C’est quoi Dender ?

Dur d’exister dans le club le moins médiatisé de D1.

Pour l’ ExpositionUniverselle, Dender repassera. A part les fans de foot de cette région de Flandre plus ou moins profonde, qui connaît un peu ce club ? Il y a son coach, qui a une grosse réputation : Johan Boskamp. Mais encore ? Oui, un ex-international belge de haut niveau : Eric Deflandre. C’est à peu près tout.

C’est quoi Dender ? Deux des nombreux francophones du noyau (six Français et une poignée de Wallons) nous font découvrir un club tout jeune qui ne se prend pas au sérieux mais ne s’en tire pas mal puisqu’il a pris ses distances par rapport aux deux descendants directs et n’est pas largué par les équipes les mieux placées pour échapper de justesse aux barrages.

Décrivez Dender en quelques phrases.

Eric Deflandre (35 ans) : C’est un club sympa et familial où tout le monde a des contacts étroits avec tout le monde. La direction, les joueurs et les supporters sont très proches. Evidemment, c’est moins pro que Bruges, Lyon ou le Standard. Mais Dender veut avancer. Il y a eu cinq transferts en janvier : c’est la preuve que les dirigeants ne s’estiment pas condamnés à la D2. Ils prouvent aussi leur ambition en améliorant les installations : nouvelle tribune, maintenant un vestiaire magnifique, un super espace de soins et une salle de sport. Et notre terrain principal est un des deux ou trois meilleurs de D1 : un vrai billard.

Cédric Berthelin (32 ans) : Comme les autres petits clubs, Dender est très peu médiatisé. C’est un avantage pour les joueurs. Nous sommes tranquilles, c’est exceptionnel de voir un journaliste chez nous. Tout le monde ici sait que les patrons du club veulent absolument se sauver mais ils ne nous mettent aucune pression. C’est tout le contraire de ce que j’ai connu à Mons, où une petite série de mauvais résultats était directement vue comme une vraie catastrophe.

Le manque de médiatisation est-il vraiment un avantage ?

Berthelin : Les joueurs s’en foutent. Le samedi soir, la télé consacre un quart d’heure au résumé du Standard, autant à celui d’Anderlecht, et elle montre en 30 secondes les deux ou trois frappes au but de Dender. Cela fait un gros décalage mais nous le vivons bien.

Deflandre : La télé ne montre même pas toutes nos occasions de but. Dender est vraiment un club qui passe inaperçu. Nous ne sommes pas loin de Courtrai au classement mais on parle beaucoup plus de cette équipe-là, on en a même fait une des révélations du championnat. Il faut faire avec, pas de problème : ce manque d’intérêt ne nous a pas empêchés d’en faire voir de toutes les couleurs à Bruges et à Genk la saison passée. Cette année, nous avons aussi été très bons contre le Standard. Presque tous les grands nous réussissent, finalement. Seul Anderlecht nous a vraiment baladés.

Une histoire, ça se construit

Mais votre classement est quand même très délicat !

Berthelin : Nous le savions avant le début du championnat. Mais tout reste possible : nous n’avons que sept et six points de retard sur Charleroi et Courtrai. Dender ne lâchera rien.

Deflandre : Tout dépendra des matches capitaux qui vont arriver. Nous devons encore affronter Roulers, Mons, Courtrai et Charleroi.

Berthelin : La victoire de Charleroi contre le Standard n’était pas vraiment inscrite sur notre feuille de route.

Deflandre : Ils l’ont fait, respect.

Berthelin : Notre cible, c’est plus Courtrai. Cette équipe est dans une sale spirale et ça peut être très difficile d’en sortir à ce stade-ci de la saison. Nous allons bientôt chez eux : si nous pouvons leur enfoncer un peu plus la tête dans l’eau, nous ne nous en priverons pas. Cela pourrait être un tournant de notre championnat.

Vos chances de maintien ?

Deflandre : Nous avons 50 % de chances de nous sauver sans passer par les barrages.

Berthelin : Aucun joueur du noyau ne se satisfait d’une place de barragiste. Si l’état d’esprit reste le même, le maintien direct est dans nos cordes.

Dender a beaucoup transféré en janvier : c’était indispensable ?

Deflandre : Oui. Il y avait des manques flagrants à certaines places. Trois des transferts se sont directement imposés et apportent quelque chose : Admir Aganovic, Ervin Zukanovic et Rudy Saintini.

Berthelin : Des joueurs qui ne coûtent pas grand-chose mais qui ont tout de suite du rendement, ça, c’est un mercato réussi !

Ce club a-t-il un avenir à long terme en D1 ?

