Ça doit marcher

L’entraîneur de Mons et sa philosophie du foot : simplicité, offensive… et jeu dur s’il le faut.

« I k eet niet vandaag « , lance Thierry Pister (43 ans) à son adjoint Rudy Cossey. La langue véhiculaire est le néerlandais dans le vestiaire de Mons. Aujourd’hui, le T1 n’accompagnera pas son T2 à la cantine du stade. Pendant que le coach de l’été, Philippe Saint-Jean, soigne ses problèmes de dos, son successeur prend soin de sa ligne :  » Je dois faire un peu attention « . Il est passé à un régime eau/fruits/légumes. Bilan après 3 jours : – 3 kg !

Vous avez souvent eu un lien fort avec vos entraîneurs : vous avez vite senti que vous étiez fait pour ce métier ?

Thierry Pister : Très vite, oui. Je n’étais pas un joueur facile, j’étais un gueulard sur le terrain et dans le vestiaire, mais il ne fallait pas m’expliquer 10 fois la même chose. Quand je jouais à Beveren, le coach a sauté en pleine saison et la direction m’a confié l’équipe : je n’avais que 31 ans.

Quel entraîneur vous a le plus marqué ?

Georg Kessler au Standard. Quand il entrait dans le vestiaire, tout le monde se taisait. C’était le plus fort point de vue motivation et discipline. Au niveau tactique, le champion, c’était Arie Haan. Il déplaçait un joueur de 10 mètres et tout le match changeait. Walter Meeuws, à Gand, m’a aussi laissé de très bons souvenirs. Et j’ai connu Stany Gzil à Beveren, celui qui mettait 12 joueurs sur le tableau et parlait un mélange incompréhensible de polonais, allemand, anglais et néerlandais.

 » On ne s’entraîne pas pour casser « 

Vous avez chuté en D2 quand vous entraîniez Beveren et on ne vous a pas conservé.

Beveren n’avait pas basculé : nous nous étions finalement sauvés grâce aux faillites d’Alost et du RWDM. Mais je devais de toute façon m’en aller parce que Jean-Marc Guillou ne m’aimait pas. Il me l’avait d’ailleurs dit en face. Il critiquait tout ce que je faisais, il venait me prendre des Ivoiriens en plein entraînement pour les emmener en balade, etc. Il perturbait constamment le noyau.

La nouvelle marque de fabrique de Mons, ce sont les transferts venant de D2 : vous y croyez ?

Je connais bien la D2 mais ce n’est pas moi qui ai conseillé ces joueurs à Mons, puisqu’ils avaient déjà presque tous signé avant mon arrivée. Dès le début, j’ai dit que Ludovic Buysens, Steven De Pauw et Kevin Oris étaient de bons deuxièmes choix.

Deuxièmes choix ?

Oui. Oris, c’est bien si Momo Dahmane s’en va. De Pauw peut rendre des services au back droit si Kevin Hatchi et Frédéric Jay sont indisponibles. Et Buysens, j’ai été obligé de le lancer parce que je ne pouvais compter ni sur Ivica Dzidic, ni Fadel Brahami, ni Jay, ni Hatchi.

Si je vous dis que Mons pratique trop dur, ça vous dérange ? Sur les 4 premières journées, vous avez tourné à une moyenne de 20 fautes par match.

Pfffttt… Un jeu dur ? Je ne pense pas. Nous avons affronté quatre adversaires difficiles : Gand, Genk, le Cercle et Anderlecht. A part contre Genk, nous n’avons jamais fait le jeu. L’équipe d’en face avait constamment le ballon. Dans ces cas-là, on court énormément puis on finit par râler parce qu’on n’attrape pas la balle et on fait une faute, qui peut être méchante à cause de cette frustration. Mais nous ne nous entraînons pas pour casser, hein ! Dès que nous parviendrons à pratiquer le jeu offensif que j’ai en tête, il y aura moins de fautes.

26 fautes rien que dans le match contre Anderlecht, c’est énorme !

Plein de petites fautes et l’arbitre qui ne savait faire qu’une chose : siffler, siffler, siffler. Il ne sentait pas du tout le match. Tu as regardé Marseille-Liverpool ? Là-bas aussi, il y avait beaucoup de fautes mais au moins un arbitre qui laissait jouer. Et on a vu un match de foot.

C’est en faisant plein de fautes que Mons s’est sauvé avec Albert Cartier.

Si tu n’as pas assez de qualités et si tu es intelligent, c’est comme ça que tu dois jouer.

Tous les entraîneurs de D1 ont signé une charte du beau football avant le début de saison : les effets ne sont pas frappants !

C’est n’importe quoi. Tu ne peux jamais promettre que tu vas montrer du beau jeu. Si tu es dominé, tu n’as plus qu’une chose à faire : défendre. Et si tu ne le fais pas, tu joues portes ouvertes et tu te prends un 5-0 comme Mons à Gand. La charte… On veut tous gagner mais chaque match a son histoire et il faut réagir en fonction des événements.

