que Luzon n’a jamais réussi. Aujourd’hui, le plaisir n’est plus au même niveau. Le temps de jeu est là mais on sent à l’occasion un certain ras-le-bol. Explication : il travaille énormément et doit avoir l’impression que c’est parfois complètement inutile.

Une phase résume le malaise : contre Malines, lors de la quatorzième journée, début novembre, il reprend de la tête un centre calibré de Paul-José Mpoku et il marque. Classique : il fait 1m87, et reprendre des centres du front, c’est son affaire. Le souci, c’est que les centres exploitables sont rarissimes. D’ailleurs, pour trouver trace de son but précédent marqué de la tête, il fallait remonter à décembre 2013.

Le plus souvent, les passes aériennes qu’il reçoit proviennent de l’entrejeu ou même de la défense. Il s’en est déjà plaint, comme après la défaite à domicile contre Bruges :  » Plusieurs fois, j’ai gagné un duel aérien pour rien. Sur ce genre de situation, il faut du monde autour de moi.  »

Quand il jouait la saison dernière, soit avec Ezekiel, soit avec Batshuayi, l’un des deux était souvent là pour exploiter ses remises de la tête et continuer l’action vers l’avant. Cette saison, il n’y a personne pour faire ce boulot, d’où l’impression qu’a Igor de Camargo de bosser pour rien.

Quatre attaquants ont débarqué pendant l’été (Jeff Louis, Tony Watt, Vinicius, Jonathan Viera) mais aucun n’a montré jusqu’ici qu’il convenait pour former un duo fort avec Igor de Camargo.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Igor de Camargo est notre meilleur buteur et ce n’est pas normal.  »

Ivan Vukomanovic

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