» C’est PAS MOI « 

Il a été le meilleur Belge du printemps, avec notamment une troisième place au Tour des Flandres. C’est alors que l’enfer a commencé, pour Bruylandts (28 ans). Une chute l’a privé de ses classiques, l’Amstel Gold Race et Liège-Bastogne-Liège. Le pire était à venir, en août : la fédération belge l’a suspendu pour 18 mois suite à un contrôle positif à l’EPO effectué quatre mois plus tôt.

La sanction est-elle pire que vous ne pensiez ?

Dave Bruylandts : Oui, je m’attendais à un an de suspension avec effet immédiat, comme c’est la règle. Je ne comprends pas que la suspension n’ait pris cours qu’au 1er octobre. On me vole mon pain. Un chauffeur qui roule trop vite perd son permis pour deux semaines maximum. D’autres cyclistes ont été acquittés. Il y a deux poids, deux mesures. C’est difficile à accepter. Gilberto Simoni a été attrapé deux fois à la cocaïne. Christophe Brandt ? Deux fois aussi. L’affaire Filip Meirhaeghe a éclaté deux mois après la mienne mais sa peine prend fin deux semaines avant alors qu’il s’agit du même cas.

Vous prétendez avoir été trompé par un nutritionniste que Johan Capiot, votre directeur, vous avait recommandé.

Oui. Je ne le connaissais pas avant de signer chez Chocolat Jacques. Il a investi dans l’équipe. Si j’avais connu son passé judiciaire, je n’aurais jamais travaillé avec lui. Il est impliqué dans plusieurs procès pour trafic de produits interdits. J’ai fait confiance à la direction car comment imaginer qu’un sponsor de votre propre équipe vous cause préjudice ? La réaction de Capiot est hypocrite. Il affirme me soutenir puis me renvoie.

N’est-il pas étrange que vous vous soyez laissé tromper par un inconnu alors que vous étudiez de près les méthodes d’entraînement et tout ça ?

Je n’ai jamais fait analyser ces produits. Les protéines et les boissons pour récupérer figurent au menu de tous les professionnels. On m’a dit que ça accélérait la récupération. Je ne me suis pas étonné qu’on me l’injecte. C’est le cas des vitamines B12, du fer, des acides aminés et même de sucres quand il en faut en grandes quantités. Cet homme m’a assuré que ce n’était pas un produit interdit.

 » Je pensais ne rien devoir cacher  »

Vous êtes difficilement crédible…

Chacun croit ce qu’il veut mais si je vois Marc Vandevyvere, un contrôleur de l’UCI bien connu, se parquer devant chez moi, ce n’est pas pour boire le café. Donc, si j’avais eu quelque chose à cacher, je me serais éclipsé. Quand on sait qu’on court un risque, on ne s’expose pas à un contrôle si on peut l’éviter.

Filip Meirhaeghe a avoué, comme David Millar. D’autres nient.

Meirhaeghe et Millar disent la vérité. Comme moi.

Que penser de Philippe Gaumont, qui maintient être victime d’un dopage structuré en cyclisme ?

Pris, il est frustré et il crache dans la soupe. Il noircit des coureurs complètement innocents.

Jesús Manzano aussi a parlé de dopage à grande échelle chez Kelme.

Ne connaissant pas la situation, je ne dirai pas qu’il l’a inventée mais je me pose des questions. Je ne puis imaginer que ce soit aussi grave au sein d’une équipe.

Tyler Hamilton, un autre cas de dopage sanguin, nie aussi.

Il est possible qu’il ait raison et que son sang ait une composition anormale. Il bénéficie du doute. Si ses explications sont fausses, il n’est pas un cas isolé. Il ne peut quand même pas trimballer le sang de quelqu’un d’autre comme ça.

Jo Planckaert a déclaré, après avoir écopé de deux ans de suspension :  » J’aurais mieux fait de tout prendre et de gagner le Tour des Flandres et Milan-Sanremo « . Comment interpréter cette phrase ?

Il a toujours été négatif aux contrôles, c’est tout ce que je puis dire.

Les cyclistes qui ont avoué prendre de l’EPO n’ont pas nécessairement obtenu des résultats. Faut-il en conclure que ça ne fait pas grande différence ou que tout le monde utilise les mêmes méthodes ?

Je n’ai remarqué aucune différence après avoir pris de l’EPO û inconsciemment, j’insiste. Je pense que c’est dans la tête.

Le grand nombre de cas prouve que le dopage reste un problème en cyclisme.

Pas seulement en cyclisme mais on y effectue plus de contrôles que dans les autres sports. Je ne trouve pas bien que la justice s’en mêle car un sportif qui se dope ne cause pas de tort aux autres.

La pression ne cesse de croître évidemment…

Le sport est le reflet de la société. Des étudiants et des politiciens utilisent aussi des produits stimulants, parfois. On m’a raconté que des acteurs le faisaient pour mieux tenir leur rôle. On n’éradiquera jamais le dopage, il rapporte trop.

 » EPO : pas d’effet néfaste  »

Les coureurs dopés ne se demandent-ils pas quel impact ça a sur leur santé ?

Est-ce vraiment nuisible ? L’EPO épaissit le sang mais tant que l’hématocrite ne dépasse pas 50, votre sang n’est pas trop épais. J’ai lu qu’en médecine, on l’emploie depuis 25 ans et qu’on ne constate aucun effet secondaire néfaste à terme.

Revenons à vous. Vous avez pris cinq ou six kilos.

Un coureur doit être affûté car chaque kilo compte mais un homme normal ne se balade pas avec 3 ou 4 % de graisse. Je suis à mon poids normal pour le moment.

Que devez-vous faire pour redevenir affûté ?

Rien de spécial. Je ne dois pas prendre l’habitude de ne pas surveiller mon alimentation car je veux revenir au top.

Y croyez-vous, après une si longue inactivité ?

Ce ne sera pas facile mais ce doit être possible en six mois, si je peux courir un grand tour. Je n’aurai pas encore 30 ans. Je serai prêt car je veux remettre les choses au point.

Ne craignez-vous pas que la tache reste ?

Virenque a été suspendu mais il est resté le coureur le plus populaire en France.

Les équipes ne voudront peut-être plus de vous ?

Je n’ai pas peur. Combien de Belges ont atteint le podium d’une Coupe du Monde cette année ? Deux, Leif Hoste et moi. Combien ont gagné une course dont l’arrivée était au sommet d’un col ? Personne, sauf moi. Je suis performant. Et j’aurai purgé ma peine.

Hein Verbruggen veut que les équipes du Pro Tour renoncent aux coureurs qui ont déjà été contrôlés positifs.

Alors, ces équipes vont avoir des problèmes. Je peux vous citer d’un coup 20 bons coureurs qui l’ont été.

Qu’allez-vous faire pendant un an et demi ?

Je me suis beaucoup entraîné jusqu’à la mi-septembre. Comme les autres, je lève le pied. Je dois encore être opéré du coude blessé lors de ma chute. Je m’occupe de ma maison, qui devrait être prête en juin. Je pointe pour être en règle avec la sécurité sociale et tout ça. Je travaillerai après ma carrière mais maintenant, je veux tout faire pour redevenir un bon coureur. J’aime pédaler, donc je peux m’entraîner sans objectif immédiat. Le cyclisme a toujours été le centre de ma vie.

A combien estimez-vous votre perte financière ?

Un demi-million. Je serai donc encore plus prudent à l’avenir. Je l’étais mais pas ceux avec lesquels je travaillais, apparemment…

Roel Van den Broeck

 » On n’éradiquera jamais le dopage. IL RAPPORTE TROP « 

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