« C’était Anderlecht ou rien »

 » Itinéraire d’un talent gâché  » pensait-on titrer il y a encore quelques semaines. De retour chez lui, à Anderlecht, AVB veut saisir cette ultime main tendue et prouver qu’il n’est pas fini.

Les aficionados de Football Manager vous le diront mieux que personne, Anthony Vanden Borre était au mitan des années 2000 la future sensation du football belge. Vincent Kompany himself le considérait  » comme le plus grand talent de l’histoire d’Anderlecht « .  » En jeunes, ses adversaires se vantaient d’avoir joué contre Anthony tant il était considéré comme un phénomène, tant il était au-dessus du lot « , renchérit son meilleur ami et ex-partenaire en équipes d’âge à Anderlecht, Pelé Mboyo.

Un talent et une précocité qui le font entrer très vite dans le livres des records. À seulement 16 ans et 187 jours, il devient le deuxième plus jeune joueur de l’histoire du club, derrière Paul Van Himst, à porter la vareuse des Mauves en équipe fanion. Cinq matches plus tard, AVB est même appelé une première fois chez des Diables dirigés alors par Aimé Antheunis. La courbe ascendante va inévitablement connaître quelques ratés. Les aléas du foot pro, un manque d’encadrement ou de maturité, ternissent son image de golden boy.

Le monde peu scrupuleux des agents lui fait la cour et miroiter les plus grands clubs étrangers. En juin 2007, après quatre saisons en équipe première, 92 matches, et trois titres de champion, Vanden Borre s’en va par la petite porte et signe chez les Mauves de la Fiorentina. Cinq ans et demi plus tard, le voici de retour. Pour le meilleur ou pour le pire ?

L’envie de tout stopper

Le 7 septembre 2010, la direction de Genk annonce la signature d’Anthony Vanden Borre. Une surprise dans le landerneau footballistique belge. Celui qui s’était réfugié en Italie (Fiorentina, Genoa) puis en Angleterre (Portsmouth) n’avait jamais jusque-là évoqué l’envie d’un retour au pays. Franky Vercauteren, qui l’avait connu à Anderlecht et avec qui il s’était parfois accroché, allait pourtant réussir à le convaincre de se relancer dans le Limbourg. Mais malgré un titre de champion, VDB ne convainc que rarement les puristes. Et lui-même avoue être un peu étranger à la fête :  » On avait beau être champion, je n’étais pas heureux du niveau que j’avais atteint.  »

L’été qui suit est même encore un peu plus orageux. Alors que Genk joue dès la fin août son match le plus important de la saison face au Maccabi Haïfa en match préliminaire de la Ligue des Champions, Vanden Borre fait une montée au jeu catastrophique. Heureusement sans conséquences pour le Racing qui se qualifie.  » Ce match face à Haïfa correspond à la période la plus difficile de ma carrière « , raconte-t-il en novembre 2011 à Sport/Foot Mag.  » Avec l’entraîneur intérimaire, Pierre Denier, ça n’allait pas trop. J’étais perdu, c’était la première fois de ma carrière que ça m’arrivait, que j’avais envie de tout arrêter. Face à Haïfa, je me demandais ce que je faisais sur le terrain.  »

Mario Been va pourtant le remettre en selle.  » Il m’a parlé de sa période comme joueur, du fait qu’il était considéré comme un grand talent mais qu’il avait déconné et qu’il n’avait pas connu la carrière qu’il aurait dû avoir.  » La sauce prend pour quelque temps : Vanden Borre retrouve les Diables, brille même face à la Roumanie à Sclessin, puis retombe dans ses travers. Son dernier fait d’armes avec Genk se déroule chez lui, à Anderlecht, en match de play-off où il inscrit le deuxième but de la victoire des siens (victoire 1-3). Sa seule rose en une saison et demie au Racing. Tout un symbole.

