Ca se passe près de chez lui

L’équipe Lotto-Domo misera sur le citoyen de Chaudfontaine sur les routes de Liège-Bastogne-Liège.

L’année 2001 a été celle de l’éclosion pour Rik Verbrugghe, qui a gagné la Flèche Wallonne, le prologue du Tour d’Italie et une étape du Tour. Il a reçu le Vélo d’Or et le Vélo de Cristal, attribués au meilleur cycliste belge.

La saison dernière, une maladie a perturbé son printemps puis il s’est fracturé la clavicule durant la première semaine du Tour. Cette année, la préparation de ses classiques ne s’est pas déroulée sans anicroches. Une blessure au tendon d’Achille l’a contraint à abandonner au Tour du Pays Basque: « Je supporte la douleur. Je ne sais pas à quel niveau je suis vraiment mais je suis confiant ».

Le Critérium International de la Route était votre premier objectif. Que s’est-il passé?

Rik Verbrugghe : Le samedi et le dimanche matin, j’étais bien mais dans le contre-la-montre, il ne m’a pas fallu 100 mètres pour comprendre que ce n’était pas mon jour, malgré un excellent hiver. Peut-être aurais-je dû prendre part à Paris-Nice au lieu de Tirreno-Adriatico, pour avoir un contre-la-montre dans les jambes.

Avant Tirreno-Adriatico, vous avez affirmé vouloir gagner le plus vite possible, pour retrouver votre sérénité.

J’étais bien physiquement mais mentalement, il me faut un déclic. Je n’ai pas besoin d’une victoire pour ça: me mesurer avec succès aux autres suffit. J’ai connu un moment de ce genre au Pays Basque, avant ma blessure.

A Liège-Bastogne-Liège, Lotto-Domo mise sur le duo Verbrugghe-Merckx et sur Van Petegem qui veut prendre des points pour la Coupe du Monde. Est-ce un avantage?

Les autres coureurs vont tenir Van Petegem à l’oeil. Axel Merckx et moi-même pouvons peut-être en profiter, bien que dans une course aussi dure, on ne sache jamais.

Le duo Verbrugghe-Merckx est prometteur mais est-il aussi fort que le duo Verbrugghe-Aerts ?

Remplacer Mario Aerts n’est pas facile. Nous nous entendions très bien. Axel a la même mentalité que nous. Il s’est démené pour moi au Critérium International alors que je n’étais pas en forme. Quand nous nous savons moins forts qu’un coéquipier, nous travaillons pour lui. J’aimerais gagner à Liège, ma région, mais si je ne m’en sens pas capable, je me mettrai au service de l’équipe.

Après, vous vous concentrerez sur le Giro. Vous ambitionnez le podium.

J’y crois. L’année dernière, j’ai terminé neuvième alors que j’ai roulé une semaine avec une douleur au genou. J’ai 28 ans. Je vis mes plus belles années. J’ai plus d’endurance. Alors qu’avant, je craquais au dixième démarrage en côte, ça m’arrive au onzième. éa peut faire le différence en course. Certains me trouveront peut-être prétentieux mais si je me sens bien, je le dis. S’il apparaît que je me suis trompé, je l’admettrai. Si on prend le départ sans assurance, on n’arrive à rien. Cap sur le Giro

Lotto-Domo mise sur les étapes avec McEwen et sur le classement avec vous. Est-ce possible?

Il y a une grande différence entre rouler pour le classement et défendre le maillot de leader. Un chef de file a besoin de toute une équipe. Si on roule seulement pour le classement, il faut suivre et on n’a besoin que de quelques coéquipiers.

McEwen va avoir besoin de monde dans les étapes plates. Ne craignez-vous pas d’être trop esseulé en côte?

