« C’est fou ce que j’ai rajeuni! »

Bruno Govers

Convalescent, Robert Waseige cédera le témoin des Diables Rouges à Vince Briganti lors de Tchéquie-Belgique.

On prétend souvent qu’un malheur ne vient jamais seul. Et le moins que l’on puisse écrire, c’est que la famille Waseige en a eu un très large aperçu au mois d’avril. Car le lendemain de l’intervention chirurgicale subie par l’entraîneur fédéral, c’était au tour de son fils Frédéric, joueur du SK Tongres, d’être admis en clinique en raison d’une épaule déboîtée en cours de match. Vingt-quatre heures plus tard à peine, le cadet, William, était victime d’un accident de la route et transporté à son tour à l’hôpital des Bruyères à Chênée.

« Entre le CHR de Liège, Tongres et Chênée, maman a franchement été servie », observe Fred. « Heureusement, le séjour à l’hôpital de mon frère et de moi-même n’aura pas été bien long. C’était prévisible en ce qui me concerne mais William a vraiment eu la baraka, dans la mesure où sa voiture fut réduite à un tas de ferraille. Souffrir, comme lui, d’un simple enfoncement de la cage thoracique, relève du miracle dans ces conditions ».

Frédéric Waseige, au même titre que ses proches, ne s’attendait pas du tout à l’hospitalisation du paternel. « Depuis quelques années, il se soumettait invariablement à un check-up au printemps », dit-il. « Mon père a toujours été un homme très ordonné et scrupuleux des règles. Il ne se serait jamais avisé d’amener sa voiture à l’entretien passé le seuil de kilomètres autorisés, par exemple. Il préférait qu’elle rentre au garage avant cette limite plutôt qu’après. En matière de santé, il n’a jamais badiné avec la discipline non plus, même si, bon an mal an, c’était toujours la même rengaine avec lui : son état de santé ne laissait jamais à désirer.

Le contrôle de routine auquel il s’est livré aura finalement été sa chance. L’obturation artérielle a effectivement été détectée à temps, sans quoi, à terme, il aurait probablement fait un infarctus. A présent, il a pu être soigné avant que pareille lésion ne se manifeste et, aux dires du corps médical, son coeur est désormais même plus solide qu’avant. Pour lui et pour nous, il est heureux que la nouvelle concernant l’opération soit tombée comme un couperet. Car ni mon père ni ses proches n’ont eu l’occasion de stresser ».

A son tour William, qui véhicula son père à la conférence de presse, vendredi passé, observe : « Sitôt l’intervention déroulée, il ne fallait pas être grand devin pour comprendre que tout allait bien. Un signe qui ne trompe jamais, chez lui, c’est son humour. Et, même aux soins intensifs, il ne put s’empêcher déjà de le manier. Depuis lors, j’ai l’impression qu’il est redevenu sensiblement le même homme. A cette nuance près, peut-être, que tout se déroule de manière plus posée qu’avant, pour le moment. Quand il parle, ce n’est pas encore avec le même débit qu’on lui a toujours connu, notamment. Mais ce n’est qu’une question de temps. Sous peu, il aura retrouvé toute sa verve de ce côté-là aussi. J’en suis sûr. Les Diables Rouges ne perdent rien pour attendre ».

Une fois seulement en l’espace d’une carrière de coach longue de trente ans, puisqu’entamée en 1971 au FC Winterslag, Robert Waseige avait dû faire l’impasse, contraint et forcé, sur un match de l’équipe qu’il drivait. C’était le 4 novembre 1984, à l’occasion d’un affrontement entre Waregem et le FC Liégeois. Cinq jours plus tôt, le mentor des Sang et Marine avait effectivement été opéré à la Clinique de l’Espérance, à Montegnée, d’une double hernie discale. A l’époque, ses adjoints, qui avaient pour noms Paul Henry et l’ex-gardien Roger Agneessens, s’étaient chargés de reprendre les rennes de l’équipe en mains pour les besoins de ce déplacement périlleux au Gaverbeek. Une mission dont ils s’étaient acquittés à merveille puisque les joueurs de Rocourt, emmenés par Edhem Sljivo et… Benoît Thans réussirent la belle gageure d’arracher un nul vierge, au stade Arc-en-ciel, face à une formation articulée, notamment, autour de Danny Veyt et de Filip Desmet.

