« C’est presque irréel »

Le VfL a été la souris grise du football allemand pendant des années. Contre toute attente, il est champion d’Allemagne.

Berlin et Hanovre, non loin, sont riches en possibilités. A côté de ces cités, Wolfsburg fait figure de no man’s land. Le siège central du sponsor principal, Volkswagen AG, est la seule attraction de la ville depuis des années. On ne vit pas à Wolfsburg, on y travaille. Le footballeur moyen cherche donc logiquement un autre employeur, mieux situé.  » J’ose affirmer que mon grand-père mène une vie plus intense que son petit-fils. Ici, je n’ai pas de vie sociale « , expliquait Tommie van der Leegte fin 2006. Le médian du NAC formait alors avec Kevin Hofland et Rick Hoogendorp un îlot néerlandais au VfL Wolfsburg. Deux ans plus tard, tout a changé.

 » Notre objectif est d’être européens en 2010 « , déclara Felix Magath lors de son embauche en été 2007. Wolfsburg s’était maintenu de justesse en Bundesliga deux saisons de suite. Magath, limogé quelques mois plus tôt par le Bayern, savait qu’il devrait tout reconstruire. Il y est parvenu, en avance. Cette saison, Wolfsburg a déjà effectué ses débuts en Coupe UEFA et s’est emparé de la tête du championnat dès la 26e journée. Il s’est surtout imposé dans sa Volkswagen Arena, sur des scores-fleuves : contre le Bayern (5-1), Hambourg SV (3-1), Arminia Bielefeld (3-0) et le VfB Stuttgart (4-1). Le titre a couronné l’ensemble d’une saison incroyable.

La transformation

Le club doit son avance actuelle à la rénovation complète de son noyau. En l’espace d’un an et demi, le VfL Wolfsburg a embauché pas moins de 33 footballeurs pour un total de 60 millions d’euros. Parmi eux, l’international brésilien Josué. Et l’été dernier, le club a frappé un grand coup en embauchant les défenseurs de Palerme, Andrea Barzagli et Cristian Zaccardo, pour 21 millions. Le VfL voulait des Italiens dans sa sélection, pensant ainsi resserrer ses liens avec la communauté transalpine de Wolfsburg. Le fait que les deux recrues aient été championnes du monde 2006 avec l’Italie était évidemment bienvenu.

Le joueur vedette est cependant l’attaquant Grafite. Le Brésilien est de ces footballeurs qui émergent brusquement. En août 2007, il fut transféré du petit club français du Mans.  » Je suis devenu footballeur professionnel à 21 ans seulement « , explique-t-il.  » Je n’avais jamais joué en équipes d’âge. J’ai donc dû rattraper mon retard, techniquement et tactiquement, mais marquer a toujours été l’essentiel pour moi.  »

C’est ce qui a fait sa renommée. Durant le match, remporté 5-1 face au Bayern, le joueur, international à une reprise, a inscrit le But de l’Année dans la dernière minute de jeu. Il s’est joué de la moitié de la défense avant de marquer d’une talonnade.  » C’est sans aucun doute le plus beau but de ma carrière « , affirme-t-il, fièrement.  » Mais ce qui compte, c’est que nous sommes champions. C’est presque incroyable. Ce club n’avait jamais rien gagné. Et nous sommes encore loin du Bayern, de Schalke 04 et du HSV. « 

Souffrir selon Magath

L’avant du VfL Wolfsburg jouera-t-il avec le Brésil au Mondial 2010, à côté de Kaká, Robinho et Ronaldinho ? Cela symboliserait la métamorphose qu’a subie le VfL Wolfsburg. Magath a accompli un travail énorme. Sciemment, il a remplacé presque tous les joueurs afin de prendre un nouveau départ. Ses méthodes peu orthodoxes ont fait mouche avec un noyau inexpérimenté. Comme au Bayern et ailleurs, il a fait suer ses joueurs afin qu’ils atteignent le sommet de leur forme. Cela lui a valu le surnom de Qualix (celui qui torture). Pendant la préparation, à Thoune, en Suisse, Magath a contraint ses joueurs à gravir le chemin de randonnée menant au Niesen, un sommet de 2.500 mètres. Après deux heures de martyre, Grafite s’est effondré à 200 mètres du but…

