Cache-misère

Il y a toujours un avenir pour ceux qui pensent à l’avenir : est-ce que cela rassurera Sclessin au bout d’une saison de tous les contrastes ?

Dites-leur bien qu’ils seront nos invités à Liverpool « , insiste l’épouse de Milan Jovanovic.  » Ce sont de braves gens….  » Une grand-mère et son petit-fils ont les larmes aux yeux. Ils n’auraient jamais osé rêver d’un tel cadeau de la part de leur idole. La scène se déroule une bonne heure après le coup de sifflet final de Standard-Hambourg (1-3). Même si le parcours européen des Liégeois est peuplé de bons moments, la dernière sortie ne peut que laisser des regrets qui, maintenant, s’ajoutent à ce championnat bâclé sur presque toute la ligne.

 » Je n’ai absolument rien vu dans le chef du Standard face à Hambourg « , notait Fabrizio Ravanelli, présent à Sclessin en tant que consultant pour MediasetPremium, une chaîne du groupe SilvioBerlusconi.  » C’était mauvais en ce qui concerne les Liégeois et aucun de leurs joueurs ne m’a emballé.  » Pesé et bien emballé. Les Rouches ont misé sur leur brillante Europa League pour masquer un bilan désastreux en championnat. Le maquillage ne pouvait pas cacher plus longtemps des cicatrices sportives de plus en plus profondes dues principalement à la blessure de Steven Defour qui a décapité la ligne médiane, à la suspension d’ Axel Witsel, à l’incapacité de trouver une solution de remplacement pour Oguchi Onyewu, au manque de métier et de leadership dans l’effectif, à une jeunesse dépassée par la lourdeur du programme, à l’absence de renforts habitués aux grands rendez-vous, aux tensions dans le groupe, etc.

Le Standard ne veut pas changer son fusil d’épaule et ne prendra plus jamais le moindre risque financier qui puisse hypothéquer son avenir. Cela se comprend mais on ne trouve pas tout le temps des gars comme Dieumerci Mbokani ou Jovanovic sous le sabot d’un cheval. L’absence du champion en titre au c£ur des play-offs 1 constitue plus qu’une douleur : c’est un échec cuisant que la direction liégeoise devra analyser avec soin, si ce n’est déjà fait. Sans l’un ou l’autre miracle européen (dont la tête de Sinan Bolat contre AZ Alkmaar) et la fraîcheur du duo Dominique D’OnofrioJean-François de Sart, le constat aurait éclaté bien plus vite au grand jour. Il reste un filet d’espoir via les play-offs 2 mais cela fait un peu grandeur et décadence. Sans Europe au programme la saison prochaine, certains retomberaient de leur piédestal pour redevenir de simples figurants d’un championnat anonyme. Est-ce pour cela qu’ Igor de Camargo tenait tant à remettre les pendules à l’heure contre le Germinal Beerschot ?  » Nous avons prouvé aux incrédules que notre ambition était de remporter les play-offs 2 « , affirme le baroudeur brésilien. On constatera très vite si c’est un dernier mirage ou pas, un cache-misère ou une bouée de sauvetage…

Aucun club ne peut faire bombance toutes les saisons, certes, mais une deuxième campagne nationale aussi fantasque ferait mauvais genre. La direction du Standard a probablement déjà posé les premiers jalons d’une reprise en mains à plusieurs axes : des renforts, un effectif régénéré, le retour au bercail de l’un ou l’autre joueur prêté, la qualité du jeu, etc.

