C comme Club…

Le président d’honneur du Club Bruges a connu tant de personnages et de moments mémorables depuis les seventies qu’il a eu du mal à limiter sa sélection.

M ichel D’Hooghe s’est acquitté de sa tâche avec plaisir : il a pu replonger dans le passé. Pour rappel, au début des seventies, jeune médecin il prenait place aux côtés du légendaire coach autrichien Ernst Happel sur le banc. Président fédéral de 87 à 2000, il a ensuite été président du Club pendant six ans avant d’en être président d’honneur.

A. Axelsson

 » En 1967, j’ai accueilli le défenseur suédois Kurt Axelsson à Zaventem. Notre premier pro ! Encore étudiant, je m’impliquais dans la vie du Club. Je me suis adressé à lui en anglais, en français et en allemand mais ce premier contact n’a pas été évident. En route vers Bruges, j’ai échangé quelques mots en dialecte brugeois avec le chauffeur. Souriant, Axelsson m’a dit qu’il avait tout compris ! Notre dialecte est proche des langues scandinaves…

Kurt s’est aisément intégré. Il a même épousé une Brugeoise. Sur le terrain, il était un organisateur mais en dehors, il parlait peu. Avec l’entraîneur Norberto Höfling, à l’origine de son transfert, il a été le pionnier du professionnalisme chez nous.  »

B. Boone

 » Gardien réserve, Fernand Boone était si bon que le titulaire, Berten Carels, a demandé à la direction de l’aligner ! Boone possédait un niveau exceptionnel. Il commettait très peu d’erreurs et avait une explication toute prête à chaque but encaissé. Il y avait toujours un adversaire non marqué dans ces cas-là ! Sa carrière internationale a été freinée par Jean Nicolay puis par Christian Piot. Le Soulier d’Or lui a été attribué en 1967 pour récompenser sa carrière.  »

C. Ceulemans

 » Je songe à Charles Cambier, un pilier de l’équipe championne de 1920, à Leo Canjels, l’entraîneur du titre 1973, à Pierre Carteus et à son génial passing, à Julien Cools mais un homme émerge : avec Raoul Lambert, Jan Ceulemans est le meilleur joueur de l’histoire du Club. Il n’était pas le plus raffiné mais il était costaud, engagé, fin tacticien, bon ballon au pied et il avait le sens du but. Il élevait le niveau de ses coéquipiers. L’échec de sa carrière d’entraîneur au Club a été une déception et a laissé des cicatrices.  »

D. De Clerck

 » Les noms abondent : le président Dyserinck, qui a offert les terrains du Klokke au Club, Marcel Deldaele, le banquier qui a stabilisé ses finances après une période pénible, Filips Dhondt, un de mes meilleurs collaborateurs. Marc Degryse, un super talent, y compris en dehors du terrain ou encore Roger Davies et Jacques De Nolf.

Je retiens quand même la dynastie De Clerck, qui a été à la tête du Club de 1937 à 1989. Emiel a offert du travail aux joueurs dans son abattoir, André a été à la base du professionnalisme et le Club a signé ses plus jolis succès sous la houlette de Fernand. Celui-ci a été président plus d’un quart de siècle, toujours en coulisses, malgré sa connaissance du football.  »

E. Elza

 » Elza, la femme d’André De Clerck, a été le meilleur RP du Club. Toujours aimable, elle avait des mots de réconfort pour les visiteurs, qui avaient perdu. Constant Vanden Stock s’est déplacé de Bruxelles pour assister à son enterrement, tant il l’appréciait. Elza était ma marraine. Elle m’a baptisé avec de l’eau bleue et noire.  »

F. Fons

 » Fons Bastijns a été le capitaine de la meilleure équipe. Höfling l’a transféré du Racing White et a mué cet avant en arrière droit. Sa vitesse lui permettait d’être à la fois arrière et ailier. Il avait un humour sec. Intelligent, Fons forçait naturellement le respect.  »

G. Goetinck

 » Torten Goetinck a joué 27 ans pour le Club, personnifiant l’équipe du premier titre, en 1920. Il est ensuite devenu entraîneur et membre du conseil d’administration. Je pense à d’autres, comme Eric Gerets ou Fernand Goyvaerts, le roi du dribble, à Han Grijzenhout, le coach du titre 1980, sans oublier Ruud Geels, l’avant néerlandais.  »

H. Happel

 » Ernst Happel a conféré une dimension internationale à Bruges. Il n’a jamais reculé devant les innovations tactiques : une fois, il a procédé avec… deux ailiers droits. Une bête de football, dur envers lui-même et les autres. Avec lui, on vivait en permanence sur un volcan. Il était imprévisible, impénétrable.  »

