C’est Raymond qui le dit !

Le scout a troqué le Mambourg contre le Parc Astrid.

Et si le transfert anderlechtois de l’été, c’était lui ? Contrairement à l’année passée, le Sporting s’est tenu étonnamment coi en matière d’importations. Par contre, il a indéniablement tapé dans le mille en recrutant Raymond Mommens qui, depuis un lustre, avait fait converger au Mambourg bon nombre d’excellents joueurs, contribuant dans le même temps à un bel essor du Sporting de Charleroi. Le manager du club hennuyer ne s’y est d’ailleurs pas trompé : il s’est montré dithyrambique à son propos sur le site internet du club et lui a offert, dans la foulée, un somptueux cadeau.

Raymond Mommens : A l’occasion d’un petit repas d’adieu, la semaine dernière, il a eu la délicate attention de me remettre une montre Rolex, pour services rendus. Je ne cache pas que c’est un geste qui m’est allé droit au c£ur et qui prouve bel et bien que dans le football moderne, il y a encore de la place pour le sentiment. Personnellement, je serai toujours reconnaissant à la famille Bayat dans son ensemble de m’avoir permis de revenir à Charleroi et de m’avoir donné une véritable chance en tant que prospecteur. Si Anderlecht ne s’était pas manifesté, avec une offre alléchante à la clé, tout porte à croire qu’aujourd’hui j’y serais toujours. Mais il est évidemment difficile de résister à l’appel des champions de Belgique.

Vous-même avez pris soin d’offrir un chouette présent à votre nouvel employeur, sous la forme de Cyril Théréau ?

Dès l’instant où j’ai su que les ponts étaient définitivement rompus entre le RSCA et François Sterchele, j’ai effectivement suggéré à la direction de prendre langue avec lui. Pour bien les connaître, puisque je les ai tous deux aiguillés vers le Mambourg par le passé, je suis d’avis que le Français constitue une solution de rechange idéale. Il n’y a pas de grosses différences entre eux. Tout au plus, en raison de sa stature plus élancée, l’ancien footballeur d’Angers est-il un peu moins rapide au démarrage que le nouveau transfuge de Bruges. Mais tous deux excipent du même sens du but. Et c’est là le plus important.

Deux joueurs qui, naguère encore, émargeaient encore au troisième échelon national, l’un en France et l’autre en Belgique, à OH Louvain, et qui, aujourd’hui, portent les espoirs européens de leur club. Que faut-il en déduire ?

D’aucuns parleront peut-être d’un nivellement vers le bas mais moi, je songe plutôt à une richesse en profondeur. Depuis pas mal de temps, je sillonne la France et la Belgique, notamment, et mon constat c’est qu’il y a du talent dans les séries inférieures. La preuve par François Sterchele, précisément, que j’ai vu à l’£uvre pour la première fois quand il portait encore les couleurs de La Calamine. Il était déjà le meilleur buteur des siens à cette époque et je me doutais qu’il pouvait réussir à un niveau plus élevé. Mais le décalage était, bien sûr, très important entre un club promotionnaire et Charleroi, à ce moment. Quand je l’ai retrouvé, par la suite, chez les banlieusards louvanistes, l’écart s’était amenuisé et j’estimais que le jeu en valait la chandelle. Avec la réussite que l’on sait.

 » Il y a d’autres Ribéry en France  »

Cyril Théréau, c’est kif-kif ?

A mes yeux, oui. Parachuté dans son nouvel entourage, chez les Zèbres, le Français avait immédiatement répondu à l’attente, en début de saison passée, et il s’était signalé de la même manière, par la suite, au Steaua Bucarest en empilant les goals, là aussi. Sa réussite interpelle. Beaucoup ne comprennent pas comment un élément de cet acabit n’a pas transité d’abord par la Ligue 1 avant de partir à l’étranger. Mais c’est peut-être dû à la spécificité du championnat français. Là-bas, les ténors ont les moyens de délier généreusement les cordons de la bourse et ils préfèrent dès lors se tourner vers des noms ou des valeurs bien établies plutôt que de s’intéresser à leurs entrailles. Pourtant, à cet échelon-là également, on relève du beau linge. Voyez Franck Ribéry, qui a débuté à Boulogne-sur-Mer avant de passer tour à tour à Alès, au Brest Armorique puis à Metz pour cartonner par après à Marseille et en équipe de France. Des exemples pareils, il y en a d’autres. Mais encore faut-il les débusquer. Un détail m’a toujours frappé dans l’Hexagone : autant les scouts sont nombreux aux Pays-Bas ou en Belgique, autant j’ai souvent fait cavalier seul outre-Quiévrain. A la longue, j’y ai d’ailleurs été reçu avec de plus en plus d’honneurs ( il rit). Quel contraste avec certains clubs, ici, qui ne me voient jamais venir d’un bon £il.

Pouvez-vous préciser ?

Voici quelques jours, j’ai assisté au match amical entre le Racing Genk et le FC Porto. Le club limbourgeois n’avait rien trouvé de mieux que de me placer tout en haut de la tribune, quasiment dans le pigeonnier. Mais cela ne m’a pas empêché de voir le match et d’en tirer les enseignements nécessaires.