Axel Merckx et Serge Baguet ne prennent pas part au Giro. Nous n’avons pas d’autres coureurs capables de donner un coup de main en montagne. C’est dommage mais on ne peut former une équipe avec autant de spécialistes des classiques à la Van Petegem, un sprinter comme McEwen, qui ont besoin d’équipiers, et en plus avec un coureur d’épreuves par étapes qui a besoin de grimpeurs.

Il y a deux ans, vous avez eu la possibilité de rejoindre Once où vous auriez reçu cette aide. Pas de regrets?

Non, car ces coureurs étaient sans doute plus forts que moi. J’aurais travaillé comme équipier de luxe alors que Lotto-Domo me permet de tenter ma chance. Je peux comprendre la décision de Mario Aerts mais à mon âge, je dois progresser en prenant la tête dans certaines courses.

Vous placez le Giro au-dessus du Tour, la course la plus importante de l’année. Pourquoi?

Je ne figurerai jamais parmi les cinq premiers du classement général alors que l’élite absolue du Tour ne prend pas le départ en Italie. En plus, le Giro a lieu durant ma meilleure période. On ne peut évidemment entamer une épreuve comme le Tour sans ambition. Après dix jours, je me fixerai un objectif: le classement, en espérant viser le top-dix, ou une victoire d’étape.

En octobre, il y a le Mondial d’Hamilton, au Canada. L’année dernière, vous avez déclaré: « Ce que j’en ai appris me fait rêver ».

Voyons d’abord ce que je ferai au Giro et au Tour. Peut-être aurai-je besoin de repos, même si je pense au Mondial. Mais on le dispute trop tard dans la saison. Idéalement, il devrait avoir lieu fin août, comme avant. A ce moment, tout le monde est en forme, les spécialistes des tours comme des classiques. La course serait plus belle.

La saison passée, vous n’avez pu continuer sur la lancée de 2001. Après les classiques wallonnes, la presse vous a critiqué. Comment l’avez-vous vécu?

Je n’ai pas lu les journaux. On m’a critiqué car je clame mes ambitions haut et fort. Je savais pourquoi je n’étais pas bien: j’avais été malade à Tirreno-Adriatico. Dix jours après Liège-Bastogne-Liège, j’ai retrouvé ma forme et gagné le prologue du Tour de Romandie.

Le prologue du Tour de Romandie, c’était bien beau, mais les Belges vous attendaient aussi au prologue du Tour. Que s’est-il passé?

Ma condition était bonne au Championnat de Belgique mais j’ai été malade au Tour de Catalogne. Je manquais de rythme et d’explosivité. C’est pour ça que je participerai au Tour de Suisse cette fois.

Pour le prologue?

éa reste quelque chose de spécial, surtout quand il s’agit du Tour. Le stress croît. Pendant l’échauffement, il y a tellement de monde qu’il est impossible de bien se préparer puis il faut prendre place cinq minutes avant le départ. éa rend les coureurs nerveux.

En 2001, vous avez gagné le prologue du Giro, vous avez terminé deuxième de Dominguez l’année dernière. Quel est votre secret?

L’explosivité est un atout majeur. Il faut aller à fond pendant un bref laps de temps tout en dosant ses efforts car on ne peut sprinter pendant neuf kilomètres. Quelqu’un qui est capable d’escalader rapidement une côte doit en principe pouvoir rouler un bon prologue.

L’année 2001 vous a-t-elle changé?

Pas humainement, surtout mentalement. J’ai compris que je pouvais gagner des courses. Par exemple, quand nous sommes à quatre dans le final, je ne pense plus: me voilà parmi les quatre premiers. Je veux gagner, maintenant.

Quelle fut votre plus belle victoire?

Il est difficile de comparer ces victoires car je les ai acquises dans de belles courses. Evidemment, remporter la Flèche Wallonne devant votre propre public, ça fait quelque chose.Rivalité avec Quick-Step

La plus sensationnelle a été cette étape du Tour, quand vous sembliez plus gêné par vos lunettes de soleil que par votre compagnon d’échappée, Marco Pinotti. Quand vous revoyez les images, ne pensez-vous pas: j’aurais pu perdre?