L’entraînement spartiate est la seconde nature de Magath. Joueur du Hamburger SV (1976-1986), il a été formé par Branko Zebec et Ernst Happel. On s’est moqué de Magath quand, pour un montant astronomique, il a fait ériger un mont que ses joueurs devaient régulièrement escalader. Il ne fait que trois mètres et demi de haut mais il a deux voies, l’une d’une inclinaison de 10 %, l’autre de 24 %. Pendant le Tour de France, les coureurs qui gravissent l’Alpe d’Huez souffrent moins car les joueurs de Wolfsburg devaient souvent gravir leur colline avec deux lourdes médicine balles sous le bras… Ils n’ont pas bronché. Magath a une devise : Brutal steil, brutal gut, (très pentu, très bon).  » Une condition physique parfaite est indispensable. Pour l’acquérir et l’entretenir, les joueurs doivent souffrir.  »

La connexion bavaroise

L’engagement de Magath à Wolfsburg a été surprenant. Pour un homme qui avait entraîné avec succès le VfB Stuttgart et le Bayern, signer à Wolfsburg ressemblait à une chute libre. Mais Volkswagen AG, sponsor principal du club depuis 1952, a usé de ses contacts. Depuis le 1er janvier 2007, Martin Winterkorn est président de la marque automobile. Il est la cheville ouvrière de l’arrivée de Magath au VfL. Auparavant, Winterkorn était président d’Audi, un des sponsors du Bayern. Il connaissait donc bien Magath. En plus, facteur décisif, le coach a également obtenu les fonctions de directeur technique et de gestionnaire. Il était donc omnipotent dans un club qui avait déjà connu de nombreux coaches et directeurs sportifs.

 » A mon arrivée, j’ai dû réformer complètement le club « , explique Magath.  » Il n’était donc pas possible de toujours se heurter à des avis divergents. Une fois nos objectifs atteints, j’aurais toutefois eu besoin de plus de soutien si j’étais resté ( NDLR, il a signé pour Schalke 04).  »

Les investissements requis ont nécessité quelques réunions avec Volkswagen AG. Le rôle du constructeur est aussi clair qu’intéressant. Depuis quelques années, Volkswagen espère que le VfL acquière progressivement son indépendance mais il continue à y injecter de 15 à 20 millions d’euros par an. Comme le Bayer Leverkusen et Hoffenheim, le club dépend donc énormément d’un seul investisseur. Les clubs moins riches parlent prudemment de concurrence déloyale car sans le soutien financier de Volkswagen, il est fort probable qu’en 2009, le VfL Wolfsburg aurait évolué en Oberliga.

Si le club est parvenu à embaucher des footballeurs de renom, c’est tout simplement parce que, financièrement, il est en mesure de concurrencer l’ordre établi. Ses dirigeants en sont conscients : Wolfsburg n’est pas une ville de rêve comme Berlin, Munich ou Francfort et le club n’est pas très populaire. A la fin de la saison précédente, il a assuré sa qualification européenne face au VfL Bochum, dans une Volkswagen Arena à moitié vide…

De plantureux salaires arrangent tout. C’est ainsi que le VfL a attiré des vedettes telles que Marcelinho, Andrés D’Alessandro et Stefan Effenberg, puis Barzagli, qui a un salaire annuel net de trois millions d’euros, Josué et Zaccardo, un flop. Avant leur transfert, ces joueurs n’avaient sans doute pas la moindre idée de la situation géographique de Wolfsburg.

Ce n’est pas une ville de foot

Kevin Hofland a dirigé la défense du club de 2004 à 2007 et il a même été capitaine. Les changements subis par Wolfsburg ne lui ont pas échappé.  » Il s’est éveillé. La direction a bien fait d’opérer un grand nettoyage. Le noyau devait progresser qualitativement. De mon temps, par exemple, l’équipe n’était pas soudée. C’était un gros problème. Evidemment, j’aurais préféré que ce revirement ait lieu plus tôt. J’ai quelque peu perdu espoir durant ma dernière saison. Je suis heureux que le VfL soit champion mais à long terme, il aura la vie dure car Wolfsburg n’est pas une ville de football. Les habitants ne s’identifient pas à l’équipe ni aux joueurs. « 

Les Vert et Blanc doivent donc polir leur image s’ils veulent se nicher définitivement parmi l’élite allemande. Il est donc nécessaire de grandir progressivement, comme le répétait Magath.  » Il ne s’agit pas d’obtenir du succès à court terme, avec les joueurs qui sont les plus performants sur le moment. C’est pour cela que j’ai opté pour des joueurs jeunes, qui peuvent encore progresser quelques années. Jusqu’à présent, la tradition du football à Wolfsburg a toujours été très locale. Modifier cette mentalité sera très difficile mais le club est en bonne voie. « 

par vincent okker

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