Café à la napolitaine

Frank Defays (27 ans): Quand j’ai connu Tiziana, j’avais une mauvaise image de Naples. Maintenant, si je n’y passe pas pendant les vacances, il me manque quelque chose. Nous sommes partis en République Dominicaine pour notre voyage de noces. Ensuite, nous voulions nous consacrer à l’aménagement de la maison mais nous sommes repartis à Naples. Tiziana a besoin de revoir sa famille. Ici, elle passe tous les jours chez sa mère. J’y suis accueilli avec chaleur, comme si j’étais un frère. La politesse et le respect que me témoignent les gens sont fabuleux. Je ne me lasse pas d’y aller car ils préparent toujours notre venue. Cet été, Delia était trop petite pour circuler mais il y a beaucoup de choses à voir; Capri, la côte Amalfitaine, les ruines de Pompei, d’Ercolanum…

Vous vivez simplement.

Nous avons acheté cette maison avant mon transfert à Charleroi et nous n’allons pas en changer. Nous y sommes heureux, nous restons proches de nos familles et de nos amis. Nous vivons comme avant, sauf que j’ai davantage de temps libre depuis que je suis professionnel.

Vous étiez magasinier-livreur chez Citroën Benelux. En quoi consistait votre travail?

Je devais assurer la dsitribution aux 13 agences de la région, préparer les commandes et faire les livraisons. Je me levais à 7h30 et je revenais de l’entraînement à 21 h. C’était parfois très lourd. Tiziana et moi nous voyions peu. Mon choix a été d’autant plus facile que j’ai obtenu une pause-carrière de cinq ans: je n’ai donc pas pris de risque. Sans regretter cet épisode de ma vie, j’apprécie donc la chance que j’ai maintenant de gagner ma vie avec mon hobby. Un joueur qui est pro à 18 ans ne peut pas comprendre. Comparez ce qu’un ouvrier gagne en huit heures et nous en nonante minutes, si nous l’emportons! Je sais de quoi je parle car mon père est ouvrier indépendant. S’il y a des gens à glorifier, c’est eux. Certes, nous travaillons, mais ce sont ces gens qui paient pour nous encourager. J’éprouve beaucoup de respect pour eux.

Vous jouissez d’une plus grande liberté?

Nous n’avons jamais été de grands sorteurs. Un cinéma de temps en temps, aussi banal cela soit-il. Tiziana apprécie le shopping, elle aime être bien habillée, mais elle ne dévalise pas les boutiques toutes les semaines! En fait, je ne suis pas du tout sportif, en-dehors du football. Tiziana et moi avons les mêmes goûts, les mêmes aspirations, même en décoration.

Vous aménagez vous-même votre maison?

De A à Z car il n’y avait même pas d’électricité quand nous l’avons achetée mais je devrais dresser une statue à mon père! Tout ce qu’il y avait, c’est une structure. Nous en avons pour un an ou deux encore. Après, nous continuerons peut-être sur notre lancée, ailleurs, mais je termine toujours ce que je commence. Tiziana est le chef. Elle choisit tout et je fais ce que je peux. Mais elle est un bon chef: elle est souvent contente (il rit). J’aime bricoler: peindre, tapisser… en fonction du calendrier des matches. Je cherche des spécialistes pour ce que mon père et moi ne pouvons faire. Pour le reste, il n’y a pas de chef chez nous.

Votre vie tourne autour de Delia?

Je dois aussi me reposer mais je savoure certains instants privilégiés, quand Tiziana cuisine, par exemple, et que je prends Delia dans mes bras. Je lui donne le biberon mais je laisse les langes et les panades à Tiziana! Quand la petite est couchée, nous regardons la télévision mais nous sommes rarement concentrés. Nous parlons de tout et de rien. Nous sommes très attachés à notre petit cocon familial, même si nous ne dédaignons pas les soirées entre amis.

Vous n’auriez pas préféré un garçon?

Curieusement, non. Quand j’étais adolescent, oui mais d’un coup, j’ai changé. Evidemment, nous serions heureux que le deuxième soit un garçon. Pour jouer au foot? Non! Certains parents sont ridicules. J’ai connu beaucoup de stars, entre 10 et 16 ans. Maintenant, ce sont ceux qu’on n’attendait pas qui ont réussi. Ce qui compte, indépendamment de la santé, c’est l’éducation. Il n’y a pas de mode d’emploi. Chacun a sa méthode. Nous nous inspirons de notre propre éducation. Il y a des valeurs essentielles, comme la famille.