I. Ipswich

 » Impossible d’oublier ce match à domicile contre Ipswich Town, en 1975 ! Battus 3-0 là-bas, nous avons gagné 4-0. J’ai rarement vu un match bouleverser autant les supporters. Cette saison-là, nous avons disputé la finale de la Coupe UEFA. Quelques années plus tard, Ipswich a participé aux Matines Brugeoises. Dans mon discours, j’ai rappelé à Bobby Robson qu’il était déjà venu et il m’a répondu : – En effet et cela a failli me coûter mon boulot.  »

J. Jensen

 » Un grand gardien et un rebelle. Birger Jensen était très populaire. Il était un des joueurs-clefs de Happel : costaud, il était quasi invincible un contre un et possédait un bon bagage technique. Pour mesurer sa popularité, il suffit de se rendre à l’état civil : combien de Birger ne sont-ils pas nés dans les années 70 ? Jensen ne mâchait pas ses mots. Mieux valait ne pas se disputer avec lui. Même Happel le craignait car il disait ce qu’il pensait.  »

K. Kyndt

 » Pendant plus de 30 ans, Marcel Kyndt a été un excellent vice-président. Responsable du département financier, il a été très rigoureux. Combien d’heures n’a-t-il pas passé au Club, le soir, après son travail ?…. Je pense aussi à George Kessler, l’entraîneur qui a placé le Club sur les bons rails. Il y a encore Edy Krieger, un des défenseurs les plus mobiles que j’ai jamais vu. Je me suis rendu en Autriche pour l’embaucher car Happel le voulait.  »

L. Lambert

 » Raoul Lambert est la figure de proue du Club. Talentueux, rapide mais la simplicité personnifiée. J’ai fait sa connaissance à l’infirmerie, à cause de ses nombreuses blessures et nous sommes devenus amis. J’ai contribué à la rédaction de son livre. Le plus beau souvenir date de la nuit suivant la qualification pour la finale de la Coupe d’Europe contre la Juventus, en avril 1978. Une fois de plus, son état a nécessité plusieurs heures de soins. A quatre heures du matin, sa femme Hedwige nous a préparé à manger. Ensemble à table, nous avons vécu un moment spécial et intense. Pas question d’omettre Georges Leekens ! Un brillant défenseur et un footballeur sous-estimé. Happel lui infligeait une amende s’il dépassait la ligne médiane. Il y a aussi Willy Lagasse, secrétaire et une des principales figures administratives.  »

M. Marcel et Meentje

 » Un couple indissociable, les Van Vijve. Il était concierge du Klokke et elle tenait la cafétéria sous la tribune. Ils s’occupaient de l’équipement de toutes les catégories, avec dévouement. Gilbert Marmenout, lui, était l’impitoyable stopper de la période Lambert- Thio-Carteus . Avant chaque match, il se massait avec une huile de poisson spéciale. On le sentait à 100 mètres. Il paraît qu’il ne pouvait jamais partager la couche de sa femme ensuite… Même après plusieurs douches, l’odeur persistait.  »

N. Nico Rijnders

 » Venu de l’Ajax, il a rapidement présenté des problèmes cardiaques. Le 12 novembre 1971, contre le FC Liégeois, il a même été en état de mort clinique mais je suis parvenu à le réanimer. J’ai rarement été aussi heureux. Nous nous sommes liés d’amitié pendant sa revalidation cardiaque. Il a toujours su compenser ses limites physiques par son engagement. « 

O. Off-side

 » C’est la seule règle complexe du football. Elle suscite beaucoup d’émotions et d’énervement. Les études médicales démontrent qu’en fait, la tâche de l’arbitre assistant est impossible : un humain ne peut suivre le ballon du regard tout en gardant l’£il sur la ligne de défense. Il s’écoule une fraction de seconde, durant laquelle il peut se passer beaucoup de choses. J’ai toujours éprouvé beaucoup de respect à l’égard des arbitres. Ils courent beaucoup plus que les autres, en avant mais aussi en arrière, ce qui entraîne des blessures spécifiques. « 

P. Piccu

 » André Piccu est le prototype du dirigeant qui est passé par tous les postes. Un club de football ne peut exister sans ce genre d’hommes et en plus, il est une encyclopédie. Je dois citer Pascal Plovie, un pur produit du Club, mais aussi Jean-Pierre Papin, scouté par Raoul Lambert à Valenciennes. Raoul m’a téléphoné en pleine nuit pour me dire qu’il fallait absolument le transférer. Je lui ai demandé à qui il pouvait le comparer et il m’a répondu : – A celui qui est à l’autre bout du fil.  »

Q. Querter

 » Alex Querter a sa place dans l’histoire du Club pour sa polyvalence. Je ne sais pas s’il a déjà défendu le but mais il a occupé toutes les autres positions.  »

R. Rensenbrink

 » A mes yeux, Robbie Rensenbrink est le Néerlandais le plus talentueux de tous les temps. Selon moi, il est parti trop tôt à Anderlecht même si les Bruxellois ne partagent pas mon avis.  »

S. Sterchele

 » Ici, le choix est déchirant. Il y a Trond Sollied, avec sa vision très spéciale du football et de la discipline. Il a connu un énorme succès mais il a eu la chance de disposer d’un noyau très discipliné. Il y a évidemment Timmy Simons, que j’ai vu pour la première à Westerlo, sous le maillot de Lommel. Sa polyvalence m’a charmé.

Je n’oublierai jamais François Sterchele, un brillant footballeur et un garçon charmant. Il a traversé la vie en sifflant, comme James Dean. Comme l’acteur, il a payé de sa vie un dramatique accident. J’ai rarement senti pareille solidarité au Club que pendant la minute de silence, lors du match suivant contre Westerlo. Je n’oublierai jamais son enterrement. Durant mon discours, j’ai dit : – François, you’ll never, never, never walk alone.  »

T. Thio

 » Il est sans doute le joueur le plus doué de toute l’histoire du Club. Une fois, contre Anderlecht, Johny Thio a marqué quatre buts sur corner. Jean Trappeniers s’en souvient encore ! Johny avait une superbe technique de frappe. Une fois, nous avons parié un casier de bière lui et moi : frapper vingt fois de suite la barre transversale, depuis la ligne du rectangle. Je pensais ça impossible. Au 16e ballon, Johny a précisé que je pouvais choisir de quel pied il allait tirer les quatre derniers. J’ai payé le casier avec plaisir. Johny doit sa popularité à sa simplicité encore plus qu’à son talent. Il a un autre mérite : lors de son transfert de Roulers à Bruges, il a amené des milliers de supporters de sa région et ils sont restés fidèles au Club par la suite.  »

U. Ulrik Le Fevre

 » Encore un virtuose. Ses éclairs, ses centres de la gauche… Il n’a jamais plané. Il m’a confié : -Michel, j’ai souvent été champion mais jamais avec un entraîneur sympathique.  »

V. Van Maele

 » Que de possibilités ! Erwin Vandendaele, Réne Vandereycken, Franky Van der Elst et Jos Volders, tous ont écrit des pages de l’histoire du Club, comme Antoine Vanhove grâce à sa connaissance du football et à son éventail de contacts.

Pourtant, un homme émerge : Michel Van Maele. Sans être un fin connaisseur du football, il a marqué le Club de son empreinte. Il l’a sauvé d’une catastrophe financière dans les années 70. Il était un visionnaire, un homme qui avait toujours trois longueurs d’avance. De retour de Wembley, après la finale de la C1, il a jugé opportun de prendre congé d’Happel. Nul n’aurait osé le dire mais il avait raison. Van Maele était empli de bon sens. Il m’avait prodigué ce conseil : – Quand tu veux obtenir quelque chose, demande-le à quelqu’un qui a beaucoup de travail. C’est lui qui m’a envoyé, jeune médecin, à la Ligue pro. Il a donc été à la base de ma carrière nationale puis internationale.  »

W. Warrinier

 » J’ai travaillé quinze ans avec Eddy Warrinier, un kinésithérapeute très compétent. Ensemble, nous avons professionnalisé le staff médical du Club. Il était le confident des joueurs car il était particulièrement psychologue. Il savait très bien comment gérer un sportif. Et comment ne pas songer à Wembley ? Ce stade est magique mais je me souviens aussi du mal que nous avons eu à remettre onze joueurs en forme.  »

X. X

 » C’est le chromosome féminin : beaucoup de femmes ont joué un rôle important dans l’histoire du Club. Je vais parler d’ Yvonne Lahousse mais il y en a beaucoup d’autres. Veroniek Degrande tient la comptabilité depuis des années et elle m’a été d’une aide précieuse durant ma présidence. Il y a encore Ingrid Tempelaere, une infirmière remarquable.  »

Y. Yvonne

 » On la surnommait Vonne van de Spionkop. Yvonne Lahousse tenait le café Tuinwijk, un bistrot de supporters le long de la chaussée de Blankenberge. Elle était la maman du kop brugeois, célèbre pour l’ambiance qu’il mettait dans les années 60. Avec Fernand Coppens et le trompettiste Roger Leliaert, un kop a sonné l’attaque, pour la première fois en Belgique, dans une ambiance festive. Yvonne était une belle figure populaire, qui cadrait parfaitement avec le caractère de notre club.  »

Z. Zéro

 » Le résultat de tous nos efforts pour construire un nouveau stade. Zéro. Nous avons loupé une chance incroyable de hausser le niveau du Club et de tout le football belge. Partout dans le monde, on encourage la construction d’infrastructures sportives, même dans des pays qui n’ont pas beaucoup de moyens. Nos clubs ont besoin de nouveaux stades pour se développer, sportivement, économiquement et socialement. Or, nous reculons. L’avenir nous montrera du doigt. « 

PAR JACQUES SYS

 » Combien de Birger ne sont-ils pas nés dans les années 70 ? « 

 » Happel infligeait une amende à Leekens s’il franchissait la ligne médiane. « 

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