» C’est parfois en fin de mercato qu’on fait les meilleures affaires « 

Le D.T. de Mons estime qu’il n’est pas nécessaire de dépenser des fortunes pour bâtir une bonne équipe de D1. Mais le temps presse dangereusement !

Pour le moment, la palette du directeur technique des Montois est incomplète. Au moins quatre joueurs doivent venir enrichir un effectif trop maigre en vue de ses échéances en D1. En étant patient et attendant les bonnes affaires de fin de mercato pour acheter malin : périlleux quand même…

Quelle est votre stratégie à Mons sur le front des transferts ?

Dimitri Mbuyu : Le président Dominique Leone a tiré les leçons du passé. Son club ne jettera plus jamais l’argent par les fenêtres car cela ne sert à rien. La vision est différente et s’inspire de ce qui se passe à Westerlo ou Zulte Waregem. Là, les joueurs ne gagnent pas 500.000 euros par an mais ce sont des entités stables, bien gérées et solidement installées en D1. Ces clubs révèlent régulièrement des joueurs qui peuvent ensuite tenter leur chance plus haut. L’époque des gros contrats est révolue à Mons. Le but est de stabiliser l’Albert en D1 et d’agrandir la voilure dans deux ans. Nous cherchons des joueurs sérieux, dotés d’une bonne mentalité. Et nous détenons des arguments. Mons a des infrastructures dignes du top 10 en Belgique. C’est d’ailleurs pour cela que Pieter-Jan Monteyne a opté pour nous. Maintenant, il faut renforcer l’effectif. Si je suis tranquille pour le secteur défensif, il nous faut au moins deux médians et deux attaquants. C’est dur mais nous y arriverons.

Belges de préférence ?

Des joueurs belges ou étrangers qui connaissent la D1. On remarque cependant que tous les clubs de D1 pêchent dans le même aquarium et cela complique notre tâche. J’avais Kevin Roelandts et Jorn Vermeulen à l’£il mais ils ont pris la direction de Louvain. Ces profils m’intéressaient beaucoup. Nous cherchons dans cette direction et nous ne changerons pas notre fusil d’épaule. Olivier Werner entre dans ce cadre-là : il a mûri, a des épaules pour le job. Notre coach est impatient. C’est normal, je le comprends car le championnat approche à grands pas mais il sait aussi que c’est parfois à la fin du mercato qu’on fait les meilleures affaires. Ce n’est pas l’idéal mais je ne panique pas du tout. Dès le lendemain de notre retour en D1, nous avons entamé les négociations pour la prolongation des contrats de la plupart de nos joueurs.

Lokeren en a-t-il profité pour être exigeant à propos de Jérémy Perbet ?

C’est le jeu, l’offre, la demande, etc. Mais Mons a un budget de 6,5 millions d’euros et connaît ses limites : 500.000 euros pour un joueur, c’est énorme, impayable pour nous. Même 100.000 euros, c’est beaucoup. Jérémy signifie énormément. Il a relancé la machine quand il est arrivé du Daknam en janvier. C’est un buteur et un joueur collectif qui a trouvé le milieu idéal pour lui ici. A Lokeren, il a vite coincé car Peter Maes, je crois, n’a jamais compté sur lui. Il m’a téléphoné 10 fois par jour alors que nous négociions avec les Flandriens. Jérémy ne voulait pas rester chez Roger Lambrechts. Lokeren mène ses affaires à sa guise et a dépensé une fortune pour Hamdi Harbaoui.

 » Je regrette le départ de Jarju « 

Et, quelque part, Lokeren espérait récupérer une partie de cet investissement en vous vendant Perbet au prix fort ?

