Buteur dépendance

L’attaquant d’Anderlecht s’est parfaitement bien adapté à ses couleurs et a modifié le jeu de son équipe.

Anderlecht pourra s’en mordre les doigts. Le tapis rouge était déroulé pour le titre et voilà que le petit poucet, celui que la D2 attend les bras ouverts, a gâché la fête. Certes, cela aurait pu être pire si le Polonais Marcin Wasilewski n’avait pas égalisé dans les arrêts de jeu mais cela ressemble bien à une gueule de bois. Le Sporting ne méritait pas mieux. Oubliées les bonnes intentions des dernières semaines. Celles qui avaient réconcilié Anderlecht avec le beau jeu. Aucun Mauve n’a surnagé. Pas même l’homme du deuxième tour.

C’est bien simple quand Tom De Sutter n’est pas dans le coup et ne marque pas, Anderlecht perd le fil de son football. Ces derniers mois, le transfert du mercato avait pourtant cassé la baraque, faisant oublier Nicolas Frutos, l’idole argentine. Pourtant, contre Tubize, ses décrochages n’ont pas fonctionné et sa seule occasion a filé dans la tribune. Cela s’appelle un jour sans.

Ses statistiques sont pourtant impressionnantes et parlent d’elles-mêmes : 14 matches, 9 buts. Certes, De Sutter n’a pas trouvé le chemin des filets immédiatement, alimentant déjà les spéculations sur son efficacité. Lors de ses premiers matches, il avait tendance à plonger au premier poteau. Or, beaucoup estiment que c’est au deuxième poteau qu’il a inscrit ses buts importants, comme contre Westerlo. Ce serait là que Mbark Boussoufa et Thomas Chatelle le trouvent plus facilement.

Pas de but mais, dès le début, De Sutter a démontré son importance dans le jeu du Sporting : abattage, abnégation, technique et présence dans les 16 mètres. Voilà ce qu’on a pu voir dès son premier match contre ses anciennes couleurs, le Cercle Bruges.

Si Anderlecht peut encore rêver de son 30e titre, il le doit sans conteste à son deuxième tour. Même si les Mauves ont l’habitude de terminer en boulet de canon, on était en droit d’attendre mieux de leur part après la trêve, De Sutter a transformé le jeu du Sporting.  » Une équipe dépend toujours de l’efficacité de son centre avant « , explique Wim De Coninck, l’ancien gardien devenu consultant référence en Flandre et spécialiste reconnu de la trajectoire de De Sutter.  » Mais Tom apporte davantage que son efficacité. Il travaille beaucoup. Il est toujours disponible et il sait jouer autant dos au but que dans la profondeur.  »

En six mois, il est devenu le joueur le plus populaire du Sporting. 30 % des maillots achetés au fan-shop sont d’ailleurs floqués à son nom.

Le manager du RSCA, Herman Van Holsbeeck, abonde dans le même sens.  » C’est vrai que l’Anderlecht du deuxième tour est différent. Et c’est normal que De Sutter soit l’explication de ce changement : il fait basculer les rencontres et il a donc prouvé son importance en six mois seulement.  »

Pourtant, pour comprendre son importance, il faut aller voir du côté du… Cercle.  » Notre mauvais deuxième tour ne tient qu’à un seul nom : De Sutter « , explique le capitaine des Vert et Noir, Denis Viane.  » A partir du moment où on a appris qu’il partait en janvier, on savait tous que le Cercle allait connaître un passage à vide car un tel joueur ne se remplace pas du jour au lendemain. On avait déjà pu s’en rendre compte la saison passée lorsqu’il fut blessé. Notre bonne saison fut alors plus laborieuse.  »

Pouvait-il réussir dans un grand club ? Oui

Pourtant, on a déjà vu plus d’un joueur faire tourner le jeu dans un plus petit club et se planter à Anderlecht. L’exemple d’ Hernan Losada aurait pu faire réfléchir les Anderlechtois mais les dirigeants pistaient déjà De Sutter depuis un an et demi.  » On y a toujours cru « , analyse Van Holsbeeck,  » On ne débourse pas trois millions pour un élément auquel on ne croit pas. Son évolution était déjà sensible au Cercle. Cela nous avait déjà marqués.  »

Venant de Torhout, il avait en effet facilement digéré son entrée en D1 et les blessures fréquentes de Frutos ont finalement poussé à son acquisition. Van Holsbeeck :  » Cela fait déjà trois ans et demi que Frutos est à Anderlecht. Or, ce profil de joueur est compliqué à trouver. Surtout au prix qu’Anderlecht peut débourser. De plus, comme Frutos était souvent blessé, on se trouvait trop souvent dépourvu de ce type de joueurs. « 

Anderlecht a donc pris le temps nécessaire pour cibler ce qui s’apparente au successeur de l’Argentin. Et ce n’est qu’une fois convaincu de ses qualités que les Mauves ont fait le forcing pour l’attirer dans la capitale. Il y a un peu plus d’un an, l’AZ, récemment sacré champion des Pays-Bas avait tenu le même raisonnement.  » Nous n’avons jamais douté de son acclimatation dans un grand club « , explique le chef de la cellule scouting du club néerlandais, Hugo Hoogenkamp.  » Nous avions cerné son potentiel. Cela ne nous posait aucun problème de transférer un élément du Cercle Bruges. Lors de nos rapports de scouting, nous avions déjà remarqué qu’il s’adaptait à tous les systèmes et à tous les adversaires. Mais sa blessure nous a freinés. On ne sait jamais comment un joueur récupère d’un tel contrecoup.  »