Des prospecteurs qui, comme vous, se tapent un match entre Châtellerault et Angers, en CFA, ne doivent pas courir les rues. Car c’est là que vous avez vu pour la première fois à l’£uvre Cyril Théréau, non ?

Exact. Il occupait alors la première place du classement des buteurs dans sa catégorie et, via-via, nous avions appris à Charleroi qu’il ne comptait pas faire de vieux os dans ce club où, bizarrement, il n’avait pas la cote, malgré son statut de réalisateur. Souvent, un avant montre deux visages selon qu’il évolue à domicile, devant un public acquis à sa cause, ou en déplacement. C’est la raison pour laquelle ce déplacement dans la France profonde n’était pas inintéressant. J’ai fait sept heures de voiture, au départ de mon domicile, à Enghien, pour voir le garçon à l’£uvre. Et après dix minutes à peine, j’avais déjà compris : je ne m’étais pas déplacé pour rien. Il y avait manifestement de la bonne graine d’attaquant chez lui. Cette première impression a été confortée ensuite par ses bonnes dispositions aux entraînements, à Angers. Là-bas, j’ai clairement vu que c’était un garçon qui en voulait et qui avait à c£ur de s’élever dans la hiérarchie. Aussi ai-je émis sur-le-champ un avis favorable à son propos. La direction du Sporting de Charleroi a alors fait le reste.

 » J’ai sauvé Laquait et Camus  »

Dix minutes, ça suffit toujours pour juger quelqu’un ?

Non, parfois il faut carrément dix matches. C’était le cas, entre autres, avec Izzet Akgül, qui ne m’avait pas convaincu, de prime abord, lors d’un match Namur-Walhain. Ce jour-là, après dix minutes de jeu à peine, j’étais même prêt à rebrousser chemin. Mais il a suffi d’une action bien précise pour que je me ravise, suivie d’une autre un peu plus tard. Je me suis alors fait la réflexion que l’intéressé méritait d’être pisté et finalement, lui aussi a rallié le Mambourg avant d’émigrer vers d’autres cieux aujourd’hui. Un autre joueur qui n’avait pas fait l’unanimité, au départ, c’était Fabien Camus. J’entends encore un dirigeant dire, à son propos : – Celui-là, il reprend le train demain. Mais j’étais quand même un peu plus circonspect. Moi-même, j’ai été médian gauche. Et, quelque part, je me revoyais en lui. Finalement, on a bien fait de le retenir ( ilrit). Parfois, il m’est arrivé aussi de récupérer l’un ou l’autre qui avaient été déclassés. Ce fut le cas de Bertrand Laquait, qui avait fait l’objet d’un rapport négatif de la part du coach des gardiens, Istvan Gulyas. Manque de technique avait-il souligné. Ce n’est pas que je sois un expert en la matière mais, à mon sens, le keeper français ne manquait quand même pas d’aptitudes dans ce domaine spécifique. Ici aussi, je suis content de l’avoir sauvé.

Quel joueur est le plus difficile à juger ?

Incontestablement un gardien, car il s’agit d’un registre particulier. Il n’est jamais très facile, non plus, d’évaluer un stopper, dans la mesure où les joueurs de cette trempe sont souvent très sobres et s’exposent peu au regard, contrairement aux médians ou aux attaquants, qui héritent plus souvent du cuir. Pas mal de transferts que j’ai préconisés concernaient d’ailleurs des éléments de ces deux charnières-là. Sans vouloir me pousser du col, je n’ai pas à rougir des noms proposés. La plupart se sont révélés des réussites. De fait, le seul qui me reste vraiment en travers de la gorge, c’est Jérémy Perbet, qui n’a franchement pas répondu à l’attente.

Quelle aura été votre part de mérite et celle de Mogi Bayat dans les transferts ?

Il y a deux volets : le sportif et le financier. Le premier était de mon ressort, le deuxième du manager. A cet égard, nous étions complémentaires. Reste que nous avons parfois enregistré des revers, malgré tout. Les passages de Sébastien Pocognoli et de Guillaume Gillet n’ont malheureusement pas pu être finalisés. C’est dommage compte tenu de la trajectoire accomplie depuis lors par l’ancien Standardman ainsi que par l’ex-joueur de l’AS Eupen. Ce sont deux Diables Rouges en puissance qui ont hélas échappé au RCSC. Mais on ne peut tout avoir.

 » Badou Kéré m’appelle papa  »

Qui dit scouting dit immanquablement histoire(s). Laquelle fut la plus belle ?

