« Bozzi m’a cassé puis poignardé »

Parti en France, le Spirou de 11 années est sûr de revenir à Charleroi… quand Bozzi s’en ira.

La première division belge de basket a non seulement perdu trois clubs mais aussi quelques joueurs de talent. Comme Thomas Van den Spiegel, Erik Cleymans a franchi la frontière française. Il a signé à Evreux, un club de D2. Contraint et forcé car ce joueur mi-flamand, mi-wallon, ne voulait pas quitter Charleroi. Seulement, ni lui ni Giovanni Bozzi n’avaient encore envie de travailler ensemble. Une séparation de corps et de biens, après onze ans de vie commune. Et dire qu’il lui restait un contrat de quatre ans chez les Spirou!

« Quand Bozzi s’en ira, je reviendrai à Charleroi. Cela ne durera plus longtemps », dit-il d’emblée, histoire de montrer qu’il a retrouvé tout son punch. Voilà déjà un certain temps qu’il s’entraîne comme un forcené, poussé par un sentiment de revanche envers Bozzi. Il y a des choses qu’il n’a pas avalées. Et pour les faire passer, rien de tel qu’une bonne saison en France : « Evreux descend de Pro A en Pro B mais a envie de remonter rapidement et je veux l’y aider. C’est le nouveau coach, Olivier Veyrat (ex-Nancy), qui a insisté pour que je vienne. Evreux est un cadeau du ciel pour moi. A 31 ans, je n’osais plus rêver d’une telle opportunité d’évoluer à l’étranger. Pourtant, quelque chose me reste en travers de la gorge. Après autant d’années de service, je n’accepte pas la façon dont Charleroi m’a traîté. Bozzi ne me voulait plus et me l’a fait comprendre très tôt. Wouter De Wilde, qui venait d’arriver, s’est vu offrir sur un plateau une place dans le cinq de base. On m’a alors dit qu’il était jeune et avait besoin de confiance. Des conneries car il faut d’abord prouver quelque chose. Mais j’ai travaillé dur et De Wilde, un très bon joueur soit dit en passant, s’est malheureusement blessé au dos. Alors, évidemment, ils étaient tout contents d’avoir Cleymans. J’admets volontiers ne pas avoir livré ma meilleure saison, loin de là, mais Bozzi a tout fait pour me casser, y compris des coups de poignard dans le dos. Et quand j’ai dit ouvertement que je voulais partir, il a enfoncé le couteau dans la plaie. C’est tout simplement dégueulasse.

Charleroi a même empêché mon transfert à Louvain, avec qui tout était pourtant réglé. Les clubs étaient pour ainsi dire d’accord et j’avais trouvé un terrain d’entente avec le club brabançon mais, soudain, il y eut des problèmes. Au cours d’un contrôle budgétaire, le conseil d’administration louvaniste aurait estimé que j’étais trop cher mais deux jours plus tard, Louvain engageait deux joueurs d’Ypres: Bwatu et Vermeiren. Des inconnus et on me laissait de côté ».

Aucun problème avec Somme.

Louvain était-il un club suffisamment sérieux pour un joueur comme vous?

Erik Cleymans: Bof, tout est relatif. Quelle équipe peut se permettre d’investir aujourd’hui? Aucune! Il faut donc voir ce que le joueur apporte. Louvain voulait aussi Thomas Van de Vondel, Rookie de la saison dernière. Ce garçon a dû rester à Alost parce qu’il n’avait rien d’autre… puis Charleroi l’a piqué au nez et à la barbe de Louvain. Cela fait des années que Bozzi effectue des achats pareils parce qu’il est frustré. Je vous le dis: à ce niveau, Van de Vondel ne peut rien apporter à Charleroi. Il aurait été beaucoup plus intelligent s’il avait opté pour Louvain. Maintenant, Bozzi dispose d’un bon joueur d’entraînement et Louvain a perdu un élément de talent. C’est une façon de déstabiliser les autres équipes.

En ce qui me concerne, j’aurais fait une bonne affaire en signant à Louvain. J’habite à Tirlemont et je construis à Hingeon, près de Namur, parce que j’ai envie de m’établir près de Charleroi. Mais me voilà parti à Evreux, à une heure de route de Paris. J’y vivrai d’abord seul pendant six mois car mon épouse doit accoucher à l’automne. En principe, elle me rejoindra après le Nouvel An. Entre-temps, je risque de faire souvent la navette.

Et pendant quatre ans, à chaque fin de saison, vous devrez aller frapper à la porte d’Eric Somme afin de lui demander de vous prêter pour un an.

Je n’ai pas le moindre problème avec Somme, au contraire. Il m’a déjà assuré qu’il aimerait que je passe mes deux dernières années de contrat à Charleroi afin d’apporter mon expérience à l’équipe. Cela fait plus de dix ans qu’il me connaît et il sait ce que je vaux. J’aimerais d’ailleurs lui faire plaisir et, à ce moment-là, Bozzi sera parti. Sa marge d’erreur est désormais infime. Les joueurs râlent, les sponsors sont mécontents car il n’a pas remporté de trophée et les supporters exigent de plus en plus régulièrement sa tête. Et même des dirigeants le regardent de travers. Le basket est très populaire à Charleroi mais il a coûté beaucoup d’argent ces dernières années et le palmarès du club ne s’est pas enrichi. La politique des transferts témoigne également de son manque de flair en la matière.

Je m’étais un jour juré de ne jamais quitté La Coupole. Je pense que Daniel Goethals et Jacques Stas ont déjà raisonné de la sorte également. Mais les choses ont changé et ces garçons ne savent pas encore où ils évolueront la saison prochaine. Mais nos coaches trouveront en chacun d’entre nous des gars supermotivés, pas des vieillards qui veulent encore grappiller des millions. Je veux prendre ma revanche à tous les niveaux. Voici six mois, j’ai quitté les Belgian Lions afin de me consacrer pleinement à Charleroi. Aujourd’hui, le coach fédéral sait que je suis à sa disposition.

Il repense aux Lions.

Mais après le dernier match des Lions, en février, vous aviez affirmé que vous étiez fatigué et trop vieux…

Il y a plusieurs raisons à cela. Avec Charleroi, nous disputions chaque année bon nombre de matches européens. Ajoutez-y les rencontres internationales et vous comprendrez que j’étais souvent sur les genoux. Ces matches vont me manquer car un sportif de haut niveau en a besoin. Puis, il y eut l’affaire Bozzi. Quand j’ai quitté l’équipe nationale, j’ai repris ses mots: il estimait que j’étais trop vieux et voulait que je me consacre exclusivement à Charleroi. Mais même quand j’ai répondu à sa demande, il a continué à me tyranniser.

On a dit qu’Anvers était intéressé par mes services. J’ai alors téléphoné à Tony Van den Bosch afin de savoir si c’était sérieux. Au cours du même entretien, je lui ai dit que je me remettais à la dispositions des Lions…

Et le voilà parti. Alors que le Tour de France bat son plein, Erik Cleymans passe chaque jour des heures à vélo. Le 20 août, il est attendu à Evreux, où il ne sait pas encore aux côtés de qui il évoluera. Mais cela ne l’empêche pas de dormir. A Charleroi, le basket était son hobby, sa passion. Désormais, c’est un métier, à la limite de la corvée. Dans l’attente et l’espoir de retrouver le Hainaut, dans deux ans. A moins que Bozzi y soit toujours.

Dirk Jacobs

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