Parlez-vous de football ensemble?

Non, ça ne m’intéresse pas. Il faut savoir vivre un peu. Si on pense au football 24 heures sur 24, on est saturé au moment de jouer. C’est mon métier, c’est tout. Je regarde seulement les matches des Diables ou les joutes européennes qui impliquent des Belges. Nous avons suivi Anderlecht-AS Roma parce qu’il y avait une certaine rivalité. J’ai taquiné Tiziana jusqu’au moment où je me suis dit que sa vengeance risquait d’être facile!

Tiziana Guarracino (26 ans): Je suis Napolitaine. Je suis arrivée en Belgique il y a dix ans. En juillet. En septembre, j’ai rencontré Frank. Ce fut le coup de foudre. Je sortais de la librairie de mes parents et il passait avec des amis. Il leur a dit: -C’est la femme de ma vie. Nous avons été fiancés pendant huit ans. Je suis restée chez mes parents jusqu’à notre mariage, conformément à notre tradition. Les années ont passé vite et je ne pensais même pas à cohabiter. Frank souhaitait aussi se marier.

Le mariage vous comble, apparemment…

Frank n’est pas macho. Il est affectueux, il met la main à la pâte et il n’a pas changé depuis qu’il est devenu professionnel. Parfois, je dois le freiner, car il dit trop souvent oui. Depuis la naissance de Delia, qui fête ses six mois en cette fin de septembre, tout tourne autour d’elle. Nous sommes papa et maman poule! Je regrette un peu de ne plus pouvoir assister aux matches de Frank mais Delia est encore trop petite. J’écoute les rencontres à la radio, avec ma mère, et parfois mon père, mais ce n’est pas la même chose. L’ambiance me manque. J’ai toujours adoré le foot. Avant j’étais supporter de Naples mais je n’ai plus d’yeux que pour mon mari. Ceci dit, ne me parlez pas de 4-4-2 ou de 3-5-2!

Vous aviez un rêve…

Je voulais devenir hôtesse de l’air. J’avais entamé mes études mais notre déménagement en Belgique, quand j’avais 17 ans, m’a causé des problèmes. Je rêvais d’effectuer de longs voyages, d’apprendre des langues.

Vous parlez parfaitement le français.

Merci! En fait, je l’ai appris en Italie et je rendais régulièrement visite à notre famille en Belgique.

Vous vouliez être hôtesse de l’air, mais vous ne prenez pas le volant!

(Elle rit) En effet! Ça n’entrave pas ma liberté car à Jambes, tout ce dont j’ai besoin est accessible à pied. Une amie habite tout près et peut me conduire. Sinon, je prends le bus. D’ailleurs Frank dit toujours: -Il y a de quoi avoir peur de conduire quand on vient de Naples. Là, les carrosseries trinquent! Parfois, quand deux véhicules se heurtent, les conducteurs s’adressent un simple signe de la main. Ils s’en fichent.

Vous avez travaillé?

A la librairie de mes parents, pendant sept ans. Je devais me lever très tôt mais j’appréciais le contact avec les clients. Toutefois, tant que c’est possible, je préfère ne pas travailler, pour m’occuper de l’éducation de Delia et… de ses frères et soeurs. Nous voudrions avoir un deuxième enfant, et peut-être un troisième. Les valeurs se perdent, mais nous estimons important que les enfants, quand ils rentrent de l’école, trouvent un repas sur la table.

Votre café est fait à la napolitaine?

En effet. Il y est encore plus serré que dans le reste de l’Italie et très mousseux. Là, il n’y a pas de percolateur, seulement de petites machines à espresso. On veille même à la qualité de l’eau. Dans les bars, on boit du café. Il garde son goût même quand il refroidit et on peut rester très longtemps à bavarder autour d’une tasse.

Delia apprend-elle l’italien?

Oui. Je lui parle en français et en italien mais ma mère s’exprime difficilement en français. Nous trouvons que l’apprentissage des deux langues est important, pour l’avenir comme pour ses racines. Ainsi, elle pourra communiquer avec ses cousins et cousines. Au début, Frank se demandait toujours ce qu’on racontait sur lui. Maintenant, il comprend l’italien.

Pascale Piérard

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