» C’EST LA PLUS BELLE ANNÉE DE MA CARRIÈRE « 

Brecht Dejaegere et La Gantoise sont allés s’imposer au Club Bruges, où le médian a joué de 1998 à 2006. Le Flandrien, arrivé de Courtrai pour 1,3 million d’euros, apprécie surtout l’unité du groupe formé par les Buffalos.  » Nous sommes une bande de copains.  »

La Gantoise est en tête du classement et pourrait fêter ce jeudi le premier titre de son histoire. Comment est-ce possible ? Quelle est la recette du succès de Hein Vanhaezebrouck ? Pour le savoir, nous avons confronté Brecht Dejaegere à des phrases que lui ou d’autres ont prononcées cette saison. Le petit gars jadis traité de  » chenapan  » par Peter Maes, s’est prêté au jeu.

 » Hein Vanhaezebrouck m’a donné ma chance en D1. Je lui dois beaucoup. C’est un entraîneur qui mise avant tout sur les capacités de son équipe et développe un système de jeu qui nous convient. Quoi qu’il arrive, il jure avant tout par l’offensive.  » (Brecht Dejaegere, Het Nieuwsblad, 7/5/2014)

Brecht Dejaegere :  » Un footballeur qui veut réussir doit posséder trois caractéristiques importantes : la mentalité, le talent et la chance. A 18 ans, j’étais à Courtrai et je pouvais aller à Renaix, en D2, où j’aurais pu jouer en équipe première et gagner un peu d’argent. Mais j’ai décidé de rester un an de plus à Courtrai. Lorsque Hein m’a demandé de faire la préparation et de jouer quelques matches amicaux avec le noyau A, je n’ai pas hésité à annuler mes vacances. Tout s’est tellement bien passé qu’il a décidé de me garder avec lui. Ce jour-là, je suis vraiment devenu professionnel. Hein a ouvert la porte mais c’était à moi de saisir ma chance. Il y avait plus de 25 ans qu’un jeune de Courtrai ne s’était plus imposé en équipe première et j’y suis arrivé. J’en suis très fier. Je me sentais obligé de faire quelque chose à mon tour, tant sur le plan sportif que sur le plan humain. Vous savez, je n’aime pas décevoir les gens qui me font confiance, surtout pas mes patrons (il rit). Hein connaît parfaitement le football, aucun détail ne lui échappe. Il travaille beaucoup les automatismes. Aujourd’hui, nous avons répété le même exercice pendant 40 minutes afin d’avoir des bases sur lesquelles nous appuyer. Il a une idée très précise de tout ce qu’il fait.  »

 » Je me souviens de courses d’orientation légendaires dans les Ardennes avec Hein. Le team building sert à jeter les bases d’une saison.  » (Brecht Dejaegere, Het Nieuwsblad, 7/5/2014)

Dejaegere :  » J’ai cinq ans de professionnalisme derrière moi, dont quatre avec Hein (il grimace). Ces team buildings vont sans doute raccourcir ma carrière d’un an car c’est très dur sur le plan physique mais je me sens tellement bien par la suite. Celui qui ne suit pas le programme avec cardiofréquencemètre imposé pendant les vacances souffre encore plus. Pareil pour celui qui n’adhère pas à 100 % à sa philosophie et à son discours. Lors de ces courses d’orientation, on dépend les uns des autres. Ceux qui rentrent plus tôt dorment davantage et récupèrent dès lors plus facilement. Tout ce qu’on demande, c’est d’être au lit le plus tôt possible, ce qui permet de courir plus vite le lendemain. Celui qui rentre tard est vidé car tout le monde se lève à 8 h 30. A Gand, j’avais prévenu tout le monde mais certains ont ouvert de grands yeux. La solidarité compte beaucoup. Un jour, nous avons dû porter des troncs d’arbres. C’était un concours entre chambrées. Nous devions escalader une colline, traverser un point d’eau, revenir sur terre et scier un morceau. Puis on nous mettait des points. Suivaient alors une course de kayak et un quizz. Le premier du classement bénéficiait de trois jours de congé, le deuxième de deux et le troisième d’un. Tout le monde était prêt à tout pour les obtenir. J’ai ainsi découvert que Yaya Soumahoro n’était pas qu’un resquilleur qui tente de couper les coins. Il se battait, participait au projet et faisait de son mieux pour perdre ses mauvaises habitudes. Celui qui parvient à faire ça s’en sort toujours. Au début, Habib Habibou jouait les leaders mais il ne voulait pas se donner à fond. Alors, bonjour et au revoir.  »