Vous ne l’auriez pas signée si vous aviez été entraîneur principal avant le championnat ?

Si, j’aurais signé, puisque tout le monde l’a fait…

Coéquipier de Djorkaeff, Lizarazu, Petit et Desailly

Votre réputation d’équipe dure risque de vous pénaliser auprès des arbitres. Et il y a aussi des déclarations incendiaires, comme celles de Dahmane à propos d’Olivier Deschacht après Mons-Anderlecht.

Le jour où on a dit qu’on allait enfin protéger les attaquants, on l’a fait mais ça n’a duré qu’un an – sans doute en partie parce que beaucoup d’avants en ont profité et ont commencé à tomber continuellement dans le rectangle. Les arbitres doivent trouver le bon équilibre. Qu’un arrière défende avec ses moyens, ça ne me pose pas de problème. Mais s’il marche continuellement sur les pieds de son adversaire direct, s’il le pousse à la moindre occasion, je ne suis plus d’accord. Ce que Dahmane vit, ce n’est pas agréable. Il a toujours deux ou trois défenseurs sur le dos. On a peu de talents pareils en Belgique, il faut les protéger. Il faut éviter qu’il croie que tout le monde lui en veut, sans quoi il partira vite à l’étranger et nous aurons encore perdu ça.

Vous avez déjà travaillé au Standard, à Tournai, à Mons : qu’est-ce qui vous attire en Wallonie ?

Je suis un épicurien. J’ai 43 ans. Si je peux vivre jusqu’à 80 ans, ce sera très bien. Donc, j’ai passé le cap de la moitié de ma vie. C’est court, une vie. Alors, j’essaye de prendre le maximum de bon temps. De profiter de tout. Je ne gueule pas quand je peux régler les choses en parlant. Je ne gémis pas quand il y a des raisons de rigoler. Je n’ai pas besoin de beaucoup de luxe, je ne demande pas une grosse voiture, des vêtements de marque ou une montre à 1.000 euros. Pour tout cela, je me sens plus proche des Wallons que des Flamands. En Flandre, il y a un mot d’ordre : travailler, travailler, travailler. En Wallonie, on raisonne autrement.

En 2001-2002, vous aviez quitté Mons qui est monté en D1 au bout de cette saison-là. Pour aller vous enterrer à Beveren, sous prétexte que vous pouviez y débuter en D1. Une erreur, non ?

Certainement. J’ai commis deux erreurs dans ma carrière : celle-là et celle de quitter le Standard en 1994 pour retourner à Gand. Mais ce n’était pas uniquement pour débuter en D1 que j’étais parti à Beveren. J’avais surtout un gros problème avec une personne à Mons. Un type qui m’a fait très mal. Mais je n’en dis pas plus et je ne le dirai jamais. J’ai fait un choix. C’était le mauvais.

Et votre départ du Standard ? Rappelez-nous…

Il y avait plusieurs raisons. René Vandereycken avait débarqué et ce n’était vraiment pas un football que j’appréciais. Et il y avait le cas Frans van Rooij : ce n’était pas un grand travailleur mais il avait plein de qualités et je m’entendais super bien avec lui. La dernière saison, on n’a pas arrêté de l’emmerder. La jalousie était devenue un fléau terrible dans le vestiaire. Pour moi, c’est la pire des maladies. Moi, je jouais dans l’entrejeu, j’étais un bosseur et je ne marquais pas de buts. Donc, la presse me laissait tranquille. Cela ne me posait aucun problème. Il n’y en avait que pour Frans van Rooij, Patrick Asselman, Henk Vos et quelques autres. Et alors ? Mais certains joueurs vivaient mal la situation. Je suis allé trouver le président et je lui ai dit que je voulais partir. Après 4 ans, j’estimais qu’il était de toute façon temps d’aller voir ailleurs. J’avais gagné la Coupe de Belgique et beaucoup d’argent, il me fallait autre chose. En plus, Walter Meeuws me voulait à La Gantoise et c’était à deux pas de chez moi.

A cause d’un match avec les Espoirs français, vous n’avez jamais pu jouer avec l’équipe belge : ce n’était pas une autre erreur d’accepter cette convocation ?

Michel Platini m’a appelé pour un match contre la Suède, je n’ai pas réfléchi plus loin, j’y suis allé et j’ai joué. Avec Youri Djorkaeff, Bixente Lizarazu, Emmanuel Petit, Marcel Desailly,… C’était au début de mon contrat à Toulon et j’étais en très bonne condition. Mais je n’ai plus jamais été repris parce que mon deuxième tour avec ce club a été très mauvais. Je suis tombé dans un trou impressionnant, je n’étais plus nulle part au niveau physique. Plus tard, quand j’étais au Standard, Paul Van Himst est venu dans le vestiaire après un match. Il avait deux convocations en main : une pour Gilbert Bodart, l’autre pour moi. Je lui ai répondu qu’il devait m’oublier vu que j’avais joué un match avec la France.

par pierre danvoye – photos: belga

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