Bruges, 4 avril 1971

Il m’arrive régulièrement de croiser Wilfried Van Moer à Sclessin, comme ce fut le cas avant Standard-Gand. Kitchie s’arrête avec un sourire et quelques mots gentils :  » Toujours aussi passionné, je vois.  » Van Moer reste, avec Paul Van Himst, ce que le football belge a produit de mieux jusqu’à présent. Ils n’ont pas connu l’Arrêt Bosman, ce qui les a empêchés, à une époque où nos clubs bombaient fièrement le torse sur les scènes européennes, de signer en Italie, en Espagne ou en Angleterre.

Numéro 8 hors normes, Van Moer était de la partie avec les Diables Rouges, dont il était le doyen, au Mundial 82. Là, je m’apprêtais à le rencontrer pour notre hebdo quand un message arriva de la rédaction : – Il faudrait un autre regard que le tien. Un collègue arriva en renfort et interviewa une de mes idoles à ma place. Un moment difficile, vite oublié quand j’ai découvert, à la parution du magazine, qu’il fut plus question, au fil de cet entretien, de sa calvitie que de son jeu.

Van Moer, j’ai heureusement pu le revoir régulièrement pour parler de football. Il a animé entre autres le grand Standard, celui de René Hauss et du triplé (1969, 1970, 1971) que j’admirais quand il se produisait au Parc Duden. Elève du Collège de Saint-Gilles, pas loin de l’Union, un copain de rhéto, Germain Ulyn, me proposa d’assister le 4 avril 1971 à Club Bruges-Standard. Il y a 43 ans.

Voyage en train, expédition festive mais amicale pour gagner le Klokke, l’ancien temple brugeois, Après 10 minutes de jeu, le marquoir indiquait 2-0 (buts de Raoul Lambert et Gilbert Marmenhout) : la catastrophe, était-ce plié pour le titre ?  » Mon  » Van Moer fit heureusement 2-1 à la 19e minute de jeu et tout se joua en deuxième mi-temps dans le domaine défendu par Luc Sanders.

Super car nous étions aux premières loges, juste derrière le gardien brugeois pour assister à une belle remontée et à une des plus grandes deuxièmes mi-temps de l’histoire des Rouches : 2-2 par Erwin Kostedde avant le 2-3 de SylvestreTakac. Pourtant, il y avait des stars en face : Lambert, KurtAxelsson, Erwin Vandendaele et même Robby Rensenbrink. Bruges était knock-out, déposa les armes dans la lutte pour le titre et les fans du Standard quittèrent la Venise du Nord le coeur en fête. Mon admiration pour Kitchie n’en fut que plus grande.

Quelques semaines plus tard, la pelouse de Sclessin était envahie en l’honneur du nouvel écusson national rouche. Je me souviens avoir félicité Takac, Christian Piot, Nicolas Dewalque mais ne pas avoir osé approcher Van Moer. La prochaine fois que je le verrai à Sclessin, je lui demanderai de dédicacer son livre (Numéro 8 par Vic Vermeir et Charles Baete) que j’avais acheté en 1972 et nous évoquerons, je suppose, ce grandiose 4 avril 1971 à Bruges…

PAR PIERRE BILIC

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