Bruits de fond

Les Zèbres ont gagné mais la grogne continue… surtout auprès des supporters. Analyse de cette guerre des nerfs (sans l’avis du club qui ne désirait pas s’exprimer !).

Le jeu ressemblait à s’y méprendre à celui des dernières semaines. Un Sporting incolore, inodore, insipide. Cela devait aboutir à une nouvelle désillusion. Puis, à la 87e minute d’un match qui ne laissait augurer rien de bon pour le futur de Charleroi, est survenu l’éclair dans la grisaille : ce petit bijou de but de Christophe Grégoire. Du coup, les Zèbres sont sortis ragaillardis de cette soirée et sans doute définitivement rassurés sur leur sort.

Mais l’apaisement ne durera que le temps de la chope d’après match. Car, les ranc£urs vont ressurgir, tant les stigmates de cette saison sans saveur resteront visibles longtemps. Tant sportivement que sur le plan extra sportif, cette équipe est en lambeaux. John Collins a fait avec les moyens du bord mais les lacunes, aperçues ces dernières semaines, sont encore trop criantes, malgré l’embellie des mois de février et mars lorsque l’équipe produisait du jeu. Aujourd’hui, cette formation ne peut plus compter, pour sauver la face, que sur le courage de quelques-uns et le talent individuel d’autres. Samedi, les longs ballons proscrits par Collins ont fait leur retour en grande pompe…

Toutefois, c’est surtout en dehors du terrain que les dents grincent. Les incidents de Tubize, aussi isolés soient-ils, ont également laissé des traces. Des supporters du même camp qui se battent entre eux, cela ne se voit pas tous les jours ! Et cela relève d’un malaise prégnant au sein du club. La gestion des Bayat n’est pas du tout partagée par les supporters, s’éloignant de plus en plus de leur club. Entre une frange des supporters et la direction, le courant ne passe vraiment plus. Tous les moyens sont donc bons pour marquer des coups face à  » l’adversaire « .

Cela fait maintenant deux mois que les cris – Direction démission ou – Mogi démission fusent à chaque rencontre. Quant à Mogi Bayat, il n’hésite pas à abuser de la couverture médiatique qu’on lui octroie pour remettre de l’huile sur le feu. Deux jours après les incidents de Tubize, il n’y allait pas de main morte, déclarant dans La Nouvelle Gazette :  » Que les supporters mécontents, que les Storms, arrêtent de perdre leur temps, qu’ils ne viennent plus au stade. Nous n’avons pas peur de perdre de tels supporters. (…) Ce sont des frustrés. Pour la saison prochaine, nous ne les reconnaîtrons plus comme club de supporters.  »

Ces propos font également suite à ceux tenus il y a un mois, lorsque le manager général du Sporting avait traité ses propres fans de crétins. Inimaginable dans un autre club de l’élite. Depuis lors, l’humour noir a pris le dessus dans le chef des supporters : un groupe Les Crétins réunis a fait son entrée dans le stade et des t-shirts portant la mention Je suis un crétin ont fait leur apparition.

Un employé du club pour mettre le feu aux poudres

Samedi 19 h. Cela fait plusieurs jours que les forums de supporters envoient des messages pour lancer un cortège de mécontentement. Ils sont plus d’une centaine à répondre présent. A l’origine de cette démarche, qui avait déjà été effectuée il y a quinze jours contre Mouscron, on trouve les Storm Ultras, groupe de supporters ciblé par Mogi.

En décembre, on les avait accusés de tous les maux, et notamment d’actes de vandalisme à l’école des jeunes de Marcinelle. Depuis, l’enquête policière ouverte suite à une plainte du Sporting piétine. Après les incidents de Tubize, rebelote.  » C’est bien joué de la part de Mogi car à chaque fois, le supporter lambda se dit – C’est encore les Storm Ultras qui ont foutu la m… « , explique un supporter.

Ce groupe est sans doute le plus actif et le plus bruyant. Certains membres sont fichés et suivis par la police. Les Storm Ultras le savent et tâchent de se montrer irréprochables au stade, une interdiction pendant au nez de certains. Comme à chaque rencontre, à Tubize, ils ont déployé leur banderole demandant la démission de la direction. Mais certains membres d’autres groupes de supporters ne partagent pas cet ostracisme de la direction.

 » C’est vrai qu’il y a des divergences « , reconnaît Sébastien Mascitelli, responsable des Storm Ultras.  » Certains soutiennent la direction car ils sont venus à un moment opportun et ils ont sauvé le club. Nous aussi, on le reconnaît mais ce que l’on reproche aux Bayat, c’est la succession d’actes qui ont conduit à salir l’image du club et de ses supporters. Mais cela ne nous pose pas de problèmes que d’autres supporters soutiennent la direction.  » Sous-entendu : du moment qu’on nous permet de la critiquer…

Or, c’est là que le bât blesse. Les images le prouveront : il est avéré qu’à Tubize, parmi les gens qui ont provoqué les Storm Ultras, se trouvait notamment un employé du club !  » Ce qui a vraiment envenimé les choses, c’est l’attitude de certains qui sont descendus comme des shérifs pour qu’on arrête de critiquer la direction « , expliquait dans La Nouvelle Gazette, Marc Monetti, président de l’Amicale des Supporters, pourtant réputé modéré. Joint par nos soins, il calme d’ailleurs les esprits en disant que les incidents de Tubize ne sont pas  » une altercation entre groupes de supporters mais une bagarre isolée entre deux personnes qui avaient des avis divergents. Et puis, ça a fait boule de neige, chacun défendant ses amis « .