Celle de Badou Kéré. Je m’étais rendu, en 1998, à la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations, qui avait lieu au Burkina Faso. L’idée était de prolonger sur place le bail de notre joueur, Alassane Ouedraogo, qui venait à expiration quelques mois plus tard, et qui était évidemment susceptible de se mettre en valeur, dans son pays natal, avec les Etalons burkinabés. En attendant notre rencontre, dans le lieu de retraite de l’équipe nationale, le joueur me proposa de patienter au sein de la maison familiale, située non loin de là. Sur le chemin, mon attention fut attirée par quelques gamins qui jouaient au football en rue. L’un d’entre eux, plus grand et baraqué que les autres, attira d’emblée mon attention. Renseignement pris, il était libre car le football n’était rien d’autre qu’un passe-temps pour lui. Dans la vie de tous les jours, il vendait des pièces détachées de vélos dans la rue principale de Ouagadougou. Badou avait 16 ans à l’époque et il était aux anges à l’idée d’être convié à un essai en Europe. A mon retour, il m’avait fallu faire des pieds et des mains pour le faire venir. Beaucoup, au Mambourg, ne voyaient pas l’utilité de transférer un énième Africain. Mais je sentais le garçon et j’étais prêt à y aller de mes propres deniers pour payer son billet d’avion au besoin. Finalement, le club m’a suivi et il ne l’a jamais regretté. Badou Kéré non plus, d’ailleurs qui, depuis cette date, m’appelle affectueusement papa ( ilrit).

Vous avez d’autres rejetons ?

Non, c’est le seul. A ma connaissance, du moins ( ilrit). De toute façon, j’en ai vu de toutes les couleurs avec lui. Comme cette fois, à Jonet, où il n’était pas rentré aux vestiaires après un entraînement. Le préposé au terrain dut rallumer les projecteurs pour qu’on le retrouve ce soir-là. De fait, il s’était mis à neiger et Badou Kéré, qui n’avait jamais vu de poudreuse de sa vie, se demandait ce qui se passait. Il s’était alors caché sous un pylône ( ilrit).

D’autres anecdotes ?

Je m’étais déplacé un jour pour voir à l’£uvre un joueur du Racing de Paris 92. En lieu et place, j’ai surtout découvert Grégory Christ ( ilrit).

 » Guillaume Gillet a le profil du joueur box to box  »

D’un Sporting à l’autre, qu’est-ce qui va changer pour vous ?

Dans la pratique, pas grand-chose, en ce sens que mon terrain d’action se situera toujours prioritairement en France et en Belgique. Mais il y aura tout de même une différence, concernant la finalité du recrutement : à Charleroi, je devais £uvrer pour l’équipe Première uniquement, tandis qu’à Anderlecht, je travaillerai à la fois en fonction des A mais aussi en fonction de ceux qui sont susceptibles d’arriver à ce niveau-là un jour. Guillaume Gillet, pour revenir à lui, n’aurait pas été en mesure de digérer le passage de l’AS Eupen au Parc Astrid, par exemple. Mais en incluant l’une ou l’autre étape intermédiaire, c’est un élément qui pourrait faire l’affaire un jour. A mes yeux, le Diablotin présente, en tout cas, les caractéristiques du fameux joueur box to box que le club recherche actuellement. J’ai d’ailleurs mentionné son nom à cet effet. L’idée, hormis l’usage immédiat au plus haut niveau, est précisément de repérer ce genre de joueurs, qui témoignent de potentialités évidentes, et de les faire signer en prenant soin de les recaser ailleurs pour qu’ils fourbissent leurs armes. C’est dans cette optique-là que des garçons comme Sébastien Siani ou Sami Allagui avaient été prêtés ces derniers mois. Et c’est dans cet ordre d’idées aussi que s’inscrit la récente collaboration avec l’Union Saint-Gilloise.

Vous retrouvez à Anderlecht une vieille connaissance de Charleroi, Pär Zetterberg, devenu scout entre-temps lui aussi. Aurait-il eu un bon mot pour vous ?

Ce n’est pas impossible. Un jour, nous nous sommes revus, au hasard d’un match et il m’avait demandé comment je procédais dans mon travail. Quelque temps plus tard, à mon grand étonnement, Herman Van Holsbeeck prenait contact avec moi. Mais je ne sais réellement trop s’il y avait du Zet là-dessous ou si le club songeait tout bonnement à une solution de remplacement pour Antoon Germeys, proche de la retraite, et dont le terrain d’action se situait précisément en France et en Suisse. Peut-être les deux ont-ils joué ?

Quelle fut votre première mission de scouting pour les Mauves ?

J’ai assisté au match entre le Cercle Bruges et les -17 américains, mardi passé. Le week-end dernier, j’ai eu trois missions différentes. Pour l’heure, mes tâches sont encore définies à la semaine mais j’ai déjà des vues à plus long terme aussi. J’assisterai par exemple au Mondial des -17 en Corée. Ce sera mon premier contact avec l’Asie.

Et l’Afrique ?

En principe, le club est paré. Il a ses entrées en Côte d’Ivoire, par le biais du FC Bibo notamment. J’en suis heureux car Abidjan ne me laisse pas un souvenir impérissable. Je m’étais rendu un jour là-bas pour une mission de prospection et durant trois jours je n’ai pas quitté ma chambre d’hôtel. On était en pleine guerre civile et j’entendais les balles siffler autour de moi. Un jour, j’ai eu un dirigeant au bout du fil, qui me demanda : – Et alors le football à Abidjan, qu’est-ce que ça dit ? Je lui ai répondu que les gars savaient tirer, c’est sûr. Mais pas de la manière dont nous l’entendions ( ils’esclaffe).

par bruno govers

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