Arrivées et départs

Dominique D’Onofrio parle souvent d’envie : envie de gagner, envie de travailler, envie de se dépasser, etc. Si quelqu’un a bien compris ce message, c’est bien Christian Benteke (19 ans) qui a parfaitement réussi sa remise en questions à Courtrai. Il y a répondu aux critiques de Laszlo Bölöni :  » Le jour où il aura des crampes, je me déplacerai même en pleine nuit pour le masser.  » Piqué à vif, Benteke a réfléchi et réagi de la meilleure façon qui soit. Avec Georges Leekens, il a acquis ce temps de jeu qu’on lui prédisait assez limité au Standard alors qu’un prêt de Moussa Traore aurait été plus indiqué. Sa location aura été utile à tout le monde. Les Liégeois ont noté les progrès de cette belle plante qui affirme :  » Oui, je retournerai au Standard à la fin de la saison. J’ai envie d’y réussir car c’est le club de ma ville.  »

Benteke est sous contrat avec le Standard jusqu’en 2013. Tout indique qu’il sera une des nouvelles priorités des Rouches. Il ne l’a pas dit mais on lui a certainement offert des garanties. Elles concernent plus que probablement des départs qui lui offriront des espaces d’expression. Jovanovic a lié son sort à celui de Liverpool et, de toute façon, c’est plus en pointe que se situe sa zone de travail. Qui fera de la place pour lui ? Mbokani ou de Camargo ? Tous les deux sont sous contrat jusqu’en 2013. Mbokani a régulièrement exprimé le désir d’aller voir ce qui se passe ailleurs. Il avait été courtisé par Stuttgart en été. Ce club et d’autres cadors de la Bundesliga seraient prêts à mettre le paquet pour Mbokani. Everton a, lui, une enveloppe de huit millions d’euros pour le Congolais. Peut-on retenir un joueur hanté par la nécessité d’un transfert. Si c’était à refaire, Lucien D’Onofrio refuserait-il encore les cinq millions d’euros de Stuttgart pour Jova ?

Un Mbokani démobilisé ou déçu par un refus de transfert serait inutile. Son départ laisserait un grand vide mais semble plus envisageable que celui de de Camargo. Le Belgo-Brésilien réalise une bonne fin de saison et a un énorme impact dans le groupe. C’est un meneur d’hommes doté d’un gros charisme. Le départ de Jovanovic et de Mbokani devrait lui permettre d’endosser l’habit dont il rêve, celui d’attaquant de pointe. Avec son jeu de tête, il formerait un duo percutant avec cet amateur de la profondeur qu’est Benteke. Feyenoord, des clubs anglais et allemands (Borussia Mönchengladbach, où évolue son pote Dante, plus particulièrement) le suivent aussi.

Mehdi Carcela a, lui, prolongé son contrat jusqu’en 2015 et devrait s’installer pour un bout de temps à la place de Jova. Ses progrès sont constants et son influence sur le jeu est de plus en plus visible. A droite, le problème est plus vaste : personne ne s’y est imposé cette saison et la piste menant à Joeri Dequévy (Roulers) a été évoquée après celle de SherjillMac Donald (Germinal Beerschot). Que deviendront Wilfried Dalmat, Gregory Dufer ou Gicu Grosav ?

Steven Defour a ajouté deux ans à son contrat. Il sera Standardman jusqu’en 2015. C’est une preuve de confiance et un signe de stabilité. On n’oubliera pas de rappeler la venue de Sébastien Pocognoli et de Koen Daerden lors du dernier mercato d’hiver. Poco a rapidement réglé le souci du back gauche. Landry Mulemo (fin de contrat) quittera le club en fin de saison. Eliaquim Mangala s’impose de plus en plus à l’arrière central mais qui sera son poisson pilote : Momo Sarr, Victor Ramos ou un autre ? Sinan Bolat n’a pas apprécié certaines critiques de la presse. Mais il est indiscutable à sa place. Son secteur sera renforcé par la venue de Srdan Blazic, international monténégrin (libre de contrat en fin de saison) et qui évolue en D1 grecque, à Levadiakos.