 » On m’avait prévenu que ça allait être difficile de rebondir en Belgique car on m’attendait au tournant. Je ne savais pas si j’avais plus envie de revenir en Belgique pour le foot ou pour mon entourage. Après quatre ans à l’étranger, les revoir quasi au quotidien ça fait du bien même si tu oublies parfois certaines priorités que ton métier t’impose…  »

Du Brésil à l’Ukraine

L’aventure dans le Limbourg prend fin en juin 2012. Anthony Vanden Borre met le foot entre parenthèses et prend alors de très, très longues vacances…. Zanzibar, Las Vegas, Los Angeles ou Marrakech, l’homme prend du bon temps et le physique un sérieux coup. Début septembre, un manager anglais lui propose un test à West Ham mais l’expérience tourne court.  » Je n’aurais jamais dû accepter, je n’étais pas prêt, ni physiquement, ni mentalement « , admet-il aujourd’hui. Anthony Vanden Borre se refait quelque peu une santé chez Otis N’Goma, ex-T2 des Léopards du Congo. Pendant deux semaines, il se rend dans le Nord de la France à Vieux-Condé près de Valenciennes et travaille le physique mais aussi le mental.

 » Il y a d’abord la phase du dégoût et ensuite celle de l’abandon. Anthony en était à celle du dégoût. J’ai dû faire un gros travail psychologique avec lui. À la maison, je lui ai même réappris à débarrasser la table « , explique N’Goma dans les colonnes de Sud Presse. Vanden Borre a beau être hors-condition, son nom reste une référence. Ses quatre titres de champion de Belgique, ses 23 sélections chez les Diables, son passé de futur star du foot belge ne laissent pas insensible plusieurs clubs recruteurs. Troyes, Bastia, Saragosse, montrent de l’intérêt. Sao Paulo est même un temps évoqué.

 » Oui il y a eu des contacts mais ça n’a jamais été plus loin. Les seuls contacts sérieux ont été avec un club ukrainien (Tavriya Simferopol) où j’aurais pu très bien gagner ma vie. Comme me retrouver en Arabie Saoudite par exemple. Mais je n’avais plus envie de ça, je n’avais plus envie de partir.  »  » Quand il s’est retrouvé sans club, c’était pour moi totalement incompréhensible « , se remémore son ami, Hervé Kagé.  » Une des dernières images que j’ai de lui  » footballistiquement  » parlant, c’est quand j’ai été voir Portsmouth-Wolverhampton où Geoffrey Mujangi-Bia évoluait chez les visiteurs. Anthony avait fait un match de fou et je lui avais dit après la rencontre que je n’avais encore jamais vu un tel arrière-droit de ma vie. Il en avait mis plein la vue. Je ne pouvais pas être la seule personne à avoir vu ce match. Je savais très bien qu’il allait retrouver un club et pas n’importe lequel.  »

Mais si le talent est indéniable, le doute s’installe de plus en plus.  » Je n’ai jamais réellement pensé arrêter le foot car je suis passionné par ce sport « , précise Vanden Borre.  » Il est impossible pour moi de m’imaginer ne plus jouer au foot. Mais c’est vrai que j’ai été dégoûté de tout ce qui tournait autour, des agents notamment. Aujourd’hui, j’ai lié ma destinée à des gens sérieux, à des gens en qui je peux avoir confiance.  »

La bande à Mbo

Fin novembre, le gamin du Peterbos (quartier d’Anderlecht) va alors se tourner vers son ex-équipier, Mbo Mpenza, à propos duquel il déclarait, en 2006 :  » Je le considère comme mon grand frère. C’est quelqu’un de magnifique qui m’a beaucoup aidé. On n’en rencontre pas des masses dans le monde du foot.  » Avec comme ambition ultime de retourner chez lui à Anderlecht.  » J’ai eu deux-trois touches en Belgique. Mais, pour moi, c’était Anderlecht ou rien. Je suis 100 % anderlechtois et je veux réussir dans ce club !  »

Mbo Mpenza va alors mettre une équipe autour de lui. Il l’envoie d’abord chez Grégoire Litt, un préparateur physique fondateur de Promosport et qui s’est occupé notamment de la préparation physique du nageur François Heersbrandt, de la championne d’escalade Muriel Sarkany, ou encore du tennisman Kristof Vliegen.

