Bousculer San Mamés

Reconverti en back droit conquérant, Guillaume veut donner le meilleur demain dans la Cathédrale basque. Avec courage et humour…

Auteur d’une bonne saison dans l’entrejeu en 2008-09, Guillaume Gillet aurait aimé confirmer ça mais la blessure de Marcin Wasilewski en a décidé autrement. Reconverti au back droit depuis septembre, le Liégeois, chemin faisant, a pris goût à ses nouvelles fonctions. Au point même de briguer cette place en équipe nationale… Mais d’abord, il y a la visite à l’Athletic Bilbao demain…

Qu’attendez-vous de ce rendez-vous européen ?

Guillaume Gillet : Les Basques ne sont pas des clients. D’ailleurs, il n’y en a pas dans le championnat d’Espagne. Anderlecht l’avait vérifié face à Getafe en décembre 2007. L’équipe madrilène et l’Athletic se tiennent de près actuellement mais a fait des progrès. Il y aura match, c’est sûr, aussi bien dans la fameuse cathédrale de San Mamés qu’au Parc Astrid. D’autant que plusieurs éléments, chez nous, voudront se mettre en avant : ceux que la Liga attire ( rires).

Que savez-vous de l’Athletic ?

L’équipe a beau n’être composée que de joueurs basques, elle tient la route au plus haut niveau. Ce n’est pas le Real Madrid ou Barcelone mais c’est tout bon quand même. D’après le T2, Daniel Renders, elle vaut surtout par son collectif, rehaussé par la qualité de certaines individualités, comme Joseba Etxeberria, Paco Yeste et Fernando Llorente. En principe, c’est ce dernier qui devrait se trouver dans ma zone. Techniquement, il est doué, comme tous les joueurs là-bas et en plus, il a de la taille. Mais j’ai bon espoir, malgré tout. Pour moi, c’est du 50-50.

Après l’Athletic Bilbao, c’est sans doute le HSV qui vous attend ?

Le hasard veut que le qualifié rencontre le vainqueur du match entre Hambourg et le PSV. Logiquement, les Allemands devraient l’emporter. En tant que germanophile, ce serait franchement génial, pour moi, de rencontrer cette formation après avoir déjà joué contre le Bayern Munich et un certain Franck Ribéry.

C’est vrai qu’on vous appelait le petit Ballack à Eupen…

Jawohl ! On y aimait beaucoup le Sportschau. Et quand Michael Ballack était dans ses oeuvres, je n’avais d’yeux que pour lui. A Chelsea, il n’est plus le même. C’est lui le petit Ballack à présent. Et moi je suis devenu le petit back ( il rit).

 » Aujourd’hui, je me régale de tackles au lieu de buts « 

Au début, vous étiez réfractaire à cette place de back droit. Six mois après, la satisfaction a-t-elle pris le pas sur les réticences ?

Dans un premier temps, j’ai eu du mal à assumer. J’avais acquis des automatismes au milieu et voilà que tout était à refaire. J’ai quelquefois râlé et cédé au découragement car tout ne se passait pas comme je l’aurais voulu. Beaucoup croyaient que je m’en foutais et que je voulais faire comprendre à l’entraîneur que ma place était ailleurs. J’ai eu une discussion franche avec lui. Mon problème, ce n’était pas tant une question de manque d’envie que de sensations. Il fallait tout simplement que je me familiarise à nouveau avec une place que j’avais occupée quelques mois à La Gantoise. Le match à Bruges a peut-être été un tournant. On a pris quatre buts et je me suis dit : -Plus jamais. Depuis, on a fait une magnifique série de 37 sur 39 interrompue, hélas, par Saint-Trond.

Avant ce couac, Anderlecht était déjà passé par le chas de l’aiguille, à nouveau face au Club. Dans ce match, vous étiez revenu à vos premières amours en opérant davantage au milieu. Histoire de mieux contrer un entrejeu adverse en surnombre ?

Exact. On avait débuté en 4-3-3, comme notre adversaire. A cette nuance près qu’un des attaquants brugeois venait toujours prêter main forte au milieu. Tantôt c’était Ivan Perisic, tantôt Dorge Kouemaha, tantôt encore Nabil Dirar. Dans ce cas, on était chaque fois en infériorité numérique à ce niveau. Pour rétablir l’équilibre, le coach m’avait demandé de monter d’un cran pour museler Jonathan Blondel. Je pense m’en être plutôt bien tiré.