 » Ce qui m’a surtout frappé, c’est l’enthousiasme dont tout le monde fait preuve en début de saison à La Gantoise. Tout le monde a faim.  » (Brecht Dejaegere, Het Laatste Nieuws, 16/7/2014)

Dejaegere :  » Le coach et pas mal de joueurs ont fait souffler un vent nouveau. Nous étions nombreux pour la même place, on pouvait pratiquement composer deux équipes d’égale valeur. La concurrence était énorme. Cette émulation nous a permis de hausser notre niveau et nous en récoltons encore les fruits aujourd’hui. On forme une bande de copains. Vous avez vu la façon dont Uros Vitas fête nos succès alors qu’il n’est encore entré qu’une fois au jeu à Charleroi ? Cela veut tout dire. Il s’amuse et veut montrer ce qu’il vaut au staff technique ainsi qu’aux autres joueurs du noyau.

Des consignes et de la transparence, voilà ce dont un groupe a besoin. C’est le cas et ça me permet de vivre la plus belle année de ma carrière. L’ambiance est excellente, on ne cesse de se faire des blagues et personne ne le prend mal. Un exemple : nous avons un groupe Whatsapp commun. Jamais encore le programme n’avait été communiqué aussi rapidement. Aujourd’hui encore, nous avons posté une photo de Matz Sels qui est arrivé avec un pantalon de l’armée. Ça montre bien combien nous sommes unis et impliqués. Avec Laurent Depoitre, Sven Kums, Hannes Van der Bruggen et les femmes, nous nous sommes rendus à Bruxelles, au restaurant Ket. Les joueurs des Balkans avaient loué un bateau sur la Lys et ils m’ont spontanément demandé si je voulais les accompagner. C’est unique.  »

 » Il y a cinq ans, j’étais épais comme une tuile, je pesais 66 kilos. Aujourd’hui, j’en pèse un peu moins de 71, ce qui veut dire que j’en ai pris cinq. J’envoie déjà le ballon un peu plus loin, je dépense moins d’énergie dans les duels et je me fais moins facilement bousculer.  » (Brecht Dejaegere, Het Laatste Nieuws, 20/9/2014)

Dejaegere :  » Un jour, j’ai lu une interview de Hein où il disait que je devais être plus costaud. A partir de ce jour-là, je me suis rendu quatre fois par semaine au fitness avec Sven Kums, y compris après les cours ou les jours de congé. J’étais prêt à tout pour être plus costaud et pour m’imposer dans le monde du football professionnel. Mon père a souvent dit que le football n’était pas fait pour les mauviettes. J’ai essayé la créatine et les produits Herbalife mais j’ai arrêté car je ne me sentais jamais fatigué. J’ai plutôt misé sur une alimentation saine comme des flocons d’avoine chaque matin. Je bois beaucoup d’eau également. J’ai arrêté le coca et je me couche tôt. Je fais de la musculation au moins trois fois par semaine après l’entraînement. Je travaille les triceps (et les muscles des épaules), les biceps (et les muscles dorsaux) et les épaules (avec les muscles des jambes). J’ai fait un régendat en éducation physique, je sais donc que la musculation ne doit pas se faire au détriment de ma vitesse et de mon explosivité. Avant, j’étais parfois cuit après 55 minutes mais ces exercices m’ont aidé à tenir le coup pendant tout un match. Aujourd’hui, j’arrive à lever la tête, je suis plus équilibré.  »

