BRANLE-BAS AU CANONNIER

Mouscron a tout chamboulé, d’abord avec des bouts de ficelle puis avec une nouvelle ambition née de la reprise.

Il y a des étés dont on ne sait pas par quel bout il faut les prendre. D’autres où tout se déroule dans le calme et la sérénité. L’été de Mouscron tient davantage de la première assertion que la deuxième. Enfin, plutôt que de parler d’été, on devrait davantage évoquer l’année 2015 tout entière. Depuis que Marc Coucke a intégré le capital du LOSC et que cette même équipe lilloise a fait comprendre au RMP qu’elle n’en voulait plus, Mouscron a traversé des tempêtes. Lille est parti mais les problèmes n’ont pas cessé pour autant.

Il a fallu combattre les vautours belges, ces clubs comme le Lierse ou le Cercle, sur le point de descendre et qui tentaient d’emmener Mouscron dans leur chute dans un ultime râle de survie. Il a fallu surtout trouver de l’argent pour ne pas débuter la saison dans la misère. Et à défaut d’argent, il a fallu débusquer des idées de manière à commencer un championnat avec 11 joueurs. Puis est arrivée une solution, celle d’un fonds d’investissement maltais, derrière lequel se cachait Pini Zahavi, éminent agent israélien. Chronique d’un été à deux vitesses.

La saison 2015-2016 débute véritablement lorsque le président mouscronnois, Edward Van Daele arrive à convaincre quelques régionaux de mettre l’argent sur la table pour racheter les parts du RMP détenues par le LOSC. Coût total de l’opération : 750.000 euros dont les actionnaires régionaux se portaient garants (et un chèque de 19.000 euros d’entrée de jeu). Nous sommes le 1er avril et Mouscron est sauvé mais empêtré dans cette affaire de plainte de clubs mauvais perdants. Cependant, tant dans ces clubs qu’à la Pro League, on voit ce scénario d’un mauvais oeil.

Un budget riquiqui

Même à Mouscron, on se demande si cette aventure n’est pas vouée à l’échec avant même d’être née. Certes, le club appartient à Mouscron mais il n’y a pas grand-chose dans les caisses. Et d’entrée de jeu, le président Van Daele annonce la couleur : soit trouver un repreneur, soit débuter avec un budget riquiqui.  » On aurait pu s’en sortir avec un budget sportif de 2,3 millions d’euros « , explique Van Daele.  » On n’avait qu’à reproduire à l’identique ce qu’on avait fait l’année précédente mais par contre, sur la durée, ce n’était pas tenable. On ne peut pas s’en sortir chaque année avec des bouts de ficelle.  »

C’est donc avec le long terme en ligne de mire que Van Daele prend son bâton de pèlerin. En attendant un quelconque repreneur, Roland Louf met en pratique les recettes qu’il avait déjà appliquées en son temps à La Louvière.  » Les gens qui n’y croyaient pas disaient que notre budget était trop petit « , continue Van Daele.  » Mais qu’est-ce qu’un bon budget ? Simplement un budget où les dépenses sont inférieures aux recettes. Or, à Mouscron, quoi qu’en disent ceux qui ont tenté de nous décrédibiliser, l’endettement a toujours été de zéro !

Il y a de la place pour les plus petits budgets. Il faut simplement être ingénieux, faire appel à des prêts de joueurs, éviter les indemnités de transfert, regarder les joueurs en fin de contrat, faire appel aux jeunes et les convaincre qu’il s’agit d’une belle vitrine. Ce n’est pas une situation confortable mais c’était faisable. Mais certes, quand on a un tel budget, on ne peut pas être les premiers sur un joueur. Le mercato footballistique est le même que le marché des fruits et légumes. Les tomates sont beaucoup plus chères à 8 h du matin qu’à 11 h. Simplement, il faut admettre qu’on a moins de choix en fin de marché qu’au début. Si on avait conservé ce petit budget, on se serait sans doute mis en branle à la mi-août.  »

