L’espoir guinéen du Sporting doit tout au boxeur Béa Diallo.

Le premier verdict pour Sylla ne fut guère encourageant: physiquement, il n’était nulle part. A revoir. Six mois plus tard, ce défenseur de 21 ans passe pour un des meilleurs espoirs du club. Enzo Scifo croit beaucoup en lui. Il figure d’ailleurs le plus souvent dans l’équipe de départ.

Cette belle histoire trouve son origine dans le grand plan social de Béa Diallo, le boxeur d’origine guinéenne qui s’est installé en Belgique. Diallo se démène pour faire progresser la Guinée. « C’est un monument, une légende vivante au pays », signale Kanfory Sylla. « Il a des tonnes de projets ». Le puncheur aux mille casquettes a lancé, à Conakry, une société de transports urbains qui donne du travail à 250 personnes. Il rêve de construire un hôpital dans la capitale et vise, à terme, une plus grande autonomie du peuple guinéen. A côté de ces activités, Béa Diallo a aussi repris un grand club de foot: Hafia Conakry.

« Son manager m’a repéré à l’Etoile de Guinée, en D1 », explique Sylla. « Il est venu me trouver et m’a proposé de tenter ma chance en Europe, avec l’aide de Béa qui a payé mon billet d’avion je suis venu passer un test ici. Vu que Béa connaît bien Enzo Scifo, je suis logiquement venu à Charleroi. L’entraîneur m’a fait remarquer que mon niveau physique était très largement en dessous de la moyenne et m’a dit de me représenter un mois plus tard. Entre-temps, j’ai travaillé comme un fou. J’allais courir deux ou trois fois par jour dans les bois autour de Bruxelles. Quand je suis revenu à Charleroi pour ma deuxième chance, j’avais refait mon retard ».

Le cauchemar face à Sonck et Dagano

Kanfory Sylla n’a eu besoin que de quelques entraînements avec le noyau B pour convaincre définitivement Scifo. Dès le premier match de championnat, contre le Standard, il était sur le banc. Une semaine plus tard, il jouait un quart d’heure au RWDM. C’est à Mouscron qu’il a entamé pour la première fois une rencontre en D1 belge. Et depuis lors, il a rarement quitté l’équipe. Il n’avait signé que pour une saison à l’origine. Son contrat a vite été prolongé de quatre ans.

« Je suis le premier étonné car je n’imaginais pas que ma carrière évoluerait aussi vite. Il faut un brin de chance pour réussir dans ce métier, et ma chance à moi, ce fut la patience de Scifo. Beaucoup d’entraîneurs ne se seraient pas obstinés en constatant qu’un joueur en test ne tenait pas le choc physique. Lui, au lieu de me renvoyer en Afrique, m’a proposé de travailler mes lacunes ».

Enzo Scifo était autrefois l’idole de Kanfory Sylla et de beaucoup de Guinéens. « Quand je suis retourné dans mon pays, fin décembre, personne ne voulait croire que je travaillais tous les jours avec lui. J’ai dû le prouver. Après cela, des centaines de personnes m’ont demandé de leur faire parvenir des photos dédicacées… »

Kanfory Sylla a déjà été utilisé à toutes les sauces dans la défense de Charleroi: à gauche, à droite, dans l’axe. « Je suis droitier et je me plais logiquement mieux à droite. C’est à cette place que je jouais dans le championnat de Guinée. Là-bas, on me surnommait Cafú. Parce que je jouais au même poste que le Brésilien et parce qu’il y a une certaine ressemblance physique. Avec Charleroi, je pense m’être bien débrouillé partout où j’ai été utilisé. Il n’y a qu’un match dont je garde un très mauvais souvenir: contre Genk, je jouais dans l’axe et j’en ai vu de toutes les couleurs avec Sonck et Dagano. Je me trouvais rapide, mais après ce cauchemar, j’ai compris que je devrais encore pas mal travailler ma vitesse ».

« Si Youla a réussi, pourquoi pas moi? »

Originaire d’une région agricole à 250 km de Conakry, Kanfory Sylla a grandi dans un milieu modeste, à l’image de la société guinéenne. Son père imprimeur et sa mère ménagère avaient bien du mal à faire bouillir la marmite pour leurs cinq enfants.

« Mon père voulait que je suive sa voie, que je travaille aussi dans le domaine de l’imprimerie. Je n’étais pas très chaud. Moi, je rêvais de partir à la conquête de l’Europe, d’arriver un jour en France ou en Espagne. L’année dernière, j’ai commencé à me dire que ce n’était peut-être pas impossible, quand je voyais Souleymane Youla jouer en Ligue des Champions avec Anderlecht. Nous avions autrefois évolué ensemble en équipe nationale des Cadets. S’il était arrivé au plus haut niveau européen, pourquoi pas moi? »

Aujourd’hui, Kanfory fait partie de la petite colonie guinéenne de Belgique. Il côtoie régulièrement l’Anverois Ibrahima Yattara ainsi que les Lokerenois Abdoul Karim Sylla et Sambegou Bangoura. Quant à Béa Diallo, il l’a tous les jours au bout du fil…

Pierre Danvoye, ,

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