 » La valeur du combat que l’on mène dépasse les quelques euros d’avantages « 

Pourtant, cette bagarre a permis de voir qu’il y avait clairement des pros et des antis Bayat. Certaines associations ne veulent plus entendre parler des Bayat (un groupe a même été ouvert sur Facebook s’intitulant Pour que les Bayat se cassent du RCSC et regroupent 916 membres dont les anciens joueurs Sébastien Rassart, Aluspah Brewah et Ronald Foguenne, alors qu’un autre groupe défendant les Bayat ne regroupe que… six membres). D’autres se soucient des avantages économiques dont les clubs de supporters bénéficient grâce à une collaboration avec le Sporting. Une guerre ouverte avec la direction mettrait fin à ses avantages.

 » En début de saison, on avait décidé de changer de place dans le stade afin de revitaliser celui-ci « , explique Mascitelli.  » On a déménagé vers la tribune supérieure. On a négocié avec le club l’achat de 100 places à 5 euros, que l’on revendait 7 euros à nos membres, le bénéfice servant à organiser des tifos et des animations dans le stade. En bref, on avait splitté la valeur d’un abonnement en ticket personnel. Grâce à cette démarche, on a réussi à attirer 300 à 400 personnes supplémentaires à certains petits matches. Il s’agissait de supporters occasionnels, ne pouvant pas se payer le luxe d’aller au stade à chaque rencontre. Quand le club a porté plainte contre nous en décembre, nous accusant de vandalisme, il a également supprimé cette collaboration. Du jour au lendemain, les places nous ont coûté 14 euros. Les purs et durs ont continué à venir, on a même gagné 30 à 40 membres supplémentaires qui sont montés en tribune supérieure pour nous soutenir mais ces prix ont découragé ceux qui commençaient à venir occasionnellement. « 

Dans une région sinistrée sur le plan économique, ces avantages pèsent parfois lourd dans le budget d’un supporter.  » C’est vrai mais la valeur du combat que l’on mène dépasse les quelques euros d’avantages qui favoriseraient également certains de nos membres dont le budget n’est pas élastique. Si ce sont les avantages qui dictent la pensée des gens, les gens n’ont plus de pensée ! « , reconnaît Mascitelli.

Pourtant, ces tiraillements économiques pourraient mener à une réelle scission. Le club ne reconnaît déjà plus l’Amicale des supporters et passe directement par les clubs de supporters pour les convaincre de négocier, personnellement les conditions avantageuses (notamment sur les abonnements). Les clubs qui accepteraient de traiter directement avec le Sporting (sans passer par l’Amicale) bénéficieraient de largesses, les autres pas. A terme, cela signifierait la fin de l’indépendance totale des supporters vis-à-vis du Sporting et aboutirait à la création d’une nouvelle Amicale. On se retrouverait devant deux associations : une officielle, sous l’égide du club et une deuxième, indépendante. Mais pour le moment, cela relève purement de la théorie même si une réunion importantissime au sein de l’Amicale se tient aujourd’hui même.

Cependant, en mai dernier, le comité de l’Amicale des supporters avait été élu pour trois ans (à 12 voix pour et 3 contre). A cette époque, tous les clubs de supporters s’étaient rangés derrière ce comité.  » A la question – Est-ce acceptable que le club évaluel’implication des supporters ?, tout le monde avait répondu non « , explique Mascitelli. Aujourd’hui, le Sporting met en doute la légitimité de ce comité.

 » Les modérés trouvent même qu’on a dépassé les bornes « 

En attendant, c’est tout un club qui pâtit de cette situation. Contre Zulte Waregem, devant le peu d’affluence, le boulevard jouxtant le stade n’avait même pas été fermé à la circulation. A l’intérieur, les cornemuses d’une fanfare écossaise n’arrivaient même pas à masquer le peu d’ambiance, les Storm Ultras ayant décidé de rejoindre le stade à la dernière minute et de ne pas chanter durant les cinq premières minutes.  » Certains fidèles supporters n’osent même plus aller en déplacement tellement l’ambiance est délétère « , explique le directeur de la sécurité, Raymond Hens.

Contre Zulte Waregem, la réunion de sécurité avait abouti à l’interdiction des mégaphones et des banderoles.  » Certains utilisaient le mégaphone contre les stewards. On frôlait l’incitation à la haine et à la violence « , explique le commissaire de police Jean-Hubert Nicolay.

 » Cette mesure n’apaise pas les esprits « , renchérit Mascitelli.  » Certains modérés trouvent même qu’on a dépassé les bornes. Nous, on s’en fout d’avoir des avantages par le club. Qu’on nous supprime nos tifos et nos animations ! C’est le club, les autres supporters et l’ambiance dans le stade qui seront pénalisés. « 

par stéphane vande velde – photos: belga

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