C’est le poste de gardien qui change le plus

Joueur : 6 clubs, 3 pays, 400 matches (1 bon), 2 buts en Coupe d’Europe. Batteur : 3 groupes, 130 concerts (1 sold out).

Ils étaient les frustrés. Ils ne pouvaient prendre leur pied en jouant au football. Ils étaient à la fois un peu gênés et très fiers qu’on dise d’eux qu’ils avaient un  » grain  » ou une  » branche « . Qu’ils devaient être fous pour être bons. Qu’ils mettaient leur tête là où les autres n’hasarderaient pas leurs pieds. Et bien maintenant, ils jouent d’abord avec leur tête, ensuite avec leurs pieds et de temps en temps avec leurs mains. Si, si, dans cet ordre.

Qu’il est loin le temps où on devenait gardien par dépit. Au Brésil par exemple, si t’es gardien, t’es puni. Tu dois te poser des questions. C’est que t’es pas assez bon pour jouer au football. Déjà s’ils doivent jouer défenseurs, les Brasileiros ont l’impression de passer de la samba à la valse. Et quand c’est back gauche ou back droit, caramba ! C’est comme leur faire écouter du Black Metal à fond pendant 90 minutes. Alors gardien, t’imagines ! C’est comme danser un slow tout seul sur la plage avec des biches au corps de sirène tout autour. C’est pour ça qu’ils veulent s’échapper. Les backs brésiliens sont tous des ailiers frustrés, mais pas résignés, qui passent leur match dans le camp adverse. Les gardiens aussi, mais en… rêve. Ils s’imaginent dribbleurs fous, se rêvent buteurs.

Il y en a un qui a fait sa réalité des rêves des autres : Rogerio Ceni. Une exception, un prototype unique. Un buteur hors-pair. Un prédateur qui écrit sa légende dans la maison des autres. Ceni est bon chez lui, exceptionnel chez les collègues. 103 buts inscrits ! Inouï. Plus de 1.000 matches sous le même maillot. Epatant ! Un but toutes les 10 rencontres pour Sao Paulo ! Un précurseur car finalement, l’envie de tous les gardiens n’est-il pas de sortir de sa prison dorée ? De ces 664 m2 sans barreaux mais avec filets. Certes, il est le seul pour qui le jeu de main est un jeu de malin. Mais il est seul. Tellement seul. Les autres ont presque 10.000 m2 pour s’éclater. Le gardien n’a souvent que deux, trois réflexes pour exploser, pour exister.

Quoique. Les temps changent. On en fait des liberos. Des héros de plus en plus libres. Surtout d’utiliser leur cerveau. D’avoir une lecture tactique du jeu, pour anticiper. D’être meneur de jeu, meneur d’hommes. D’être celui de la première relance. De se faire respecter par la voix. De se faire craindre par les cris. Voire même par les coups. Dès les années 70, un gardien belge marquait aussi, sur penalty. Le grand Christian Piot était aussi, et surtout, un adepte de la double peine. Ce gardien de classe internationale sur le terrain comme dans la vie ne mettait pas de gants pour faire comprendre aux adversaires que le rectangle était sa maison. On ne venait pas faire le malin dans son living (le grand rectangle) et encore moins dans sa chambre (le petit). Quand il sortait sur les phases arrêtées, un poing boxait le ballon, l’autre la tête de l’adversaire. Pas méchant, hein ! Préventif…

Piot faisait peur. Même à ses coéquipiers, c’est bon signe. Un gardien qui est craint est un gardien qui est respecté. Et ce, à toutes les époques. Même si, c’est probablement le poste qui a le plus évolué dans le foot. Par rapport aux autres mais aussi, et surtout, par rapport à lui-même. Une vraie révolution.

Les dernières études de la FIFA sont assez surprenantes. Durant un match, deux ballons sur trois, le gardien les touche avec les pieds. Les arrêts avec plongeon constituent 3 % de son job et les arrêts réflexes à peine 1 %. Par contre, négocier les passes en retrait c’est 15 % et surtout les relances aux pieds et à la main : 60 %. Des chiffres qui confirment que le gardien moderne est devenu un joueur de champ qui peut utiliser les mains. Un meneur qui doit montrer la voie alors que ses coéquipiers passent leur temps à lui tourner le dos. Il est celui qui n’a pas le même maillot mais qui est le socle du collectif. Celui qui voit tout de derrière mais qui permet d’être devant. Sans grand gardien, il n’y a pas de grande équipe.

PAR FRÉDÉRIC WASEIGE

 » Désolé, j’aurais dû serrer les cuisses « .  » C’est ta mère qui aurait dû les fermer.  » Bill Shankly à son gardien, qui venait d’encaisser un petit pont…

Sans les mains, c’est le pied : 103 buts pour Ceni !

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