Bruges-la-Vivante, nouveau roman du football belge

A Paris, si Georges Rodenbach, grand écrivain belge (1855-1898), pouvait quitter sa dernière demeure, au cimetière du Père-Lachaise, il se promènerait avec plaisir dans les rues de la Venise du Nord. Rodenbach en avait chanté le charme tout en s’intéressant au drame amoureux d’ Henri Viane, héros de son roman : Bruges-la-Morte. Ce chef- d’£uvre fut d’abord publié en feuilletons dans le Figaro. Le succès fut immédiat et multiplia la renommée mondiale de Bruges. Glen De Boeck, lui, a déjà écrit 16 épisodes du livre de sa saison. Au début, à part les correspondants des gazettes locales, personne ne s’intéressa à ses premières lignes de coach débutant. Avec ce visage émacié, avait-il mangé de la rage enragée ? Les grandes maisons du foot belge, à Liège, Bruxelles et même à Bruges, ne le prirent pas au sérieux.

Ce blanc-bec allait se casser le nez avec une philosophie de jeu prétentieuse. Avait-on idée de miser sur la technique alors que le footballeur belge est connu pour son application ? On le qualifia peut-être de snob dans certains… cercles (mais pas dans le sien), lui reprochant probablement de confondre ce qui se fait en Liga espagnole et les réalités de notre D1. Qu’avait-il sous la main avant de se lancer dans cette aventure ? Des jeunes n’ayant pas encore terminé leur crise de croissance, des inconnus en panne de prestige, des anciens déclassés comme des bagnoles aux tôles froissées après un crash sur le Ring de Bruxelles. Ces paumés du petit matin sont devenus des vedettes des soirées Made in Belgium. Ils ont signé une nouvelle démonstration sur la pelouse du FC Brussels renvoyé avec un mauvais bulletin (1-4). Les clameurs ont certainement été entendues jusqu’au stade Constant Vanden Stock où ce football-là fut longtemps la marque de fabrique avant de devenir un souvenir.

S’il y a la manière, les chiffres constituent une référence incontournable. Il ne faut pas gamberger, être réaliste jusqu’à la tristesse pour nouer les deux bouts. Ce ne sont que des balivernes. Le Cercle le prouve avec un budget de 3,5 millions d’euros, un dixième de celui d’Anderlecht. Cette équipe possède 31 points, une excellente défense (15 buts encaissés) et la meilleure division offensive de D1. Tom De Sutter et ses potes ont déposé 35 boulets dans les filets adverses. Personne n’a fait mieux que ces nouveaux corsaires. Cela trahit une magnifique organisation en profondeur. Il faudra se méfier de cet équipage qui pourrait naviguer jusqu’au bout. Il y a onze ans, personne ne prit garde à la cavalcade du Lierse (4e au virage de l’hiver) qui s’empara du titre sur le terrain du Standard.

Les Liégeois sont toujours invaincus et c’est, il faut le souligner, magnifique et respectable. Il y a pourtant un souci : le Standard ne voyage pas dans le confort d’un futur champion. Ainsi, le Cercle s’est imposé quatre fois à l’extérieur alors que le deuxième et dernier succès rouche loin de Sclessin date de la fin août à Roulers. Certes, l’équipe de Michel Preud’homme fut privée d’un penalty à Dender où elle gaspilla des munitions. Ce n’est pas la seule explication. Le Standard devait trouver des solutions inventives face à une opposition très rudimentaire. Il n’y est pas parvenu. C’est souvent le cas contre les sans grades qui se débattent comme des naufragés. MPH le sait mais avait raison de préciser qu’il se penchera sur ce problème tout en conservant les acquis de son groupe.

Dimanche, sur le coup de 13 heures, le Club Bruges a reçu Anderlecht à sa table. C’est la fête partout à Bruges. Le menu fut trop copieux pour des Mauves misérables et insipides (relégués à 13 points) mais, n’en déplaise à Maître Jacky, au moment de passer à la bibliothèque pour prendre le café, notre regard fut attiré par le plus beau bouquin de la 16e journée du championnat : Bruges-la-Vivante de Glen De Boeck…

PAR PIERRE BILIC

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