« C’est de plus en plus difficile à Anderlecht »

Le triple Footballeur professionnel de l’année se demande où il doit placer la barre.

Anderlecht va tenter de remporter un 31e titre de champion de Belgique. Rien de neuf sous le soleil. Le Sporting tentera aussi de se qualifier pour les poules de la Ligue des Champions. Cela aussi, on le sait. Et Mbark Boussoufa, que vise-t-il ? Un quatrième titre de Footballeur professionnel de l’année… ou autre chose ?

Le championnat reprend ce samedi…

MbarkBoussoufa : Enfin. Il était temps. On a eu une bonne préparation, parfois dure mais dosée comme il se doit. Maintenant, il faut mettre tout cela en pratique lors des matches officiels. La Supercoupe, passe encore. C’est un match officiel, certes, mais c’est une ultime préparation au tour préliminaire de la Ligue des Champions, qui est notre premier objectif.

Et en championnat, qui considérez-vous comme votre plus sérieux rival ? Bruges ou le Standard ?

Les deux. Bruges a conservé à peu près la même équipe, donc la base est là. Au Standard, c’est l’inverse, mais je suppose que les arrivées permettront de compenser les départs. C’est peut-être celui d’Igor de Camargo qui pèsera le plus lourd. Un joueur comme lui, fort de la tête, capable de conserver un ballon, cela ne court pas les rues.

Et à Anderlecht, que peut-on ou doit-on encore améliorer ?

La saison dernière, on avait inscrit de nombreux buts et on avait souvent tenu le zéro derrière. On pourrait donc dire qu’on est au point, tant offensivement que défensivement. Là où l’on peut encore s’améliorer, c’est dans la construction depuis l’arrière. Au lieu d’effectuer plusieurs passes latérales, on devrait progresser plus rapidement vers l’avant.

Est-ce une question de technique ou d’audace ?

Je dirais d’audace. On doit régler les automatismes pour remonter plus rapidement le terrain. Les mouvements se construisent depuis l’arrière, tout part de là. C’est important.

L’équipe est la même que la saison dernière, à l’exception de Van Damme.

On connaît la place que ce joueur prenait. Sur le terrain, mais aussi en dehors. Cette absence, on la sent déjà. C’était un vrai leader, qui donnait le tonus, s’imposait physiquement, était capable de reprendre les ballons de la tête sur les phases arrêtées. En ce qui me concerne, il me soulageait dans les duels. Il en gagnait beaucoup dans mon dos et me facilitait la vie grâce à son pressing. Cela me permettait d’aller de l’avant. Ce qui ne gâte rien, c’était aussi un compagnon très apprécié.

Sans lui, faudra-t-il jouer différemment ?

Peut-être, oui. Plus en technique, plus en combinaison. Jelle était un joueur très physique. Les nouveaux arrivés ont un profil différent, plus technique.

La solution, c’est le toque, comme à Barcelone ?

( ilrit) Barcelone, c’est la perfection dans ce domaine. On peut essayer d’y tendre, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Il faut surtout rechercher un nouvel équilibre, entre puissance et technique, entre jeu rapide et jeu posé.

 » Leader, oui. Mais d’abord sur le terrain « 

Pouvez-vous reprendre le rôle de leader de Jelle ?

Je vais essayer, en tout cas. Je suis à Anderlecht depuis quatre ans. J’ai toujours essayé de jouer un rôle dans le vestiaire. Cela va de mieux en mieux et je vais encore progresser. Tout comme Lucas Biglia. Il est aussi capable de s’ériger en leader. Mais le plus important reste de prester sur le terrain.

Les quatre nouveaux venus sont essentiellement des jeunes, de nationalités différentes. N’est-ce pas un handicap au niveau de la cohésion ?