Deflandre : La direction fait tout pour s’y installer.

Berthelin : Denderleeuw est un petit village mais nous n’avons pas l’assistance la plus faible. C’est la preuve que le foot vit quand même dans la région. Quand les grandes équipes viennent chez nous, le stade est toujours plein.

Pour le foot belge, n’est-ce pas mieux d’avoir en D1 des clubs historiques comme l’Antwerp, le Lierse ou Saint-Trond ?

Berthelin : Non. Si ces clubs sont en D2, c’est parce qu’ils le méritent. Et si Dender est en D1, c’est aussi parce qu’il le mérite. Une histoire, ça se construit.

La réforme du championnat est quand même clairement destinée à éliminer des clubs comme Dender ?

Deflandre : C’est évident. Et ce n’est pas la seule aberration de cette réforme. On diminue le nombre d’équipes mais on augmente le nombre de matches : où est la logique ?

Berthelin : On complique tout. Je suis sûr que 95 % des joueurs de D1 ne comprennent rien au nouveau système avec les poules et les playoffs. Et qu’on arrête de parler de l’Angleterre et de son foot à Noël. J’ai connu ça. Là-bas, les stades sont pleins parce que le championnat pendant les fêtes est une vraie tradition, une institution. Mais au deuxième tour, les joueurs sont sur les genoux et les terrains catastrophiques. Même là-bas, le football à Noël n’a pas que du bon.

Vous avez joué dans des environnements où le foot vit vraiment : à Lens, en Angleterre, à Lyon, au Standard. Comment peut-on encore s’épanouir dans le stade de Dender après tout cela ?

Berthelin : C’est difficile de comparer…

Deflandre : Vivre avec son passé, ça ne sert à rien. J’ai pris de l’âge et j’ai fait des choix. Si je commence à penser à ce que j’ai connu en Ligue des Champions ou avec l’équipe nationale, il vaut mieux que j’arrête tout de suite de jouer.

Boskamp-Asselman : malaise masqué

En début de saison, on ne voulait même plus de vous dans l’équipe !

Deflandre : C’était uniquement pour des raisons financières. Le club a tout fait pour que je m’en aille avant la fin de la période des transferts, on estimait que mon contrat pesait trop lourd. Je pouvais comprendre le raisonnement de la direction : je n’avais donné que 60 % de mon potentiel la saison dernière parce que j’avais joué avec une pubalgie. Mais dès que le marché s’est refermé, le vent a tourné. J’étais là, donc on m’a fait jouer. Et aujourd’hui, on me propose de prolonger.

Berthelin : J’ai mal vécu le début du championnat. Je m’étais bien débrouillé au deuxième tour de la saison dernière puis la préparation s’était bien passée, mais j’ai perdu ma place quand les choses sérieuses ont recommencé. Johan Boskamp a choisi de faire confiance à Alexandre Martinovic parce qu’il voulait un gardien qui joue plus haut. Je n’ai pas fait de scandale, j’ai continué à bosser calmement et j’ai assez vite repris mon poste. Mais ce sont toujours des périodes délicates. J’avais quitté Mons parce que je voulais jouer, et subitement, je devais me taper trois heures de route tous les jours pour m’asseoir sur le banc…

Vous serez toujours à Dender la saison prochaine ?

Berthelin : Si c’est en D1, peut-être.

Deflandre : Idem. Je veux encore jouer une ou deux saisons.

Patrick Asselman remplacera apparemment Boskamp dès cet été. Il vous apprécie puisqu’il vous faisait toujours jouer pendant l’hospitalisation puis la rééducation de Boskamp…

Berthelin : On n’a pas les mêmes infos ! Moi, j’ai entendu que Boskamp presterait sa dernière saison de contrat.

Les tensions sont terribles entre Boskamp et Asselman : le groupe les ressent ?

Deflandre : Ce sont des trucs qui se passent dans les coulisses. Sur le terrain, ils essayent de bosser ensemble et ça se passe bien. Ce sont des pros et ils savent que s’ils commencent à se tirer dessus, c’est l’équipe qui en souffrira.

Le retour de Boskamp vous a surpris ?

Deflandre : Complètement. J’avais lu dans les journaux qu’il ne voulait plus reprendre.

Berthelin : Il s’est pointé un jour à l’entraînement comme s’il ne nous avait jamais quittés.

Deflandre : Tout le monde a été surpris. Même Asselman ne savait pas que Boskamp allait revenir, il l’a subitement vu débouler dans le vestiaire. Moi, je pensais qu’il était toujours à l’hôpital après son opération au genou.

par pierre danvoye – photos: belga

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