 » Ici, il n’y a pas de vedette. Quand on joue avec des joueurs plus âgés, on doit faire attention à ce qu’on dit, sous peine de passer pour arrogant. Avant, quand je demandais à Habibou de donner un coup de main en défense, il répondait : Je reste devant. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.  » (Brecht Dejaegere, Het Laatste Nieuws, 19/1/2015)

Dejaegere :  » Lors du stage en Espagne, juste avant le début des play-offs, l’entraîneur nous a répartis en groupes et nous a montré des phases de match en vidéo. Lorsque nous encaissions un but, Laurent Depoitre, Renato Neto et moi devions dire ce qui n’avait pas fonctionné. C’était une confrontation directe mais personne ne nous a contredit alors qu’avant, il fallait toujours faire attention à ce qu’on disait car c’était parfois mal interprété. Aujourd’hui, on analyse tout en groupe. Le coach a vite fait en sorte que les joueurs qui ne pensaient qu’à eux-mêmes quittent le club. Si nous voulions aller loin, l’équipe devait être bien classée. Ce n’est que comme cela qu’on attire l’attention. Il faut donc pouvoir mettre son égo de côté au service du groupe. Le plus bel exemple de tout cela, c’est Laurent Depoitre. Au début, on se posait des questions à son sujet mais il a fait taire les critiques en marquant et en délivrant des assists. Nous voulons tous aider Lolo et il nous le rend bien. Vous l’avez déjà vu exiger de tirer un penalty ? C’est l’entraîneur qui décide et tout le monde s’y tient. C’est ça qui fait notre force : tout le monde est prêt à se sacrifier.  »

 » J’ai peu d’amis dans le monde du football mais Brecht, c’est mon frère. Un jour, il m’a appelé parce qu’il avait besoin d’un oeuf ? Ce jour-là, je n’étais pas à la maison mais la grand-mère de ma copine y était. Brecht est monté dans sa voiture pour venir chez nous, il a ouvert le frigo et il a pris son oeuf.  » (Renato Neto, Het Laatste Nieuws, 30/1/2015)

Dejaegere :  » C’est vrai, je m’entends bien avec tout le monde. Hier soir encore, Renato s’est invité chez moi pour souper, en compagnie de sa copine et de son fils, parce qu’il y avait des travaux chez lui et qu’ils n’étaient pas finis à temps. Nous nous sommes bien amusés car, après une lasagne au poisson, nous avons regardé un match de Ligue des Champions à la télévision. Ces choses font en sorte que je me sens bien dans ma peau. Nous faisons chaque jour le trajet ensemble. La saison dernière, il lui arrivait d’arriver en retard à l’entraînement mais cette saison, jamais. Je me lève tôt et il me suit. Mon père dit que, les vrais amis, on les compte sur les doigts de la main. Moi, j’en ai deux : Renato et un autre, à qui je peux tout raconter.  »

 » Eva Maenhout, notre psychologue, m’a appris à diminuer la pression. Après notre premier entretien, je me sentais très bien. Je lui ai dit que je devais bien jouer. Elle m’a répondu que ce n’était pas une obligation mais une possibilité. Elle a fait en sorte que le déclic se produise.  » (Brecht Dejaegere, De Standaard, 4/2/2015)

Dejaegere :  » J’étais déjà allé voir un psychologue mais j’avais le sentiment d’être un patient (il rit). C’est à peine si on ne m’avait pas fait coucher sur un divan, vous comprenez ? Mais je ne suis pas malade, hein ! Eva s’est plutôt comportée comme une mère, elle m’a donné des conseils, m’a écouté et a beaucoup observé. Je suis très sociable et je n’ai eu aucune peine à tout mettre sur la table. C’était très spontané. Eva s’est montrée très surprise car je progressais très vite. Maintenant, nous nous parlons au moins une fois toutes les deux semaines. De football, de la vie privée, de mon avenir… Je doute très vite et j’éprouve souvent des difficultés à faire des choix. J’ai toujours voulu être sûr de ne pas me tromper. Aujourd’hui, je laisse davantage venir les choses.  »

PAR FRÉDÉRIC VANHEULE – PHOTOS : BELGAIMAGE

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