Seize ans plus tard, ce sera cette fois au tour des assistants Vince Briganti et Jacky Munaron d’assurer le relais de celui qui préside depuis le 20 août 1999 à la destinée de notre équipe représentative. Un intérim qui, en toute logique, devrait à nouveau se borner à sa plus simple expression, à savoir la rencontre amicale que les Belges livreront contre la Tchéquie, mercredi prochain. Si tout se déroule conformément aux prévisions, en effet, (une période de convalescence d’un mois) le coach national sera bel et bien au poste à l’occasion des deux dernières joutes qualificatives pour la Coupe du Monde 2002 prévues cette saison : le 2 juin face à la Lettonie et le 6 du même mois à St-Marin. Des rendez-vous qui, selon toute vraisemblance, ne devraient pas poser un casse-tête pour les Diables Rouges avant les joutes décisives contre l’Ecosse, le 5 septembre, d’abord, puis en Croatie, à Split, le 6 octobre.

« Dans un premier temps, Robert Waseige avait d’ailleurs exprimé son intention de passer sur le billard au terme de ce parcours, entendu que son opération ne présentait pas un caractère urgent », précise le président de l’URBSFA, Michel D’Hooghe. « J’ai toutefois conseillé à l’entraîneur fédéral d’être délivré au plus vite de ses tourments, sans quoi il n’aurait pas été apaisé au cours des six mois à venir. La chance aura voulu qu’aucun rendez-vous majeur n’ait été programmé durant la présente période, hormis ce match de préparation à Prague, et qu’il n’avait, dès lors, aucun souci de ce côté. Mais même si la Belgique avait dû disputer une rencontre décisive actuellement, mon discours eût été exactement le même. Car la santé prime toute autre considération ».

C’est pour cette raison d’ailleurs que Michel D’Hooghe, lui-même médecin de formation, avait été le premier à formuler le souhait que Robert Waseige ne dirige pas les Diables Rouges en Tchéquie, moins d’un mois à peine après avoir subi un quadruple pontage coronarien.

« Quand un homme est en bonne santé, il doit avoir mille ambitions, mais quand il est convalescent, son seul souci doit être de recouvrer toutes ses facultés », dit-il lors de la conférence de presse mise sur pied au siège de la fédération.

Aussi, la solution du bon sens résidait-elle, précisément, dans ce passage du témoin à titre provisoire. Ce qui ne signifie pas, pour autant, que le coach national ne sera pas présent en Tchéquie. Le chairman de l’Union Belge a laissé la porte ouverte sous la forme d’un déplacement comme membre d’honneur. Mais cette décision est assujettie au feu vert de la Faculté, bien entendu.

Pour sa première sortie, quinze jours exactement après son opération, Robert Waseige est apparu sensiblement amaigri -il a perdu une bonne dizaine de kilos- et un peu pâlot, ce qui n’a rien d’étonnant compte tenu de la nature de l’intervention pratiquée sur lui : un quadruple pontage coronarien, rendu nécessaire par le fait que l’artère bouchée n’avait pu être dégagée par dilatation. Dans son laïus teinté d’humour, comme à son habitude, l’entraîneur fédéral a fait à la fois le point sur son état de santé (« Je suis plus jeune de vingt ans mais je ne le sens pas encore »), rendu hommage au corps médical (« C’est fou ce qu’on peut entendre de sirènes quand on ne dort pas ») et rassuré tout le monde quant au proche avenir des Diables Rouges (« Nous avons toujours oeuvré de concert au sein du staff technique, il serait dès lors sot de l’identifier à une seule personne. La structure de l’équipe nationale est une matière vivante avec une administration et une organisation parfaitement huilées. Dans cet ordre d’idées, je cède temporairement ma place de bon coeur »).

Et le président Michel D’Hooghe de rappeler, à ce propos, qu’au plan politique, un cas similaire à celui de Robert Waseige s’était produit par le passé. Et ce, sans incidence sur le bon fonctionnement du pays : « Opéré du coeur, autrefois, le Premier Ministre, Wilfried Martens, avait transmis le flambeau à Jean Gol pendant deux mois. Celui-ci assura l’intérim de manière parfaite avant que la Belgique ne salue le retour de l’homme fort. A l’échelon de notre football, il n’en ira pas autrement ».

En Tchéquie, c’est donc le tandem formé de Vince Briganti et Jacky Munaron qui héritera du témoin. Pour ce match, qui s’inscrit entre deux joutes qualificatives (Ecosse et Lettonie), les bras gauche et droit de Robert Waseige devraient tout simplement oeuvrer dans la continuité.

« La sélection définitive sera déterminée vendredi après concertation avec le coach fédéral », observe Vince Briganti. « C’est lui aussi, d’ailleurs, qui prendra la décision finale quant à la tactique à adopter. Personnellement, j’espère que cette mission de dépannage ne me sera réservée qu’une seule fois. Car elle serait, du même coup, synonyme du bon rétablissement de l’entraîneur. Et c’est ce que nous espérons tous, évidemment ».

Bruno Govers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire