C’est pas triste, Venise…

Je n’échappe jamais totalement au foot, même si j’ai envie. Tenez, ma chère et tendre et moi revenons de Venise, et je pensais le lieu idéal pour un break footeux. Le ballon rond ne peut pas y être roi, vu qu’il y a de la flotte à tous les coins de rue, qui sont d’ailleurs des coins de canaux : le moindre grand coup de botte se terminerait en un grand plouf, qui ferait trouiller les gondoliers.

Et surtout, d’églises en palais, des myriades de vieilles choses somptueuses allaient dépayser mes mirettes …à quoi s’ajouteraient même pour l’occasion des choses nouvelles, briguant elles aussi la somptuosité : c’était en effet la Biennale d’Art Contemporain. Nous avons un pote et une potesse qui adorent ça, je les adore même si j’adore pas trop ça, et je tenais à les suivre dans leur trip artistique. Enfin huit jours sans penser foot ! Le pied, s’y j’ose dire.

J’y ai quand même pensé… D’abord, les mômes autochtones jouent au foot sur les places désertes. Désertes ? Ben oui, suffit de t’écarter de Saint-Marc ou du Rialto, et tu débarques tout de go sur un campo pas fréquenté, sinon par un ballon et quelques titis vénitiens : resurgissement d’un Calcio héritier réel du Quattrocento ! Les gamins de nos grandes villes belges en font-ils encore autant ?

Ensuite, faut savoir qu’à chaque city-trip, quand c’est possible, je m’offre un p’tit jogging à l’aube et à jeun : besoin égoïste d’avoir la ville pour moi tout seul ; besoin plus sportif aussi, plus physique, plus footeux ( ! ), de mieux la ressentir en faisant bosser mes guibolles, mon coeur et mes poumons. Donc, un matin, à la Piazzetta, je décide de pousser jusqu’à l’extrême/est du Canal San Marco, et d’atteindre le quartier de Sant’Elena.

Là, je baguenaude parmi petits ponts, rios et ruelles …pour me retrouver au bout du bout de Venise, …et au pied de la tribune/ouest d’un stade de foot : tribune plutôt déglinguée, pas vraiment un vestige d’art, pas sûr que le club obtiendrait sa licence s’il voulait évoluer en D1B belge ! Ça alors : le Venezia FC évolue dans l’île même, au coeur de la lagune, et pas dans la ville voisine de Mestre comme j’imaginais ! Pas en Serie A, ça non. En Serie B ? Faudra que je creuse.

Un hasard n’arrive jamais seul. Un soir, près du pont des Guglie, nous entrons dans un resto où je repère de suite un écusson sur lequel un lionceau à maillot vert, frère de Willie, la mascotte du Mondial 1966, tripote un gros ballon, avec cet exergue que je vous traduis : Dans tous les stades et toutes les divisions, nous représentons la plus belle cité du monde. Nous prenons place et face à moi, là-bas au coin du bar, je repère une photo d’équipe qui m’a l’air bien vieille : je ne pourrai pas m’empêcher, j’irai la voir de près quand je me lèverai pour faire pipi.

Vient donc le moment où je m’approche et lis. C’est l’équipe de Venise évidemment, paraît-il victorieuse de la Coupe d’Italie 1941 ! Il y a même la compo …et un nom qui fait tilt : Valentino Mazzola ! Je le regarde de près : la moustache en moins, c’est la même bouille que Sandro son fils, grande star des sixties et de mon enfance ! Google m’apprendra que Valentino presta ensuite à Torino, et fut en 1949 parmi les victimes de la catastrophe aérienne de Superga…

Je profiterai du net pour apprendre que Venise vient de terminer 15e en Serie B ; que Walter Zenga et Filippo Inzaghi y ont coaché ; que des stars comme Christian Vieri ou Alvaro Recoba y ont joué ; et que de vieilles connaissances comme Nii Lamptey et Luis Oliveira y sont aussi passées ! Chançards, va : se sont-ils rendu compte qu’être en D2 à Venise, mieux qu’en D1 à Liverpool ou à Dortmund, c’était avoir le beurre et l’argent du beurre ? Le plus beau métier dans la plus belle cité.

Le mot de la fin pour l’art contemporain, la Biennale en est le top : et du peint au sculpté en passant par le filmé, le bricolé et l’informatisé, ce top nous fourgue tout et n’importe quoi. En ressort la conviction que si tout ça est prétendument artistique, expressif, esthétique, le jeu de football l’est tout autant quelles que soient ses scories, si pas davantage en bien des cas ! Faudrait juste le prouver là-bas via un chouette film poético-didactique : lequel pourrait représenter le pavillon belge, par exemple, ça sera moins cucu que ce que j’y ai vu. Faut absolument que je branche Stephan Streker là-dessus, c’est pas une blague.

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