C’est réciproque

Alors que La Louvière a fait table rase du passé, l’élégant milieu droit est resté. Pourquoi ?

Arrivé sur la pointe des pieds il y a un an, Fadel Brahami (26 ans) a répondu aux attentes placées en lui par son employeur. En un an, il a démontré toutes ses qualités. Ses dribbles, sa vivacité et sa technique ont apporté aux Loups cette touche créative qui leur faisait défaut les autres saisons. Pourtant, de la belle équipe d’Albert Cartier, il ne reste quasiment plus rien. Tout est à reconstruire du côté du Tivoli. Mais alors que chaque joueur est parti monnayer ses talents aux quatre coins de la Belgique, l’Algérien a décidé de rester fidèle au club qui lui a redonné du plaisir. Pas par manque de propositions, par contrat (écrit et moral) simplement. Et, à l’instar de ce qu’on a vu samedi à Anderlecht, les Loups auront bien besoin d’expérience. La sauce n’a pas encore pris et trop de lacunes subsistent encore dans cette formation, balayée par les vice champions de Belgique : (6-0).

Le maintien passera par la rapidité d’assimilation des nouveaux joueurs mais se jouera également sur des détails. A cet égard, le manque de rigueur dans le domaine des affiliations n’est pas de bon augure. Samedi, c’est privée de son gardien Michaël Cordier et de son milieu brésilien Rogerio, non qualifiés, que La Louvière s’est rendue au Parc Astrid.

Fadel Brahami : J’espère que cela ne va pas se produire trop souvent. Cependant, on ne peut pas utiliser cet argument pour expliquer notre piètre prestation. On est arrivé au stade et on nous a expliqué que deux joueurs n’étaient pas qualifiés. On a été surpris mais cela ne nous a pas trop perturbés, d’autant plus que les remplaçants, comme Benoît Daniel, se sont très bien tirés d’affaire. Mais cela n’a pas suffi. On est tombé sur une équipe beaucoup plus forte que la nôtre. On ne peut pas encore trop juger de notre situation devant une telle opposition. Anderlecht avait repris l’entraînement plus tôt et possédait déjà des matches de haut niveau dans les jambes. Mais c’est sûr qu’il faudra modifier plusieurs points. La défense a été dépassée par le fait que l’adversaire évoluait avec trois attaquants, qui partaient en décrochage ou filaient sur les côtés. Difficile dans ces conditions-là pour nos défenseurs de tenir leur homme. C’est également pour cette raison que je revenais plus souvent que prévu en défense. Il fallait soulager nos arrières. Nos attaquants étaient fort esseulés et là, il faudra, à l’avenir, décider la tactique qu’ils devront suivre lorsqu’ils seront confrontés à une telle opposition : soit décrocher, soit rechercher la profondeur. Quant à moi, contre Anderlecht, j’ai pu voir que mon physique suivait. J’ai beaucoup couru mais je dois améliorer ma dernière passe. Elle était soit trop longue, soit trop courte.

Son analyse est déjà celle d’un ancien. Un survivant de l’année passée. Face à Anderlecht, l’international algérien était avec Olivier Guilmot le seul élément titulaire la saison passée.

Pourquoi n’a-t-il jamais eu envie de partir ?

Brahami : J’ai su que certains clubs avaient marqué de l’intérêt mais la RAAL ne voulait pas me laisser partir. Lorsque je me trouvais en sélection, je voyais que tout le monde partait et loin du club, j’étais, il est vrai, inquiet quant à la suite des événements. Mais j’aime bien rester discret et ne pas faire de bruit. Je ne suis pas du genre à lancer des déclarations tapageuses. J’ai préféré parler avec le président et le manager Chris Benoît, rester dans l’ombre et régler certains points sur mon contrat vu que la levée d’option s’est effectuée sans revalorisation. Je suis prêt à rester dans de meilleures conditions. J’en ai déjà parlé avec le président et le manager et je pense que les choses évolueront dans le bon sens. En cas d’échec des négociations, je ferai quand même mon travail consciencieusement. J’attends simplement un geste. Je demande une certaine reconnaissance pour ce que j’ai fait durant la saison passée. Comme on se parle et on doit se revoir. J’ai confiance.

Pourquoi La Louvière l’a-t-il gardé alors que tout le monde est parti ?