Beaucoup d’équipes ressemblent à une tour de Babel. Au niveau de la langue, cela ne devrait pas poser de problème. Au fil du temps, j’ai appris à bien m’entendre avec Biglia, par exemple. Aujourd’hui, il comprend tout ce qu’on lui dit, ou quasiment. Cela devrait aussi être le cas des nouveaux venus. Ce sont des jeunes de talent et il faudra sans doute faire preuve de patience à leur égard. Mais Sacha Kljestan m’a révélé que le Sporting le suivait depuis longtemps…

Le temps manque, avec ce tour préliminaire de Ligue des Champions…

Oui, bien sûr. Il n’est pas question de bâcler cette mission. Normalement, en tant que champion, on devrait pouvoir préparer la saison en douceur. Mais cette année, ce n’est pas le cas. On passe par les tours préliminaires.

Le spectre de BATE Borisov hante-t-il toujours les esprits ?

La leçon a porté ses fruits. A l’époque, on avait peut-être abordé le tour préliminaire de façon trop nonchalante. On avait aussi mis en exergue la préparation qui n’avait pas été assez corsée, mais je ne pense pas que ce soit la raison principale de notre élimination. Les circonstances ne nous avaient pas été favorables, ni à l’aller ni au retour. On avait eu un penalty contre et deux exclusions…

La dernière participation aux poules de la Ligue des Champions remonte à 2006.

On avait démontré qu’on avait le niveau, même si on n’avait pas réussi à s’extraire de la poule. Manque de chance : contre Lille, on avait mené 1-0 avant de se faire remonter en toute fin de match. Contre l’AEK Athènes, on avait même mené 2-0, avant d’également concéder le partage. En Grèce, on avait encore mené 0-1, pour se faire rejoindre dans la minute qui suit.

Etait-ce vraiment une question de malchance ?

On avait une toute nouvelle équipe. Je venais d’arriver. Comme Ahmed Hassan, Van Damme, Biglia ou Christian Leiva. On peut aussi parler de manque d’expérience.

Etait-ce encore le cas contre Hambourg, la saison dernière ?

C’était différent. D’abord, c’était l’Europa League, où l’on a réussi un beau parcours. Au retour, on a mené 4-2, avant de pousser pour inscrire un cinquième but qui nous aurait qualifiés. Au lieu de cela, ce sont les Allemands qui ont marqué. Mais, si l’on veut franchir une étape sur la scène européenne, on devra surtout progresser en tant qu’équipe. On n’a pas les individualités pour forcer la décision sur une action à la Lionel Messi. Du moins, pas au niveau international. Sur le plan belge, éventuellement, cela peut passer.

 » Contrôler mon impulsivité ? J’y pense ! « 

Que pouvez-vous encore améliorer dans votre jeu ?

Sur le plan des statistiques, ce sera difficile de faire mieux. J’ai terminé la saison dernière avec 14 buts et 20 assists. Si je pouvais reproduire les mêmes performances, je serais déjà très heureux.

Et les cartons jaunes ?

Il faudrait effectivement que j’apprenne à mieux me maîtriser. Cette impulsivité a failli me pénaliser durant les play-offs. Mais c’est mon caractère. Il faut me comprendre également : on est agressé une fois, deux fois, trois fois. Impunément. Et lorsqu’on ose le signaler à l’arbitre, il vous brandit le carton jaune.

On dit qu’il faut protéger les artistes…

Belles paroles !

En parlant d’artiste : vous attendez-vous à une saison plus difficile de Romelu Lukaku, qui devra confirmer ?

Je ne sais pas. On a coutume de dire que l’année de la confirmation est la plus difficile. Et tout est allé tellement vite pour lui. L’effet de surprise ne jouera plus. En contrepartie, il a déjà acquis beaucoup d’expérience.

Que peut-il encore améliorer ?

S’il marque déjà très facilement, il peut sans doute encore améliorer sa technique, son jeu en combinaison. Laissons-lui le temps de se développer : il est encore si jeune, il vient à peine d’avoir 17 ans.

Vous le conseillez ?

Seulement s’il le demande. J’essaie de ne pas exagérer. C’est quelqu’un qui se soigne, qui se repose, qui est bien encadré. Mais je suis à sa disposition. Il arrive qu’on discute dans le vestiaire, oui.