Coaches et style de jeu

Dominique D’Onofrio et Jean-François de Sart se complètent. Le premier connaît le Standard comme sa poche. de Sart est bien entendu un expert dans le travail avec les jeunes sur lesquels le Standard s’appuiera de plus en plus. Il a signé un contrat jusqu’en fin de saison. Que se passera-t-il au-delà de ce délai ? DD restera-t-il aux commandes ou se retirera-t-il après avoir dépanné une fois de plus son club ? Redeviendra-t-il directeur technique ? Lucien D’Onofrio doit avoir sa petite idée, lui qui disait un jour :  » Tous les coaches sont des gars spéciaux. Mais c’est avec mon frère qu’il y a eu le moins de problèmes dans le vestiaire.  »

Dominique D’Onofrio a éteint quelques incendies tout en plaçant les joueurs face à leurs responsabilités. S’il prend du recul, de Sart entamera peut-être sa carrière de T1 après avoir étudié la situation durant six mois : excellente façon de se rôder pour 2010-2011 en bénéficiant des conseils de DD. Les rumeurs vont cependant déjà bon train. Michel Preud’homme a assisté à la rencontre Standard-Hambourg. Cela a suffi pour donner des idées aux échotiers. Et si MPH revenait à Sclessin ? Même si ce n’était pas évident tous les jours, Lucien D’Onofrio s’amusait bien avec ce dingue de football.

Ils avaient souvent les mêmes idées. De plus, ne dit-on pas que MPH n’aurait pas tout à fait trouvé ce qu’il cherchait à Gand ? On le paye royalement (un million d’euros par an ?) mais il n’y a pas que cela. Il tire seul à la charrette. Ce club sera-t-il jour à la hauteur de son idée du professionnalisme ? Poser la question, c’est un peu y répondre. Gand rêve d’un nouveau stade qui est toujours un mirage même si on a posé la première pierre. MPH sait mieux que personne qu’on n’arrive à rien sans un outil moderne. A Gand, l’équipement laisse à désirer alors que les installations du Standard sont parfaites. Est-ce que cela pourrait faire réfléchir MPH qui n’a pas encore paraphé l’amélioration de contrat proposée par les Buffalos ? Preud’homme aurait été refroidi par l’attitude du public gantois quand le moteur de son équipe toussa un peu. En kidnappant MPH, Lucien D’Onofrio réduirait aussi à néant les efforts d’un adversaire direct et d’un président, Ivan De Witte, qu’il ne porterait pas dans son c£ur.

Eric Gerets, comme d’habitude (il sera le prochain sélectionneur du Maroc pour la CAN 2012 et le Mondial 2014 et Laszlo Bölöni pourrait le remplacer à Al Hilal en Arabie Saoudite) ainsi que Luka Peruzovic et Georges Leekens (approché par le Germinal Beerschot) peuplent les rumeurs. Il y a des années déjà que Leekens rêve de coacher le Standard.

Le jeu liégeois a changé depuis le départ de Bölöni. Sans Defour, les Liégeois éprouvent du mal à poser leur football. Ils en sont revenus à un style très vertical avec, comme ce fut le cas contre Hambourg, à un survol systématique de la ligne médiane qui n’avait pas le temps de remonter le terrain pour le deuxième ballon. Le coach d’Hambourg avait compris que les arrières du Standard étaient imprécis à la relance. Ses attaquants leur ont imposé une pression infernale qui a eu pour conséquence d’écarteler les lignes du Standard tandis que David Jarolim et Ze Roberto jouaient dans un fauteuil. Le Standard fut inexistant à la construction. Genk, Charleroi et le Germinal Beerschot ne présentent évidemment aucune commune mesure avec Hambourg. Décevant en première mi-temps contre le Germinal Beerschot, le Standard a progressivement retrouvé un niveau de jeu intéressant après la pause. Malgré sa bonne campagne européenne, le Standard doit gagner les play-offs 2 pour éviter un nouvel affront national : c’est le minimum syndical. L’avenir passera par là, par un combat jusqu’au dernier souffle et un jeu varié. Les playbacks, ça ne séduit pas…

PAR PIERRE BILIC

« Et si MPH revenait à Sclessin ? »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire