Buteur TOUT TERRAIN

Trois buts lors des matches de poule : le Danois confirme sa moyenne de la Coupe du Monde 2002.

Après une entrée en matière sur la pointe des pieds dans cet EURO 2004, les goleadors se sont subitement réveillés à l’occasion des matches décisifs du premier tour. Comme le Français Thierry Henry, auteur de deux buts contre la Suisse, le Hollandais Ruud van Nistelrooy, réalisateur d’un doublé contre la Lettonie, ou encore le phénomène anglais Wayne Rooney, qui a ajouté deux unités à son compteur personnel devant la Croatie. Sans oublier le Danois Jon Dahl Tomasson qui, non content d’avoir montré la voie à suivre à ses partenaires lors du second match de poule face à la Bulgarie, planta aussi les deux roses du partage dans le derby contre la Suède. La première, sur une balle en cloche somptueuse qui laissa le portier Andreas Isaksson pantois, et l’autre, sur un tir à bout portant après un renvoi approximatif de l’arrière-garde adverse. Désigné homme du match, loué aussi pour un envoi décisif considéré par beaucoup d’observateurs, jusque-là, comme le plus beau de la compétition, l’attaquant danois avait pourtant le triomphe modeste, après coup.

 » Honnêtement, je n’avais pas vu que le gardien était avancé au moment de frapper « , dit-il.  » La passe d’ Ebbe Sand était tout simplement parfaite et, compte tenu de la pluie diluvienne qui s’était abattue depuis le début de la rencontre, je me disais qu’Andreas Isaksson allait vraisemblablement manquer d’appuis si je tentais un lob. J’ai eu de la chance, sur cette phase, et il n’en est pas allé autrement sur le deuxième but, où j’ai bénéficié des largesses de l’opposition, soucieuse de dégager son camp vaille que vaille. N’importe quel autre joueur, placé dans les mêmes conditions, n’aurait éprouvé aucune difficulté pour conclure. Je n’ai donc pas grand mérite. Ma seule véritable satisfaction, depuis le début de la compétition, ne découle d’ailleurs pas d’un but mais plutôt d’un assist : celui qui a permis à Jesper Gronkjaer, suite à un une/deux avec moi, d’inscrire le dernier but face à la Bulgarie. Compte tenu de tout ce qu’il avait vécu au cours des jours précédant l’épreuve, avec la disparition d’un être cher, cette passe-là occulte réellement tout le reste pour moi « .

La satisfaction d’avoir servi un partenaire, ou encore les louanges pour ceux qui l’ont aidé à faire trembler les filets adverses : Jon Dahl Tomasson est ainsi fait qu’il préfère parler des autres plutôt que de mettre en exergue ses propres mérites. Pourtant, si dans l’aréopage des grands leaders d’attaque européens, ce héros discret n’a manifestement pas la même aura qu’un Ruud van Nistelrooy ou un Thierry Henry, cités plus haut, ses statistiques personnelles n’en plaident pas moins largement en sa faveur. Mine de rien, l’homme termina quand même deuxième meilleur buteur de la Coupe du Monde 2002 derrière Ronaldo, avec quatre buts. Mais si le Brésilien disposa jusqu’à l’apothéose pour arriver au chiffre de huit, l’aventure de Jon Dahl Tomasson, elle, s’était arrêtée en huitièmes de finale, stade où le Danemark fut bouté hors de l’épreuve par l’Angleterre. Auparavant, lors des trois matches de poule contre l’Uruguay, le Sénégal et la France, il avait chaque fois trouvé l’ouverture, paraphant même deux goals d’entrée de jeu face aux Sud-Américains. Une moyenne d’un goal par match au total, qui n’allait pas être sans incidence pour lui puisque, dans la foulée, l’AC Milan l’accueillit à bras ouverts.

Dégrossi par Foppe de Haan… comme Van Nistelrooy

A 25 ans, Jon Dahl Tomasson n’en était pas là à son coup d’essai à l’étranger. Teenager, il avait quitté son pays en 1994, déjà, afin de répondre à l’appel du SC Heerenveen, aux Pays-Bas. Là, sous la férule de l’entraîneur Foppe de Haan, qui eut le mérite de dégrossir, toujours dans le même club, un certain Ruud van Nistelrooy, le jeune Danois ne devait pas tarder à faire flèche de tout bois : 92 goals au total, répartis sur 200 matches, en Frise d’abord jusqu’en 1997, puis à Feyenoord de 1998 à 2002.

Entre les deux, on relèvera le seul véritable couac de sa carrière : une saison à Newcastle où il n’inscrivit, en tout et pour tout, que trois buts en l’espace de 23 matches. Une misère.  » J’avais un double challenge là-bas « , se souvient-il.  » D’une part, me familiariser au football anglais et, d’autre part, faire oublier Alan Shearer, longtemps blessé durant cette campagne. Je ne cherche pas d’excuse : je n’y suis pas parvenu. Mais je reste persuadé que si j’avais pu demeurer une ou deux années supplémentaires chez les Magpies, je me serais habitué au football anglais aussi « .

En Italie, chez les Rossoneri, Jon Dahl Tomasson allait précisément obtenir ce crédit qu’on lui avait refusé à Saint-James Park. Car auréolé de ses bonnes prestations à la Coupe du Monde asiatique, le Danois ne tint pas vraiment la distance lors de son premier exercice à San Siro : quatre buts seulement en 19 matches dans le Calcio en 02-03. Mais le but décisif û à la 90e +1 û qu’il parapha face à l’Ajax, en quarts de finale de la Ligue des Champions cette saison-là (3-2, 0-0 à l’aller), atténua toutes les déceptions et le mit définitivement sur orbite. La preuve : en dépit de la concurrence féroce avec Pippo Inzaghi et Andriy Shevchenko, Jon Dahl Tomasson fit parler la poudre à 12 reprises en championnat cette saison. Et, signe de l’estime dont il jouit à l’AC, il a été déclaré indispensable à la bonne marche des événements par l’entraîneur, Carlo Ancelotti, qui ne veut entendre parler d’un départ du joueur sous aucun prétexte.

 » Je ne suis pas pressé de partir non plus « , observe Jon Dahl Tomasson.  » Mes premiers mois auront été très difficiles à vivre, mais tout cela est de l’histoire ancienne à présent. J’ai terminé la saison de la plus belle manière qui soit, en inscrivant deux buts pour mes couleurs lors du match décisif pour le titre contre Brescia. Je m’estime tout à fait adapté au football italien et, si je veux encore progresser à près de 28 ans, c’est ici que j’ai intérêt à m’exprimer. Car, pour un attaquant, le championnat est autrement plus compliqué dans la Botte que partout ailleurs. Cette difficulté me sert dans le contexte de la sélection, où j’ai quand même le sentiment d’être devenu plus pointu qu’avant. Pour moi, il est évidemment heureux que Morten Olsen facilite les choses en prônant un football offensif. C’est ce qui nous a permis de nous qualifier pour les quarts de finale, au détriment de l’Italie notamment. Je suis désolé pour mes coéquipiers Alessandro Nesta, Gennaro Gattuso et Andrea Pirlo mais si la Squadra s’était montrée moins timorée, elle aurait très certainement franchi le tour elle aussi. C’est une leçon qu’elle doit méditer « .

Bruno Govers, envoyé spécial au Portugal

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