Durant son absence pour blessure, Anderlecht devra-t-il jouer différemment en attaque ?

Sans lui, sans Nicolas Frutos, sans Tom De Sutter qui revient de blessure mais doit encore retrouver le rythme, Anderlecht n’a plus ce type d’attaquant-pivot. Suarez, c’est un autre profil. Pablo Chavarria est arrivé. Avec eux, on jouera peut-être plus en combinaisons rapides également. Cela ne me pose pas de problème : je peux jouer avec n’importe quel type d’attaquant. Dans ce secteur-là aussi, l’entraîneur devra trouver un nouvel équilibre.

Espérez-vous l’arrivée de Mahmoud Shikabala ? Ce serait un concurrent en plus…

J’espère toujours l’arrivée d’un bon joueur. Et Shikabala, apparemment, en est un. On l’a parfois présenté comme mon clone, le joueur idéal pour me succéder. Si l’on doit jouer ensemble, pourquoi pas ? La concurrence ne m’effraie pas.

Dix ans à Anderlecht, comme Van Himst ou Zetterberg ?

Vous-même, quels défis pouvez-vous encore relever ?

Aucun ! Non, je blague : on peut toujours repousser ses limites. Evidemment, cela devient de plus en plus difficile.

Que voulez-vous dire ?

J’ai gagné à peu près tout ce qu’il est possible de gagner, en Belgique. Que ce soit sur le plan individuel ou collectif. Je peux, bien sûr, essayer d’ajouter un nouveau titre de champion, un nouveau trophée de Footballeur professionnel de l’année ou un nouveau Soulier d’Or à mon palmarès. Là n’est pas la question. Il y a des footballeurs, comme Pär Zetterberg ou Paul Van Himst, qui ont marqué l’histoire d’Anderlecht en brillant durant dix ans ou plus. Je laisse à d’autres le soin de décider quelle place j’occuperai dans l’histoire du Sporting. Simplement, je constate que l’on devient de plus en plus exigeant à mon égard. Un beau geste de ma part est devenu banal aux yeux des observateurs. Ils exigent toujours davantage. Ce qui était génial hier ne l’est plus aujourd’hui. Vous me comprenez ?

Avez-vous l’impression d’avoir fait le tour de la question en Belgique ?

Je ne dirai pas cela, je suis heureux ici et je peux encore ambitionner de briller davantage sur la scène européenne. Mais le véritable défi serait peut-être de réussir dans un grand championnat.

Hésitez-vous entre rester à Anderlecht, où vous êtes bien, où vous avez trouvé vos marques sportives et où vous avez vos amis, et partir à l’étranger ?

Les amis, c’est bien, mais en football, ce sont les défis qui priment. Pour franchir un palier, il faut parfois consentir des sacrifices. Comme celui de s’éloigner des amis. Je préfère ne rien savoir au sujet d’un éventuel transfert. Je n’écoute pas les rumeurs, je ne lis pas les noms de clubs qui circulent dans la presse : aussi longtemps que je serai à Anderlecht, je veux me concentrer sur la tâche qui m’attend ici. Le jour où mon manager m’appellera, cela signifiera qu’une proposition est réellement concrète.

Le mercato reste ouvert jusqu’au 31 août…

Pour moi, ce n’est pas un problème. Pour les dirigeants de clubs, peut-être davantage. C’est la date fixée, on ne peut rien y faire.

A l’AZ, Moussa Dembelé ne dispute pas les tours préliminaires de l’Europa League pour ne pas compromettre un futur transfert. N’avez-vous pas songé à déclarer forfait contre The New Saints ?

Non, jamais. Moi, je veux jouer. Après, on verra.

Est-il question d’un nouveau contrat à Anderlecht ?

On en a parlé, oui. Il est prévu qu’on se mette à table pour en discuter, à un moment donné. Quand ? Je ne sais pas. Pour l’instant, il y a d’autres priorités. La qualification pour les poules de la Ligue des Champions, par exemple.

par daniel devos

« On va sentir l’absence de Jelle Van Damme. On la sent déjà, d’ailleurs. »

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