Vous avez même été à la base du goal égalisateur en lançant Suarez, auteur du centre pour Frutos sur la phase du 2-2 ?

C’est gratifiant, même s’il ne s’agit que d’un pré-assist ( il rit). Auparavant, c’était les buts qui me faisaient flipper. Ensuite, j’ai tiré satisfaction de mes passes décisives. A présent, je vis les choses d’un peu plus loin encore. Mais je ne me plains pas. Aujourd’hui, je me régale même avec un tackle. Quand il est bien exécuté, il vaut son pesant d’or. Par contre, bonjour les dégâts pour celui qui chatouille le tibia de son adversaire direct dans ces conditions.

 » Leekens m’a appris à tackler « 

Hormis une intervention osée sur le Trudonnaire Jonathan Wilmet, pénalisée d’une carte jaune, vous n’avez pas subi d’autres foudres arbitrales.

J’étais légèrement en retard sur le ballon et je me suis présenté face à lui en pleine extension. Le referee a cependant bien compris que je n’avais nullement l’intention de le blesser et il s’en est tenu à un simple avertissement. Evidemment, des fautes du même genre ont déjà été sanctionnées par un carton rouge. Mais à partir du moment où on joue le ballon sans toucher son opposant, je ne vois pas où est le mal. Heureusement pour moi, mes tackles sont rarement fautifs.

Les slidings sont effectivement votre spécialité. N’est-ce pas étonnant pour quelqu’un qui a passé quasi toute sa carrière dans un rôle offensif ?

Je ne me souviens pas avoir utilisé ce geste chez les jeunes à Liège ou Eupen. Là-bas, je faisais tout debout. C’est Georges Leekens qui m’a formé à Gand. Avec lui, on était tous au même régime, attaquants, médians et défenseurs. Il se flattait même d’avoir appris cet exercice à l’attaquant zambien Kalusha Bwalya, à l’époque où il était jeune entraîneur au Cercle Bruges. Il disait que grâce à lui, ce joueur avait été sacré meilleur joueur d’Afrique à la fin des années 80 et qu’il fallait donc s’inspirer de son exemple ( il rit).

Long Couteau a été le premier à vous reconvertir au back droit, comme il l’avait d’ailleurs fait auparavant avec Sandy Martens à Gand.

Il a toujours vu en moi un infiltreur, d’autant plus percutant que partant de loin. C’est pourquoi il préférait me poster à l’arrière. Au départ, je n’ai pas chicané. Je venais de D2 et pouvais m’estimer heureux d’avoir immédiatement ma place. Au Sporting, c’était différent. Je sortais d’une bonne saison au milieu avec Jan Polak et Lucas Biglia. Pour moi, il n’y avait pas de raison de ne pas faire confiance au même trio. Mais la blessure de Wasyl a changé la donne. Idem en ce qui concerne Bouba Saré ou Cheikhou Kouyaté : auraient-ils obtenu le même temps de jeu si Polak ne s’était pas abîmé le genou ? Tout ce que je sais, c’est que trois joueurs ont été essayés au back : Nemanja Rnic, Ondrej Mazuch et moi.

 » On est plus solidaires qu’à l’époque d’Hassan « 

Vous êtes satisfait de vos évolutions à cette place ?

Je n’ai pas à me plaindre. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait. J’ai encore des difficultés avec certains ballons dans le dos ou avec des joueurs rapides comme Dirar ou Sherjill McDonald. Non pas qu’ils courent plus vite que moi car personne ne m’a encore décroché cette saison. Mais au lieu de leur permettre de débouler, je devrais les stopper plus tôt. C’est une question de positionnement. Dans le même ordre d’idées, le staff m’encourage aussi à n’utiliser le tackle qu’en dernier recours parce qu’un footballeur à terre est évidemment vulnérable.

Quel est votre match-référence jusqu’ici ?