S’arrêtera-t-il en si bon chemin ?  » Il a encore une belle marge de progression « , continue De Coninck.  » Au Cercle, Glen De Boeck lui demandait sans cesse de jouer en un temps pour améliorer sa technique et sa vitesse de balle. A Anderlecht, il dispose de plus d’espaces car le danger peut survenir de plusieurs éléments comme Boussoufa ou Chatelle. Il prend donc plus de temps pour contrôler.  »

Anderlecht comptait-il sur lui dès janvier ? Non

Si Anderlecht l’a transféré en janvier, c’est en raison de l’indisponibilité de Frutos.  » Dans notre tête, on voulait lui laisser six mois pour s’adapter « , dit Van Holsbeeck,  » On ne voulait pas brusquer les choses. Mais, dès le premier match, il a directement eu tout le poids de l’attaque sur ses épaules. Dans l’esprit de tout le monde, De Sutter devait marcher à plein régime la saison prochaine. Pas cette saison-ci. On ne peut que se féliciter de sa précocité. « 

Aujourd’hui, Anderlecht a carburé grâce à son attaquant.  » C’est assez extraordinaire « , lâche Van Holsbeeck.  » En règle générale, tout joueur qui arrive à Anderlecht a besoin d’un temps d’acclimatation. Lui pas. Il a eu juste besoin de s’adapter, pendant quelques semaines, aux rythmes d’entraînement. Comme Anderlecht a besoin d’être toujours un temps en avance pour faire la différence en match, le rythme est plus soutenu. C’est sans doute pour cette raison qu’il a éprouvé un peu de malchance devant le but lors de ses deux, trois premières rencontres. Il n’avait pas encore trouvé le rythme ! Mais il est resté très calme mentalement. « 

 » Il a déjà un bon rendement mais ce n’est que la saison prochaine qu’il va véritablement éclore « , prédisait d’ailleurs l’ancien entraîneur d’Anderlecht, Aad de Mos.  » Je suis persuadé qu’il a le potentiel pour un grand championnat « , rajoute Van Holsbeeck.

Peut-on contrer ce buteur ? Difficilement

Son jeu pose beaucoup de problèmes aux défenseurs. Ceux-ci ne savent pas sur quel pied danser devant ses déplacements incessants. Dender a pris quatre buts, dont deux de l’ancien Brugeois. Et pourtant, le club de Johan Boskamp était prévenu du danger.  » Pour le contrer, il était prévu de jouer très près de lui pour qu’il ne puisse pas dévier les ballons « , explique le défenseur de Dender, Michaël Wiggers,  » Pendant 35 minutes, cela a très bien fonctionné puisque Fabrice Mvemba anticipait parfaitement ses décrochages bien qu’il soit un homme de rectangle qui sent très bien le jeu. Nos deux centraux s’occupaient de lui mais il a l’art de passer devant son homme au dernier moment. Ses appels à la limite du hors jeu font également très mal. Il part de loin pour se retrouver constamment dans le rectangle. Il sait très bien attirer le défenseur pour le mettre hors position. C’est pour cela qu’il descend dans le jeu. Cela crée des espaces dans le dos des défenseurs et permet à la deuxième ligne de s’y engouffrer.  »

Seul, finalement, Tubize aura trouvé la parade. Face à lui, Jason Vandelannoite a réussi le match parfait, gagnant tous ses duels aériens.  » Ce fut un duel d’hommes mais toujours correct.  » Il faut dire que les deux joueurs se connaissaient de l’époque de l’école des jeunes du Club Bruges.

Est-il complémentaire avec Frutos ? Oui et non

Le débat est posé et ne risque pas de s’éteindre tant que les deux joueurs n’auront pas joué (et marqué) ensemble.  » Ils ont beaucoup de points communs mais il y a malgré tout quelques différences « , nuance Van Holsbeeck,  » Frutos est davantage un attaquant de pointe alors que De Sutter peut descendre dans la deuxième ligne et combiner avec l’entrejeu. C’est pour cela que je ne suis pas du tout sûr que les deux ne seraient pas compatibles. Que du contraire ! « 

L’un n’est-il pas plutôt le successeur de l’autre ?  » Ce ne sera pas facile d’aligner les deux ensemble « , pense De Coninck.  » Contre les équipes modestes, ils seront complémentaires mais dans les matches européens ou contre le Standard et Bruges, j’en doute. Il faudrait alors qu’Anderlecht évolue en 4-4-2 avec Boussoufa dans l’entrejeu. Ce ne sera pas évident d’autant plus que les deux joueurs apprécient être l’élément le plus avancé sur l’échiquier. Autant De Sutter se plaît dans un 4-3-3, autant il pourrait s’adapter à un 4-4-2 mais avec, alors, un centre avant plus petit, comme Wesley Sonck à ses côtés.  »

par stéphane vande velde – photos: belga

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