C’est de bonne guerre. Lokeren avait acheté Perbet à Tubize pour 70.000 euros, il me semble. Bien vu, bonne opération mais Mons n’a pas ces moyens-là et nous l’avons clairement dit à Lokeren. C’est du business et nous n’avons pas changé de cap lors des négociations. Un transfert, c’est win win. Arnor Angeli est venu dans mon bureau. Ce jeune gaucher du Standard a attiré mon attention et Dennis Van Wijk était très intéressé. Chez nous, on lui promettait du temps de jeu, la possibilité de mûrir, de développer son style et sa personnalité. Il fut question de location mais le Standard voulait tout : Mons devait payer 100 % de son salaire, ne pouvait pas l’aligner contre les Rouches, etc. Là, c’était énorme ! Et Mons dans tout cela ?

Certains clubs payent la moitié du contrat de leurs joueurs loués, n’est-ce pas ?

C’est ce que je veux dire. Tout le monde doit y trouver son compte.

Et Jarju ?

Je regrette son départ car il a un gros potentiel. Jarju est parti au Canada, à Vancouver, pour jouer en MSL. Il sera bien mieux payé qu’à Mons. Je suppose que sa famille africaine a fait pression pour qu’il rentabilise sa carrière. A mon avis, il s’est précipité. Si Jarju était resté une saison de plus à Mons, il aurait pu viser le top.

Le nom de Dalibor Veselinovic est apparu pour la première fois la semaine passée…

Ecoutez, Mons, je le répète, peut être une magnifique rampe de lancement. Cet exemple me fait penser à une de mes plus belles réussites. Quand j’étais le conseiller de Johan Vermeersch au Brussels, j’ai tout fait pour amener Igor De Camargo à Molenbeek. Vermeersch n’était pas convaincu mais la suite m’a vite donné raison. Igor était sur une voie de garage à Genk. Albert Cartier l’a relancé et, quelque part, si Igor a décollé, il le doit d’abord à ce coach et au Brussels. Je me souviens avoir parlé de Koen Persoons, Björn Vleminckx et de tant d’autres à Vermeersch. C’est mon rôle, mon job. Et ce n’est pas sans fierté que je songe à d’autres trouvailles. La saison passée, les deux Jérémy, Perbet et Sapina, sont arrivés au bon moment. C’est aussi pour cela que nous avons tellement eu peur quand Sapina s’est blessé au genou en préparation contre le Club Bruges. On a craint une rupture des ligaments. Là, cela aurait été une catastrophe…

La saison de la montée n’a pas été de tout repos…

En effet, c’était ma deuxième saison chez les Dragons et la montée était impérative. Mons avait une équipe pour le titre. En janvier, Geert Broeckaert a pris du recul et nous avons fait appel à Dennis van Wijk. C’est un coach entier, à poigne, honnête, riche d’un passé de joueur à l’Ajax, ce qui veut quand même dire quelque chose, et que j’avais connu au Club Bruges. Soutenu par Broeckaert, Van Wijk a redressé la barre avant un creux et quatre défaites en fin de saison. A ce moment-là, il y a eu des pressions extérieures pour le dégommer. Je ne citerai pas de nom. A quoi bon ? Et, de toute façon, ma vision a été la bonne. J’ai recommandé le calme, défendu Van Wijk, un très bon technicien qui mériterait d’entraîner un grand club. Ce n’était pas le moment de céder à la panique. Mons a passé deux jours à la mer, où les joueurs ont été placés face à leurs responsabilités, avant de gagner son dernier match et se qualifier pour le tour final de D2.

Vous vous en souviendrez de ce tour final, non ?

Et comment… A Waasland-Beveren, le gardien marque, tout bascule en fin de match. Là, on a ramassé une claque. Dur, dur mais le groupe s’est tout de suite repris. A Tubize, lors du test match, Mons a dominé la première mi-temps, raté des occasions avant de souffrir.

 » Il n’y avait qu’un directeur technique au Brussels : Vermeersch « 

Vous aimez ce job de directeur sportif ?