Des bêtises peuvent toujours vous faire perdre mais j’avais le temps de chipoter à mes lunettes car Pinotti est un vrai fer à repasser. J’avais peur qu’elles ne tombent au sprint. Je n’ai pas agi ainsi pour faire plaisir au sponsor. J’avais de la marge. J’aurais même pu fermer mon maillot. Les sponsors auraient été encore plus contents (il éclate de rire).

Si vous deviez choisir une victoire, cette année?

Liège-Bastogne-Liège. Puis le prologue du Tour à Liège, l’année prochaine.

Autre thème: Lotto-Domo a connu un début de saison difficile, avec des problèmes financiers et d’organisation. En avez-vous souffert?

Je me suis posé des questions, mais ça ne m’a pas donné de migraine. Toute l’équipe a évidemment été soulagée de voir les choses rentrer en ordre.

A cause de la fusion avec Domo, Jef Braeckevelt et Walter Planckaert sont partis. Comment l’avez-vous vécu?

Je l’ai regretté pour eux mais Marc Sergeant et Hendrik Redant, qui les remplacent, font bien leur boulot. Depuis leur arrivée, l’équipe est devenue plus professionnelle. Après une classique, nous passons au massage, nous avons un superbe bus flambant neuf, toutes sortes de choses qui nous permettent de travailler dans des conditions optimales.

Claude Criquielion reste votre homme de confiance?

Claude Criquielion était un coureur du même type que moi. Il m’a beaucoup appris et il continue. Par exemple, comment je dois me préparer aux classiques wallonnes. J’aurais aimé courir le Tour des Flandres mais Claudy m’a persuadé d’attendre un an et de commencer par le Circuit Het Volk, pour découvrir les courses flamandes. Il a aussi souligné la lourdeur de la combinaison Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Lège et Tour du Pays Basque. Au début, travailler avec mon idole, Criquielion, me faisait une drôle d’impression.

Au début de la saison, la presse a mis en évidence le duel entre Lotto-Domo et Quick Step-Davitamon. Qu’en pensez-vous?

Franchement, je n’ai pas compris à quoi les journaux passaient leur temps quand ils ont écrit 1-0 pour Quick Step, puis 2-0. On porte Quick Step aux nues et on affirme que Lotto-Domo n’a que des perdants. Le revirement a été aussi étrange, quand nous avons remporté deux des plus belles classiques printanières avec Van Petegem. Curieusement, on n’a plus eu recours à un marquoir.

Cette rivalité, accrue par le fait que Quick Step a signé un excellent début alors que Lotto-Domo a raté les premiers rendez-vous, n’a-t-elle pas accru la pression?

Les sponsors sont devenus nerveux. A la longue, les directeurs sportifs et les coureurs ont commencé à douter mais ce n’était pas dramatique: nous savions que tout pouvait vite changer. Après deux mois de critiques, les victoires de Van Petegem nous ont soulagés.

Et vous ont délivré de la pression?

Certainement. Les victoires de Peter ont rendu confiance à l’équipe. Si l’un de nous gagne maintenant Liège-Batogne-Liège, ce sera un pur bonus. Si je termine troisième, c’est bien. Mais si nous n’avions encore rien gagné, cette troisième place serait considérée comme une défaite.

Dernière question. Vous vous entraînez régulièrement avec un ami, Patrice Hemroulle, qui travaille à la Province de Liège. C’est un peu étrange pour un professionnel, non?

Ne pas devoir abattre tous ces kilomètres seul est toujours un avantage. En plus, il a le sens de l’orientation. Ainsi, nous avons effectué ensemble la reconnaissance du parcours de l’Amstel Gold Race. A l’entraînement, je ne roule pas aussi vite qu’en course. Parfois, il est pourtant tellement rapide que je me dis: ça devient dur.

Roel Van den Broeck

« Claude Criquielion m’a beaucoup appris »

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