Caméra cachée

La belle gueule de Sclessin filme ses ambitions et détruit quelques ragots. Monologue.

Il fallait à tout prix couper cette voie de ravitaillement. On a finalement bouffé Genk qui n’a pas vu le jour après le repos. Je sais, si on avait joué comme ça toute la saison, le Standard serait bel et bien en lutte pour la Ligue des Champions. Au lieu de ça, c’est la galère car la quatrième place au classement général, cela n’a aucune signification particulière.

Je ne sais pas à quoi est dû notre long passage à vide. Tout s’est écroulé comme un vulgaire château de cartes. Une évidence saute aux yeux. Nous avons bien négocié nos matches face aux grandes équipes et raté le coche contre des adversaires à notre portée. Le Standard a récolté quatre points sur six contre Anderlecht et zéro face à la Louvière: cela résume notre problème. Est-ce dû à l’incapacité de poser le jeu, de prendre le commandement face à des formations qui se font un plaisir d’abandonner le centre du terrain? Peut-être mais je ne crois pas que ce soit suffisant comme explication. La tête n’a pas suivi. Mentalement, c’est là que s’est posé le problème de tout notre club. Je croyais au titre, même si j’ai eu des pépins cette saison. Avant le début de ce championnat, j’ai été sérieusement handicapé par une blessure à un orteil dont la face externe fut prise par le feu d’une inflammation tout à fait fulgurante ».

Frappé par la gangrène?

« Un matin, ce fut la cote d’alerte et les médécins ont même craint un phénomène de gangrène. Plus tard, on m’opéra d’une double hernie inguinale. Le Standard était alors dans le bon et ma référence ne fut autre que la Coupe d’Europe. Notre niveau de jeu n’était pas bien éloigné de celui de Bordeaux.

J’avais confiance et l’effondrement de nos valeurs en championnat m’a catastrophé. Je suis revenu dans le coup à Anderlecht. Le Standard n’est pas un club comme les autres et toute défaite ou succès prend une dimension hors du commun. Cela en fait son charme et son problème.

Lors du stage d’été, c’est vrai, je me suis farci une petite sortie avec trois de mes équipiers. On n’a pas demandé la permission d’aller gentiment boire un verre. J’ai payé pour cette erreur mais je continue à penser qu’un groupe ne doit pas se connaître que sur le terrain. Une sortie, cela solidifie les liens, cela rapproche les joueurs qui ne sont pas que de simples collègues de travail. Les belles équipes sont, le plus souvent, composées de vrais amis qui vont au feu les uns pour les autres

A Schalke 04, je venais à peine d’arriver quand nous avons pris l’avion pour Marbella où devait se tenir un camp d’entraînement. Je n’étais même pas installé dans ma chambre quand un équipier frappa à la porte: -Michaël, rendez-vous tout de suite à la réception, on sort boire un verre. C’était un ordre, une obligation. Certains étaient habillés, d’autres n’avaient pas encore quitté leur training: pas important, Schalke 04 était de sortie. Je n’en revenais pas et nous n’avons pas revu notre lit à 22 heures, je vous prie de le croire. Cette année-là, Schalke réalisa un bon championnat, fut quart de finaliste de la Coupe de l’UEFA. J’ai été étonné en découvrant que la presse était au courant de cette sortie sans importance. C’est un des problèmes du Standard: tout est étalé à l’extérieur ».

Trop inventé sur son compte

« Il y a peu, Luciano D’Onofrio a réuni tout le groupe pour lui dire ses quatre vérités. Son discours était excellent et j’ai eu droit à ma part de reproches. Je les ai acceptés et je ne me gênerai jamais pour dire que j’apprécie Luciano. C’est un deuxième père pour moi. Il a le droit de me dire ce qu’il pense. Je ne suis pas toujours d’accord mais il veut mon bien, je le sais. Il m’a souvent bien conseillé, m’aida dans mes transferts à l’étranger. Après ce bon et très intéressant échange avec le groupe, je suis rentré à la maison. Deux heures plus tard, un journaliste liégeois me téléphonait. Il savait tout: ce que D’Onofrio avait dit dans le vestiaire, les joueurs qui avaient eu droit à un peu plus de reproches que d’autres, tout… Je n’ai rien confirmé ou commenté car on aurait pu croire que j’étais le mouchard.

Or, on en a déjà trop raconté et surtout inventé sur mon compte. A la limite, quand cela tournait mal, j’ai eu l’impression d’être le coupable idéal. Je ne suis ni James Dean ni un nouveau Roger Claessen. Je suis un père tranquille. Or, j’ai déjà été au centre de films plus qu’imaginaires, de quoi gagner la Palme au Festival de Cannes ou un Oscar à Hollywood. Le vestiaire du Standard est un moulin et on y vole tout. On m’a piqué des vêtements, des parfums, une paire de chaussures de football. J’avais déjà noté que quelqu’un chipotait dans mon armoire durant les entraînements. Je garde ma clef mais quelqu’un possédait de toute évidence un double. Gênant car le vestiaire est un endroit sacré pour les joueurs. J’avais mes doutes qui ne concernent pas un équipier, évidemment.

Je gardais la caisse des joueurs: elle a disparu. On m’a soupçonné de l’avoir donnée au Hell Side. Je ne suis pas fou. C’est pas mon style même si je ne renierai jamais mon passé. J’ai grandi à Tilleur, j’ai été dans le kop et ce n’est pas parce que j’ai réussi en sport que je ne dois plus saluer mes amis de jeunesse. Ils n’ont jamais fait de mal à personne et leur fidélité au Standard est phénoménale ».

Qui a menacé Costantin?

« Quand Luciano D’Onofrio dit dans Sport-Foot Magazine que je ne jouerai plus jamais au football si le Hell Side affichait une seule banderole contre la direction, je me pose des questions. Il ne m’a jamais dit quoi que ce soit allant dans ce sens. Alphonse Costantin a reçu récemment des menaces de mort sur son GSM. Il m’a fait venir dans son bureau et m’a soupçonné d’être à la base de cette affaire. Des copains du Hell Side auraient goupillé tout ça selon lui. J’ai demandé à Costantin qu’il note les numéros de téléphone apparaissant sur son portable. Si je connaissais les auteurs, je serais intervenu tout de suite. Il n’y a pas eu de suite.

C’est grave et je me suis demandé s’il n’y avait pas une caméra cachée dans le bureau. J’ai cru que c’était une vaste blague. C’était trop fort, je n’en revenais pas.

A la longue, on finit par ne plus du tout en rire. C’est tragique et mes beaux-parents ont été très affectés par tous ces bobards finalement répandus dans la presse. Je les comprends et je ne veux être le dindon d’aucune farce. J’ai lu quelque part que les Wallons du Standard étaient plus difficiles à diriger que d’autres. Je ne pense pas. Ils s’expriment plus que les autres qui ne manient pas facilement le français. C’est pas une tare quand même. Non, il n’y a pas de clique d’une ou l’autre langue mais il est normal que les francophones, les flamands ou les slaves soient attirés par les gens qui parlent la même langue qu’eux.

Il y a eu l’affaire des kilos en trop, le départ de Didier Ernst, le staff médical qui fera ses bagages. C’est beaucoup, c’est perturbant mais je ne veux pas me mêler de tout cela. Je ne m’occupe que de football et je ne veux pas perdre de l’influx. Ma femme m’a dit de ne penser qu’à moi: elle a raison ».

Le vice-capitaine

« J’ai fait le grand vide dans ma tête. Si j’ai beaucoup parlé, tenté de comprendre les autres, c’est parce que je suis vice-capitaine de mon équipe. Il est plus facile de se taire. J’ai vu la direction qui m’a dit qu’elle attendait beaucoup de moi. C’était un compliment. Mais on m’a aussi précisé que je m’occupais trop des affaires des autres. Je croyais bien faire. Alors, désormais, je me centre sur moi, sur mon jeu, sur la qualité de ma production. Je ne demande pas mieux, c’est plus simple. Nous avons appris le changement de Michel Preud’homme la veille du choc contre le Racing Genk. C’est son choix et je le respecte. Le thème était à l’ordre du jour mais j’ai été étonné. On a quand même parcouru du chemin ensemble. J’aime bien le football que Preud’homme prône. Je suis un Liégeois et pour séduire le public de Sclessin, il faut mouiller son maillot. Je l’ai toujours fait et je me consacre d’abord à l’équipe. Je recule à droite, au centre, à gauche, je décroche ou je joue en pointe. Peu importe car il est d’abord important de jouer.

En début de saison, je formais le trio offensif avec Moreira et Lukunku. Nous tournions bien et cela me convenait mais je suis aussi heureux en 4-4-2 ou avec des ailiers qui reculent plus dans le jeu. Nous ne pouvons plus réécrire toute l’histoire de la saison. Il faut lutter avec fermeté pour obtenir ce qui peut encore nous revenir. Le nul forgé à Anderlecht peut être un déclic. Ce nul était mérité. Le Standard y a repris connaissance de son énorme potentiel. Genk n’a pas existé. Quand nous jouons de cette façon-là, personne ne peut nous résister.

Tout le monde s’est pâmé en parlant de Sonck, de Dagano, de Skoko, de la facilité linbourgeoise à la finition. On ne les a pas vus les artificiers de Genk. Or, ils ne sont pas venus en touristes. Un succès les aurait rapprochés pour de bon du titre. Il y aura encore de l’enjeu cette saison. Pour le groupe, pour chacun d’entre nous. Je nourris bien sûr l’ambition de prendre part à la Coupe du Monde. Après, il faudra viser le titre.

Quand on bat les prétendants au sacre national, il serait illogique de ne pas avoir l’ambition d’empocher la récompense suprême. Nous n’avons rien à envier à Anderlecht, Bruges et Genk. Quand cela tourne, notre jeu est plus moderne que le leur. Pour se dépasser sans cesse, il faut que la sérénité ne nous quitte pas de la première à la dernière journée. Quand le nouveau Standard aura remporté un titre, les autres suivront… ».

Pierre Bilic,

photo système3

« Je ne suis ni James Dean ni Roger Claessen »

« Notre jeu est plus moderne que celui de Bruges, Anderlecht et Genk »

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