J’adore, c’est vraiment mon truc. Je n’aurais pas pu être agent de joueurs. Je ne suis pas un businessman. Moi, c’est le volet sportif qui m’intéresse. A Mons, je trouve des pistes, je connais nos impératifs, mais c’est Alain Lommers qui finalise le dossier financier. Je ne suis pas un solitaire, j’apprécie ce travail d’équipe. Mon passé m’aide. Construire une carrière, ce n’est pas évident. Je peux partager mon vécu. J’ai été le premier international A de couleur. En plein boum, j’ai commis des erreurs : quitter le Standard trop vite (j’y étais apprécié mais j’avais connu quatre coaches en une saison), signer à Waregem quand j’étais au Club Bruges. Waregem avait mis la pression et ne voulait pas engager mon frère Didier sans moi. Finalement, c’est à Geel que je suis devenu directeur sportif.

Avant de connaître Johan Vermeersch ?

Au départ, j’étais scout. Il n’y avait qu’un seul directeur technique au Brussels : Johan Vermeersch. J’avais bien une carte de visite de conseiller technique mais Vermeersch avait son avis… Emilio Ferrera m’a demandé un jour de me rapprocher de l’équipe. Il y a toujours des détails à régler et, petit à petit, j’ai eu de plus en plus de boulot. J’ai dit à Vemeersch qu’il finit toujours par étouffer ceux qui bossent avec lui. Il doit leur faire confiance, leur accorder plus de liberté. Vermeersch est le patron d’accord et il veut tout contrôler mais à la fin, cela se retourne contre lui. Je crois qu’il a compris que c’était désormais impossible. Au Brussels, j’ai côtoyé trois coaches : Emilio Ferrera, Albert Cartier et Franky Van Der Elst. J’aimais bien Emilio, un très bon tacticien qui a eu un tort : comme Vermeersch, il voyait des ennemis partout. Or, les gens étaient là pour l’aider. Un jour, il entraînera à nouveau au top chez nous. Cartier est un sacré meneur d’hommes et a abattu du très bon boulot au Brussels. Je peux en dire de même pour Franky Van Der Elst, même si cela s’est mal terminé.

Après Vermeersch, vous vous farcissez Leone : je vous charrie mais l’image de Mons ne devait pas être géniale en Flandre ?

Ce n’est pas tout à fait faux si je songe à l’image sportive. L’Albert, c’était ce club où tout semblait possible. Mons recrutait des armées de joueurs en France. Je ne mets pas du tout leur talent en doute. Mais la rumeur se répand vite en D1. On a raconté que le vestiaire était une pétaudière. Les joueurs se battaient. Le talent ne suffit pas quand on a des légionnaires qui ne songent qu’à leurs intérêts individuels. Ils étaient à Mons mais le club ne comptait pas. On ne construit pas une équipe comme cela. Je préfère de bons ouvriers qui s’acquitteront sagement de leur tâche que ces stars d’un soir. Dominique Leone en avait marre de cette mentalité. J’ai bien compris sa vision des choses et on a fait appel à des joueurs belges plus sérieux. J’ai eu carte blanche avec le soutien d’Alain Lommers. En 2009-10, Mons a hélas raté son tour final mais je suis heureux dans ce club.

Quel football aimez-vous ?

Je suis un ancien attaquant. Moi, je suis partisan du 4-3-3. J’en parle souvent avec Van Wijk. Il a joué à l’Ajax et le public de Mons veut du spectacle mais il faudra d’abord devenir une valeur sérieuse de la D1. Mons ne peut pas prendre sans cesse l’ascenseur.

Que devient votre frère ?

Didier a un poste chez DHL et il possède des terrains de football où jouent des équipes du samedi. Lui non plus n’aurait pas pu devenir agent de joueurs.

Mons fêtera son retour en D1 contre le Standard : sera-ce un moment spécial pour vous ?

Oh, oui. Pour Mons d’abord car ce club compte pas mal de supporters dans la région. On ne pouvait pas rêver plus belle affiche. C’est Milan Mandaric qui m’a fait venir à Sclessin. Même si c’était une autre époque, je m’en souviens encore avec émotion. Quand je suis parti au Club Bruges, mon père m’a tout simplement dit :- Tu commets une erreur. Il avait raison…

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS :REPORTERS/ DUBRULE

 » Le but est de stabiliser l’Albert en D1 et d’agrandir la voilure dans deux ans. « 

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