 » J’ai passé un mois à bosser tous les jours. C’était intensif. J’étais régulièrement à Louvain-la-Neuve mais aussi dans les Ardennes à faire du ski notamment. Le courant est très bien passé « , explique Vanden Borre. En parallèle, Mbo Mpenza contacte aussi Patrick Mbaya, un ex-avocat aux barreaux de Liège et de Bruxelles, à la tête de la société TargetEleven, installée à l’Avenue Louise.  » Nous sommes en charge de la communication, du marketing (droits d’image) et du sponsoring d’Anthony Vanden Borre mais aussi de Marouane Fellaini « , précise Mbaya.  » Nous avons des clients en France, en Angleterre et en Asie, dont la fédération indonésienne. Mais nous ne nous occupons pas à proprement parler des transferts, notre travail n’a rien à voir avec celui d’un agent.  »

 » Le rôle de Mbo dans ce dossier est très important « , poursuit Patrick Mbaya.  » Il a l’avantage d’avoir fini sa carrière il n’y a pas si longtemps et parle le même langage que les footballeurs. Il les comprend. Il joue un rôle de grand frère. De plus en plus de joueurs l’appellent. Des agents le contactent aussi pour collaborer. Mbo conseille des joueurs dans le choix d’un agent, il ne veut pas remplir lui-même cette fonction. Il fait du management global.  »

Après être resté sans club durant 8 mois, Anthony Vanden Borre, lui, revit au sein de cette nouvelle structure.  » Tout le monde connaît la période très difficile que j’ai vécue. Je mesure ma chance, je suis très content de ce que j’ai pour l’instant.  »

Les sympathisants attendent, eux, le retour du ket avec impatience. Que ce soit sur les forums ou lors des entraînements, les messages de soutien furent nombreux.

 » J’ai grandi à Anderlecht, ils ne l’ont pas oublié . Tout cela fait d’autant plus chaud au coeur que j’avais perdu le sentiment d’être footballeur. Le vestiaire, les joies, les souffrances, la transpiration après les entraînements : tout cela m’a énormément manqué.  »

 » Anthony a une personnalité très forte « , affirme Patrick Mbaya  » Comme d’autres joueurs, il peut faire peur à certains clubs. Nous avons dû convaincre Anderlecht de lui donner une chance, ça n’a finalement pas été très difficile. Le premier pas a été fait par Mbo et ChristopheHenrotay qui sont allés trouver HermanVanHolsbeeck dès novembre. Anthony avait aussi des possibilités pour repartir à l’étranger (notamment en Angleterre) mais il préférait se relancer ici, à Anderlecht.  »

Si le retour aux affaires de Vanden Borre se précise, aucun contrat n’a encore été signé.  » Sa situation va évoluer suivant ce qu’il montre aux entraînements et lors de matches. La confiance est réciproque entre les deux parties d’une part parce que l’agent ChristopheHenrotay travaille régulièrement avec Anderlecht et que Mbo y est aussi bien introduit.  »

 » Ce qui m’est arrivé, je considère que c’est le destin. J’avais peut-être besoin de ce déclic pour avancer « , conclut Anthony Vanden Borre.

PAR THOMAS BRICMONT ET PIERRE DANVOYE

 » Le rôle de Mbo dans ce dossier est très important. Il a joué un rôle de grand frère.  » ( Patrick Mbaya )

 » J’ai été dégoûté de tout ce qui tournait autour du foot, des agents notamment. Aujourd’hui, j’ai lié ma destinée à des gens sérieux.  »

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