Le 0-2 à Genk. Ce soir-là, j’avais vraiment trouvé le juste équilibre entre mon travail défensif et mes montées. Mais je me suis souvent régalé cette saison : tout marche vraiment sur des roulettes. A partir du moment où je déboule le long de la ligne, je sais que Jona va reprendre ma place. Et si je suis en difficulté sur un service croisé, je peux toujours compter sur Mazuch pour venir à ma rescousse. On est tous sur la même longueur d’onde.

C’est le meilleur Anderlecht au sein duquel vous ayez évolué ?

Celui avec Ahmed Hassan n’était pas mal non plus. Mais l’équipe actuelle est plus solidaire, plus olé-olé aussi. Avec tous ces jeunes, ce n’est pas anormal. Il y a une ambiance formidable entre nous. Les résultats n’y sont pas étrangers, mais d’un autre côté, le plaisir est pour beaucoup dans nos succès.

En tant que Liégeois pur jus, que ressent-on quand on étrille le Standard 0-4 ?

Cette victoire est classée à jamais. D’autant que je m’étais toujours fait charrier. En 2008, chacun se souviendra que nous avions perdu le titre à Sclessin. L’année passée, rebelote avec les playoffs. A un moment donné ; tu te dis : – C’est pas possible, ce gazon est maudit. Et puis l’occasion t’est soudain donnée de savourer ta revanche. J’espère qu’on n’en restera pas là. Ce serait magnifique, par exemple, d’être champion à notre tour à Sclessin. Peut-être que les hasards du calendrier y contribueront.

 » Le 30e titre pour Yves Baré « 

Le titre, on y croit dur comme fer au Sporting ?

Après un 25e sacre en 2000, il me paraît normal de songer à un 30e en 2010. Mais rien n’est encore acquis malgré notre avance au classement. Sans les playoffs, on pourrait tout doucement mettre le champagne au frigo. Mais avec cette nouvelle formule, où les points obtenus seront réduits de moitié, l’intérêt sera relancé. Cette saison, ça ne fait pas vraiment notre affaire ( il rit).

Indépendamment de sa récente victoire sur le fil contre Bruges, Anderlecht n’a guère accumulé les succès face aux autres formations du top-6. N’est-ce pas inquiétant dans l’optique des playoffs ?

Personnellement, je ne m’en formalise pas. Je sais que le jour J, l’équipe répondra présente. Il en est allé ainsi au Standard et contre Bruges. Si on avait été menés 1-2 par le Club sur notre terrain il y a deux ans, on se serait retrouvés les mains vides parce qu’il n’y avait pas, chez nous, cet élan collectif. C’est de bon augure avant notre match à San Mamés.

Les Diables, vous y songez ?

J’y pense, oui. Après avoir obtenu mes galons en tant que back à Anderlecht, j’ai à c£ur de conquérir cette place chez les Diables. J’ai déjà joué à cette place face à la Finlande mais Sepp De Roover et Gill Swerts y ont été utilisés aussi. Si je continue sur ma lancée, je ne vois pas pourquoi on me snoberait. L’Allemagne va se dresser sur la route des Diables au cours des qualifications pour l’EURO 2012. Je ne voudrais vraiment pas louper ce rendez-vous…

Si Anderlecht est champion, à qui dédierez-vous ce titre ?

Plus que tout autre à Yves Baré. C’est mon manager depuis toujours et ce sacre serait une fort belle manière de le remercier pour tout ce qu’il a fait pour moi. Je n’oublierai jamais qu’au moment de mon passage à Anderlecht, en janvier 2008, il aurait pu se remplir les poches en me faisant signer au Dynamo Moscou. Il a préféré que j’opte pour les Mauves, plus intéressants sur le plan sportif pour moi mais moins intéressants d’un point de vue financier pour lui. Et c’est quelque chose qui reste gravé dans ma mémoire. Il avait déjà fait ça avec Eric Deflandre : au lieu de le transférer à Laval au départ du Germinal Ekeren, il avait préconisé Bruges, alors que l’affaire était moins juteuse pour lui. Quand on voit la trajectoire accomplie par Eric depuis, il y a de quoi tirer un fameux coup de chapeau.

Et Deflandre s’est illustré au back droit justement ?

Oui. Et Yves aussi. J’en conclus que je suis à bonne école ( il rit).

par bruno govers – photos: belga

« La victoire au Standard est classée à jamais. D’autant que je m’étais toujours fait charrier là-bas. »

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