Mouscron doit laisser filer les joueurs prêtés par le LOSC mais également ceux qui ne croient plus au projet. Les prolongations de contrat se font au forceps.  » Il fallait remettre en place un staff technique, un staff médical et administratif puisque tous les gens mis à notre disposition par Lille étaient partis « , explique le directeur général, Roland Louf.  » On s’est retrouvé avec six joueurs sous contrat. On a travaillé en plusieurs phases. D’abord, on a voulu retrouver une identité plus belge et on est allé chercher toute une série de joueurs en divisions inférieures comme Yahya Boumediene, Luigi Vaccaro ou Mickaël Tirpan. Puis, on a prolongé les contrats de certains joueurs de la saison passée comme Dimitri Mohamed, Thibault Peyre ou Julian Michel. Enfin, on a transféré quelques joueurs comme Noë Dusenne, Théo Defourny ou François Marquet.  »

L’arrivée de Zahavi

Le 1er juillet sonnait la fin de l’été de disette. Mouscron était racheté à 90 % par Gol Football Malta Ltd, un fonds d’investissement maltais derrière lequel se cache le super agent israélien, Pini Zahavi, représenté par Teni Yerima, agent de joueurs camerounais et Jean-Luc Gripond, ancien président de Nantes. Coût de l’opération : 8,5 millions d’euros, dont 750.000 pour Lille comme plus-value, 750.000 pour rembourser les actionnaires régionaux s’étant portés garants et 2 millions pour faire tourner le club au quotidien.

De 2,3 millions, le budget passe à 5 millions d’euros. Mouscron voit son horizon sportif et financier s’éclaircir car les réseaux de Zahavi lui offrent une large gamme de joueurs.  » Est-ce la bonne solution ? Oui, puisque c’était la seule « , répond Van Daele.  » Aujourd’hui, on peut travailler dans la tranquillité avec une certaine ambition. Pour s’inscrire dans la durée, un club a besoin de sérénité.  »

Depuis lors, le club vit dans une autre galaxie.  » Au début de l’été, on n’avait pas une balle ; maintenant, on n’a plus rien à dire « , sourit un membre du club. Car, c’est bien Zahavi, via Yerima qui pilote le projet. Non sans mégalomanie, en annonçant vouloir viser le top-6, puis vouloir être européen chaque saison, puis vouloir agrandir le stade. Le tout devant une assistance incrédule et quelque peu circonspecte. Seul l’avenir pourra nous dire si ces affirmations relevaient de fantasmes ou d’une saine ambition.  » Je suis un peu plus mesuré « , tempère Louf.  » Je serai déjà très content de vivre un championnat tranquille en retrouvant une identité. Il faut voir le projet par palier.  »

En attendant, il n’y a pas un jour sans qu’un nouveau joueur n’arrive en test ou définitivement. Depuis l’arrivée de Zahavi, Mouscron a engagé un gardien israélien de 25 ans (Ofir Marciano d’Ashod), un défenseur Slovène de 21 ans (Emir Dautovic de l’OFK Belgrade), un médian serbe de Porto (Marko Pavloski), un attaquant portugais de 21 ans (Frédéric Maciel de Porto pour un contrat de trois ans) ou un médian serbe de 23 ans (Filip Markovic, de Benfica, également pour un contrat de trois ans). Et ce n’est pas fini : Yerima a annoncé rechercher encore de nouveaux profils.

L’arrivée de Zahavi a donné davantage d’ambition à cette équipe mais les nouveaux venus ne risquent-ils pas de prendre le pas sur les transferts d’avant-reprise ? Ces joueurs ne risquent-ils pas de se sentir cocufiés ?  » On a créé un noyau plus compétitif et plus ambitieux « , conclut Louf.  » On nous considérait il y a moins d’un mois comme un oiseau pour le chat. J’espère être maintenant le chat. Et que les joueurs se rassurent : on n’aura pas un noyau de 40 joueurs ! Nous aurons un noyau normal de D1 même si celui-ci ne sera peut-être pas le plus équilibré de D1. Le temps ne nous le permet pas. Tout ne peut pas être parfait pour le 25 juillet. Il faudra voir cette saison comme celle de la mise en place. Le mercato de la saison suivante sera plus ciblé.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » Les tomates sont beaucoup plus chères à 8 h du matin qu’à 11h  » Edward Van Daele, président

 » Il y a un mois, on nous considérait encore un oiseau pour le chat. J’espère être le chat à présent.  » Roland Louf, manager

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