Je pense que la direction était satisfaite de mes prestations. Or, j’étais bien dans le groupe, dans l’équipe et dans la ville. J’étais en quelque sorte un modèle d’intégration. Les dirigeants ont donc décidé de me garder. Mais je ne sais pas vraiment vous dire pourquoi moi et pas un autre. Quant à moi, je n’ai pas trop pensé partir. Il y a eu la levée d’option en décembre, à un moment où on ne pense pas encore à la saison suivante. C’est vrai que quand j’ai reçu le recommandé de l’Union Belge m’informant qu’il y avait eu la levée d’option et qu’elle s’était faite de façon unilatérale, je n’étais vraiment pas content du tout. J’aurais préféré que cela se fasse dans les deux sens et que j’aie mon mot à dire. Mais, il restait un demi-championnat à disputer et j’ai toujours été fidèle au club. Comme Geoffray Toyes qui se trouvait dans la même situation que moi, j’ai continué à mouiller mon maillot. Nous sommes des hommes clairs et nets et malgré les à-côtés, on se devait de remplir notre rôle.

Pourquoi La Louvière a- t-elle oublié qu’il avait été amené par Pauwels ?

Je suis venu sous l’égide d’Albert Cartier et de Stéphane Pauwels qui me connaissaient bien. Je tiens d’ailleurs à saluer leur travail. J’ai été déçu de voir ces deux-là partir. Pour moi, Albert Cartier était un très bon coach qui m’a fait énormément progresser. J’ai appris son départ lorsque j’étais en vacances. Malgré les nombreux signes, je ne m’attendais pas à le voir partir. J’en avais parlé avec le manager Chris Benoît qui me disait qu’il n’était pas du tout fixé. Mais, ces départs sont courants dans le monde du foot. Je suis resté six ans au Havre et il n’était pas rare de voir des coaches partir malgré leurs bons résultats. Du jour au lendemain, on ne veut plus garder des joueurs qui ont pourtant fait leurs preuves. On pense que le foot est un beau monde mais il se montre souvent cruel. On essaie simplement de faire avec. Ceci dit, les dirigeants ont peut-être tiré un trait sur toute l’époque Cartier mais je n’ai jamais craint d’être assimilé à lui. Ils m’avaient garanti qu’ils voulaient me garder. Je ne pensais donc pas qu’on puisse me mettre à la porte. En plus, je ne me serais pas retrouvé à la rue comme Marc Clamy ou Mathieu Maton car j’avais des contacts avec d’autres clubs. Et puis, je me suis toujours bien entendu avec le président. Le seul hic de la saison passée, finalement, c’est ma levée d’option mais on sait que La Louvière est un petit club. Ce n’est pas toujours facile de boucler le budget. Il est donc normal de voir de nombreux joueurs s’en aller.

Pourquoi doit-il jouer dans l’axe alors qu’il évoluait sur le flanc droit ?

Tactiquement, j’évolue toujours à droite mais avec le nouvel entraîneur, je dispose davantage de liberté. Je peux rentrer dans le jeu, passer à gauche. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup car j’aime bien toucher le ballon, participer au jeu et me montrer présent dans les actions offensives. En rentrant de vacances, j’étais rassuré quand j’ai rencontré Emilio Ferrera. Sa façon de voir le jeu et ses schémas tactiques m’ont beaucoup plu. Comme Cartier, en perte de balle, il aime presser l’adversaire. Comme je l’ai dit, je peux agir un peu plus à ma guise. Quand on n’a pas la balle, je serai toujours sur le flanc mais en possession de balle, j’ai davantage de possibilités. Je devrai toujours effectuer ma part de travail défensif mais je ne devrai plus descendre jusqu’au poteau de corner. Ce sont avant tout les défenseurs et les deux médians défensifs qui défendront bas. Et puis, il y aura parfois des changements de position. Quand je botterai un corner à gauche, le médian gauche devra prendre ma place à droite en cas de contre-attaque. Mais je vais m’arrêter sinon tous nos adversaires connaîtront nos secrets. J’espère d’ailleurs que l’entraîneur ne m’en voudra pas d’avoir un peu trop parlé.

Pourquoi lui faire confiance alors qu’il prend beaucoup de cartons ?

C’est vrai que cela peut surprendre. Je suis plutôt un joueur technique qui ne devrait donc pas tacler souvent. Mais sur un terrain, je suis quelqu’un de hargneux. Je n’aime pas perdre et je n’hésite donc pas à montrer mon engagement. De plus, en Algérie, j’évolue au poste d’arrière droit, ce qui explique que j’ai dû apprendre à effectuer les gestes défensifs. Et en Afrique, il faut vraiment mettre le pied pour se faire respecter. Mais il ne faut pas non plus exagérer. Je n’ai pris que deux cartons rouges et quatre jaunes la saison dernière. Cependant, je suis conscient qu’il faut que je calme mon jeu car je sais que sinon, les arbitres vont m’avoir à l’£il et ce n’est pas du tout ce que je recherche. Contre Anderlecht, Bart Goor savait que j’avais un tempérament chaud et il a certainement reçu des consignes pour m’énerver. Cela se voyait à toute une série de détails. Il avançait à reculons et me marchait dessus, etc.

Dans la vie, par contre, je suis quelqu’un de posé et calme. Je n’aime pas les injustices et quand je suis confronté à cela, je ne me laisse pas marcher sur les pieds. Ce qui est arrivé la saison passée à Rachid Belabed, qui avait été limogé après avoir frappé un consultant de la télévision suite à un débat sur la question terroriste, ne risque pas de se produire avec moi car je saurai me contrôler. Cependant, il ne faut pas lui jeter la pierre car il a craqué et cela peut arriver à beaucoup de personnes. Etre musulman de nos jours n’est pas très facile. Moi, suite aux attentats terroristes, je n’ai pas vu encore le regard des autres changer. Je m’insurge contre les kamikazes. La religion musulmane prône le respect avant tout. Pour moi, ceux qui placent les bombes ne sont pas de vrais musulmans. Ils ne font que salir l’image de cette religion et de ses bons pratiquants. A cause d’eux, on a tendance à généraliser et à mettre tout le monde dans le même sac.

Pourquoi le garder pour jouer le maintien ?

Si on dit cela, c’est un peu pour paraphraser Guy Roux… Quand on analyse notre effectif, on se dit que l’on pourrait viser plus haut mais le président veut décrocher avant tout son maintien. Il tient un discours sans risques, ce qui n’est pas mon cas. Je veux voir plus haut. Au départ, j’étais inquiet mais après un mois d’entraînement, mes craintes se sont évaporées. Avec 12 nouveaux joueurs, le principal souci résidait dans l’intégration de ceux-ci et dans l’ambiance générale. Cela s’est très bien passé. On se retrouve un peu dans le même cas que celui de l’année passée. L’intégration des nouveaux s’était déroulée parfaitement et c’était l’ambiance qui nous avait permis de réaliser de bons résultats. Evidemment, le résultat à Anderlecht montre qu’il faut encore se trouver sur le terrain.

Pourquoi oublier ses absences du fait de la sélection algérienne ?

Cela ne dérange pas La Louvière car les dates de matches internationaux sont des dates imposées par la FIFA. Je ne rate donc aucun match officiel de la RAAL, sauf au moment de la CAN mais ce ne sera pas le cas cette année. De plus, je ne suis pas le seul joueur concerné par sa sélection nationale. Cette année, j’ai certes disposé de moins de période de récupération, de moins de vacances car j’ai dû enchaîner championnat puis équipe nationale en juillet. On a dû notamment se déplacer en Angola mais La Louvière m’a donné une semaine de vacances supplémentaire. C’est vrai qu’en juin quand tu vois tout le monde s’envoler en vacances et que toi, tu dois retourner au pays pour partir en sélection, cela trotte dans ta tête mais ce n’est pas comme si je partais pour l’armée. Je ne vais pas me plaindre lorsque je vois le nombre de personnes qui aimeraient évoluer en équipe nationale où j’ai réussi à accrocher une place de titulaire et je me sens de mieux en mieux. Pour le moment, on connaît une période creuse. Je suis déçu des résultats mais je suis surtout désolé pour tous les Algériens qu’on n’arrive pas à satisfaire.

Pourquoi ne pas être inquiet de ses nombreuses blessures ?

Je n’ai connu qu’une grave blessure la saison passée, lorsque j’ai été opéré du ménisque. Mais avec une telle blessure, on sait que l’on revient très vite. Au bout d’un mois, je reprenais déjà le chemin des pelouses. De plus, cette blessure est survenue lorsque les terrains étaient impraticables. De nombreux matches avaient été remis et je n’ai finalement raté que quelques rencontres. A part cette opération, je n’ai souffert que de deux petites pointes à la cuisse. Non, je ne suis pas si souvent blessé que cela : j’ai disputé 21 rencontres de championnat.

Pourquoi n’est-il pas retourné en France ?

J’ai eu quelques contacts – NDLR : Lorient s’est notamment renseigné – mais je ne recherche pas à rentrer absolument en France. Si cela arrive, pourquoi pas mais je serais plus ouvert pour la découverte d’un autre pays ou d’un autre championnat. Les grands clubs belges ne me laissent pas non plus indifférents. Pour le moment, je suis à La Louvière et tant que je ne suis pas libre, je ne pense à rien d’autre.

Stéphane Vande Velde

 » Je disposerai davantage de liberté. Je pourrai RENTRER DANS LE JEU et même aller à gauche  »

 » Le président veut avant tout ASSURER LE MAINTIEN  »

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